Le roman tout entier d'Alain Giorgetti est trempé de mer, de son fracas, de son éternel roulement, de son implacable puissance, de son érosion inéluctable si l'on y trempe trop longtemps. Il aspire, conduit, brasse et tue à petit feu, lentement. Il brûle la peau, les poumons, les yeux, glace et condamne, et surtout, il bruit de tous les morts du monde, à en devenir assourdissant. Bien souvent, en haute lecture, ballotté dans les paragraphes serrés, nous avons perdu de vue le rivage rassurant du chapitre depuis longtemps, nous n'avons aucune bouée de blanc, le moindre retour chariot pour nous accrocher et souffler, il faut partir avec, retenir son souffle et endurer. le roman tout entier d'Alain Giorgetti est une marée qui avance.
Son personnage central, le jeune Adèm, est échoué sur le rivage, de nuit. La traversée qu'il a entamée avec sa petite soeur semble s'être mal terminée, mais nous n'en savons pas grand-chose, lorsque le récit commence. Il a froid, du mal à bouger, essaye de ne pas s'endormir et de rassembler ses forces pour se redresser, en attendant les secours. Par une naturelle et diabolique présence d'évocation, poétique, mais surtout narrative, l'écrivain n'a pas besoin de beaucoup de lignes pour nous transporter en l'instant dans ce corps immobile, épuisé et meurtri, en lutte contre la nuit qui va bien finir par se lézarder d'espoir et apporter un matin neuf, vibrant. Comme Adèm, nous ne savons pas où nous sommes, mais le danger guette et pour tenir, avant de savoir qui de la nuit ou du jour va triompher, il va falloir se rappeler d'où nous venons.
Adèm déroule alors le fil de sa courte existence, espérant que sa mémoire imprimera son histoire dans le vent, et que portée par l'invisible bienfaisance du recommencement, elle sera déposée sur le bureau du Strasbourgeois Giorgetti, dont la tâche immense sera de la recomposer au vol, alors qu'il attend lui aussi, minute par minute, que quelqu'un trouve Adèm et lui porte secours. Appelé au milieu de la nuit,
Alain Giorgetti, qui prend suffisamment au sérieux les mythes et les signes pour s'en faire le prodigieux interprète, transcrit et reconstitue le destin d'une famille à travers le souvenir qu'en conserve religieusement ce fils doré, dont le coeur et les respirations ont su émouvoir le vent. Si c'est bien tout ce que peut la littérature, elle est néanmoins la seule à le pouvoir : la porosité d'une âme à une autre, doublée de la capacité de lui rendre justice, le tout nimbé d'un amour fou qu'il est impossible de contrefaire crève un passage dans les veines du lecteur, éclate cet autre, fictif, dans nos pupilles, contre notre poitrine pour qu'il s'y déploie et nous colonise, que jamais plus on ne puisse le désapprendre, l'oublier.
Le roman tout entier d'Alain Giorgetti confine à la voyance. le contact s'établit, et nous marchons Adèm, nous pleurons, mangeons Adèm, nous le redressons, lui qui n'y arrive plus et enfin, nous comprenons tout. .. Lire la suite : https://pamelaramos.fr/resistance-a-la-nuit-alain-giorgetti-et-son-roman-refuge/
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