Il n’était pas le plus honnête ni le plus pieux des hommes, mais il était courageux. Il s’appelait Diego Alatriste y Tenorio et il avait été soldat en Flandres. Quand j’ai fait sa connaissance, il vivotait à Madrid où pour quatre maravédis, il louait ses services à ceux qui n’avaient ni l’art ni l’audace de vider leurs querelles eux-mêmes. A l’époque, la capitale de l’Espagne était un lieu où la vie ne tenait souvent qu’à un fil, au coin d’une rue, sous les éclairs de deux lames d’acier. Diego Alastriste s’en sortait fort bien.
Don Francisco de Quevedo, poète boiteux et hardi, putassier et chevalier de Saint-Jacques, célèbre à la cour pour ses bons vers et son mauvais caractère, avait le verbe haut et l’épée facile.
- Diego, quelqu’un a besoin de toi.
- De moi, ou de mon épée ?
- Quelle question ? Il y a des femmes qu’on remarque pour leurs charmes, des curés pour leurs absolutions, des vieux pour leur argent… Mais quand il s’agit de gens comme toi et moi, il n’y a que notre épée qui vaille.
- Vous accordez dont tant d’importance au courage ?
- C’est parfois la seule chose qu’il nous reste, surtout par les temps qui courent, quand tout est objet de négoce, même les drapeaux et le nom de Dieu.
Méfie-toi de la qualité. Ici, tout le monde veut être chrétien de vieille souche, hidalgo ou gentilhomme, ce qui revient au même. Et comme le travail est le début du déshonneur, plus personne ne bouge le petit doigt.
Alastriste ne comprenait de l’anglais que les mots que l’on peut s’échanger sur le champ de bataille – Fockyou (allez vous faire foutre) et oui are gouin toucat your balls (on va vous couper les couilles).
Que voulez-vous ! Avec des hommes intègres, on peut sans doute gagner des batailles mais pas gouverner des royaumes.
On peut parler avec une dureté extrême de qu’on aime, justement parce qu’on l’aime.
[Alastriste] Je n’ai aucun plaisir à tuer. Pour moi, ôter la vie n’est pas une passion, mais un métier.
Dans notre Espagne, mon cher Diego, avec de l’or on peut acheter aussi bien le noble que le vilain. Tout est à vendre, sauf l’honneur national. Et même lui, on le trafique en douce à la première occasion.