Les Messagers de la nuit

Je rêvais d'un peu de lecture, d'un doigt de brandy, d'un simple sandwich et d'enfouir mon corps et mon esprit dans les profondeurs d'un fauteuil.

J'étais convaincue que, s'il avait été protestant, j'aurais moi aussi plu au père Villalba. Cela suffisait à contenter ma vanité. Il semble évident qu'il existe certains défis masculins pour les femmes : curés, homosexuels, impuissants ou hommes politiques au pouvoir, tout ce qui augmente la difficulté et mêle à la séduction une forme de claudication idéologique chez le mâle

Les mystères ne se servent pas sur un plateau pour en dissimuler ensuite la solution.

Fâchée contre moi-même de m'être laissée embobiner à ce point et d'avoir en quelque sorte perdu ma dignité, j'allais me coucher dans un nuage de mauvaise humeur.

Nous nous retrouvions échoués comme une bicyclette sur le sable, comme une voiture dans un bourbier. Les soupçons à large spectre sont le plus grand ennemi de toute enquête.

Ils se préparaient à une vie sans soubresauts qui, pour peu qu'ils restent sur les rails, les conduirait paisiblement au terminus.

Le spectacle de la marginalisation était terrible. Les détails de ce que j'avais vu me revenaient sans cesse à l'esprit. Les installations des centres d'hébergement, aux lits identiques et aux couvertures grossières, les pitoyables tentatives de décoration consistant en des fleurs en plastiques et de petits cadres avec des photos de paysages idylliques étaient significatives en soi.(...) celui qui venait dormir là assumait son échec tandis que le monde lui disait que c'était de sa faute. Tout était fallacieux, un mensonge répugnant auquel nous avons fini par croire : une société juste, l'égalité des chances...

Une vie routinière avait fini par faire de lui un homme assoiffé de sensations, à l'approche de la retraite. Aussi, après avoir gouté au miel du mystère, rechignait-il à revenir au vulgaire potage du menu traditionnel.

Il s'éloigna, plus digne qu'un hidalgo de pacotille. Je ne m'attendais pas à cette réaction. Garzon était un homme passionné jusqu'à la moelle, et il s'ennuyait manifestement, oh oui ! Il s'ennuyait de façon démesurée, comme une bête, un malheureux animal condamné à la cellule d'un zoo alors qu'il ne rêve que de savanes infinies.

Derrière cet homme il y avait une sorte d’abîme, un espace peuplé de choses dangereuses, mystérieuses, latentes, à vif comme des cœurs arrachés.