Citations sur Les dames de nage (246)
Toi aussi, tu as les yeux bleus, me dit-elle avec un adorable sourire. Elle aimait les yeux bleus et les petits marins. Elle n’avait pas décliné d’identité et avait suivi le Français dans une rue sombre où il l’avait embrassée, de longs baisers dont elle n’avait jamais oublié le goût. Elle avait vite trouvé comment défaire le pont du pantalon et il avait joui dans sa bouche, ce qu’elle n’acceptait jamais. Elle avait même gardé le sperme longtemps avant de l’avaler. Elle avait trouvé ça bon, et lui aussi. Il avait essayé de la prendre un peu plus tard dans une rue qui puait le rance, le poisson séché et la pisse. Elle avait refusé et voulait une vraie chambre.
J'étais prisonnier, pieds et poings liés, dans un taxi parisien piloté par un Sénégalais en exil, à six heures du soir en hiver. Le périphérique, comme un long serpent, poussait des cris avec des lueurs tueuses, jaunes et mouillées, et les motos folles sillonnaient comme des hors-bord entre les carcasses luisantes. Les couleurs se nouaient, s'étiraient jusqu'à la rupture avec des morves rouges sous les ponts de fer et le béton incendié. Je voyais des visages blêmes se morceler en cristaux derrière les pare-brise.
Le véritable amour est libre, c'est aujourd'hui, sans lui, que je suis prisonnière.
Les grands ne savent pas la place qu'il y a dans le coeur des enfants. Lui, le fils d'hier, en avait gardé une grande pour son père qui n'avait jamais su comment y entrer. Il avait pourtant rêvé de s'y mettre, comme lui aujourd'hui. Ce qu'il ne savait, pas c'est qu'il y était déjà. C'est ça l'ignorance. Il manque le geste et le dire. L'amour, ça doit se lire tout de suite. Ce n'est pas une partie de cache-cache.
Si tu attrapes un beau bonheur, un papillon rare, sans l’abîmer, si tu le prends dans ta paume et que tu la refermes pour l’emprisonner, il ne reste que de la poussière de bonheur sur les doigts, si tu le piques sur un bois il meurt.
« Je l'ai aimée comme un enfant, comme un homme, comme je n'ai jamais plus aimé. Son corps était parfait et elle était ma lumière. Elle avait un grand cou pour poser des baisers et des cheveux blonds, doux, dans lesquels parfois, quand elle voulait bien, je cachais mon visage. Ses yeux me donnaient des frissons. Elle ne marchait pas, elle dansait. Un ange avec des seins comme des oiseaux. Je me suis barbouillé d'elle, insatiable »
Ce qu'on écrit est déjà écrit. Nous sommes des chairs fermées, crispées sur nos amours, nos souffrances, nous écrivons à l'enfant que nous sommes, qui crie dans le noir et à qui personne ne répond. Il faudrait devenir perméable. Le don est la source même de l'infini, une houle de tendresse dans l'éternité.
« Mon amour est sauvage, multiple. Il est cette odeur délicieuse de l’attente, ce sanglot étonné, cette caresse chaude, cette silhouette au bord du fleuve. Il est ce vent insoumis, cette profondeur marine, une algue au plus fort du courant. Il n’a pas de nom, il est femme au large du quotidien, femme offerte et libre. Je l’ai vu en Orient derrière une lune de papier huilé, dans ce jardin clos où meurent les tourterelles, sur ce banc, où j’attends. Tout ceci jusqu’à Maïmouna, pour le pire »
Elle avait de belles mains souples et fines qui dessinaient l'espace autour d'elle.
Attraper le bonheur, c’est vouloir retenir un papillon dans sa main ou le prendre avec un filet. Tu précipites le filet sur lui et il s’abîme, c’est un bonheur gâché.
Si c’est un bonheur agile, on ne ne peut le faire prisonnier et l’on court sans fin, c’est une agitation inutile, le bonheur est parti.
Parfois il se laisse prendre sans dommage, il ne s’est pas débattu et il reste bien sage, un peu frileux sous le filet. C’est un bonheur fragile, fatigué, malade peut-être.
Si tu attrapes un beau bonheur, un papillon rare, sans l’abîmer, si tu le prends dans ta paume et que tu la refermes pour l’emprisonner, il ne reste que de la poussière de bonheur sur les doigts, si tu le piques sur un bois il meurt.
Il faut être comme l’arbre à papillons, prêt à accueillir le bonheur, et tu verras, il viendra sur ton épaule.