Un univers de fantasy riche et cohérent
En suivant les aventures d'Espa, nous plongeons au coeur d'un univers mûrement réfléchi. le continent – cadre de l'histoire – a tout d'abord été esquissé par Thomas (voir ses premiers plans) avant de devenir la magnifique carte ci-dessous. Il fait partie des cinq continents d'une planète située à des centaines d'années-lumière de la Terre. Au fil des pages, on y découvre avec plaisir les différents espaces qui le dessinent – désert, montagnes, villages, cours d'eau et lacs – et qui forment a priori un ensemble harmonieux…
Je dis – ou plutôt j'écris – « a priori » car en réalité le projet de l'Empereur Narnienn, le Mal en personne ayant pris le pouvoir dans le royaume des Hommes, consiste en la destruction des autres races de l'immense territoire. Seuls les skyrans et leurs précieux compagnons ailés – les skyraffs, pourraient en venir à bout. Or, Narnienn les a éradiqués de façon quasi définitive. Heureusement, cinq oeufs de skyraffs subsistent, protégés par les Dieux eux-mêmes, sur la montagne Sacrée… Mais comment les transmettre aux futurs skyrans ?
Personnages humains, créatures mythiques, créatures du Petit Peuple vivent sur le continent. On y retrouve les Hommes, bien sûr, mais aussi les elfes, les nains et les loups-garous… de quoi ravir bon nombre de lecteurs ! Les Pavras, sbires de l'Empereur à la poursuite du héros, sont terrifiants et très bien décrits. Également dotés d'une monture effroyable, pourquoi certains humains les nomment-ils alors « Les Bienveillantes » ? Narnienn aurait-il réussi aussi à diviser les Hommes ? Pour mieux régner… ?
Ce qui est très plaisant dans ce texte, c'est que nous retrouvons certains codes, thèmes et situations narratives caractéristiques de la fantasy, sans toutefois tomber dans la stéréotypie trop souvent présente dans la littérature, en particulier la littérature pour la jeunesse. Ainsi, le mythe de l'orphelin, la confrontation du Bien et du Mal, la résistance qui s'organise entre les peuples, les combats… sont traités avec une belle inventivité que j'ai beaucoup appréciée.
Thomas et
Florence Gindre ont également pris soin de proposer à leurs lecteurs, à la fin du roman, une liste des personnages et des peuples, des villes et des lieux, ce qui permet aux plus jeunes de se repérer facilement. le monde créé par les auteurs possède une véritable épaisseur, la dimension épique du récit est palpable, la magie transparaît nettement. Un seul petit bémol… j'aurais aimé davantage de descriptions !
Une quête initiatique
Tout commence à Lara, petit village paisible situé au nord de l'Empire. Élevé par ses parents adoptifs, entouré de son frère, de ses soeurs et de ses amis, Espa est apprenti chasseur et semble vivre son adolescence tranquillement. Jusqu'au jour où il devient un skyran – il a été choisi par son skyraff, c'est ainsi que les choses se passent – et acquiert un statut d'Élu.
Suite à la tragédie qui frappe Lara, le héros fuit. Accompagné de la conteuse du village – Nymphia – et de Xénos, son skyraff, il commence un long voyage à travers le royaume…
L'occasion pour lui d'en apprendre davantage sur l'Empereur et sur la Grande Histoire du continent. Comprenant peu à peu qu'il est directement visé par Narnienn, il fait désormais partie de ceux qui le combattront sans relâche. de quels pouvoirs les skyrans et les skyraffs sont-ils dotés pour que l'Empereur ne puisse à ce point supporter leur présence sur ses terres ?
L'occasion aussi d'un parcours intérieur dont le voyage en tant que trajet physique constitue la métaphore. le mystère de sa naissance progressivement dévoilée va lui donner des ailes, à l'image de son skyraff. Garçon étonnant, doté d'une intelligence singulière, très attachant en tant que héros, Espa va affronter bien des épreuves. En effet, sa rencontre avec les autres peuples n'est pas de tout repos ! le duo – Epsa et Xénos (son skyraff) – fonctionne parfaitement bien. Les deux héros – deux facettes d'une même entité ? – échangent et grandissent ensemble, se nourrissent l'un l'autre. Humour et complicité se mêlent joliment.
J'ai beaucoup apprécié le regard tendre porté par les auteurs sur l'adolescence, période charnière de la vie – souvent compliquée. Les nombreux rebondissements et la belle plume de
Florence Gindre en font un roman d'une qualité indéniable.
Concernant l'âge potentiel des lecteurs, la question reste ouverte. Il est vrai que le roman se prête particulièrement bien à une lecture adolescente. Pour autant, l'adulte peut y trouver son compte. Je suis adulte, non ?… La fantasy et le monde de l'enfance, rappelons-le, entretiennent des liens étroits de par l'histoire du genre et les images mentales que celui-ci génère. Pour celui qui aime les mondes merveilleux et le souffle magique qui les traversent, le récit de Thomas et
Florence Gindre donne une forme à l'Enfance retrouvée. Pour ma part, j'ai complètement oublié, au cours de ma lecture, le paramètre de l'âge des destinataires. J'ai plongé avec plaisir dans le monde imaginé par Thomas, avec l'envie d'avancer dans l'intrigue, de connaître la fin de l'histoire… enfin… du premier tome !
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