Ce que je voulais toujours avec toi, c’est partir
et que la terre recommence
sous un autre jour, avec une herbe encore nubile,
un soleil qui n’appuie pas trop
sur le coeur et puis du bleu tout autour comme
un chagrin qui se serait lavé
les yeux dans un reste d’enfance, et que le temps
s’arrête comme quand tout
allait de soi, tout, quand partir n’était encore
qu’une autre façon de rester
comme l’eau dans la rivière, les mots dans le poème
et moi, toujours en partance
entre l’encre et les étoiles, à rebrousser sans fin
le chemin de tes larmes.
POUSSIÈRE D’OUBLI
Ce que j’ai vu, je l’ai écrit
comme la pluie sur les vitres
et les larmes des roses, et tout
ce que j’ai oublié demeure
là, dans ce grand sac de voyelles
posé contre le pied de la table
où le temps passe entre ma vie
et moi sans blesser personne.
Quand plus rien ne chante au-dehors
je puise dans le sac et sème
sur la page un peu de poussière
d’oubli et le jour paraît comme
un musicien qui tend son chapeau.
Ne dis rien : laisse-moi
entrer nu sous ta paupière
avant que le jour
me couvre
de ton ombre
p.79
Petits riens pour jours absolus/XV
Ce que j'ai vu je l'ai écrit
comme la pluie sur les vitres
et les larmes des roses, et tout
ce que j'ai oublié demeure
là, dans ce grand sac de voyelles
posé contre le pied de la table
où le temps passe entre ma vie
et moi sans blesser personne
Quand plus rien ne chante au dehors
je puise dans le sac et sème
sur la page un peu de poussière
d'oubli et le jour paraît comme
un musicien qui tend son chapeau.
Elle dit C'est toujours
la même histoire avec toi
Rien n'est jamais
ni blanc ni noir
et quand tu parles
c'est par énigmes
comme si le monde
avait les yeux de ton poème
L'été dans le brouillard
a perdu ses oiseaux
ses arbres ses fontaines
Le silence lui parle
un langage de neige
qui fond tout doucement
et nous ouvre les yeux
p.74
Petits riens pour jours absolus/ X
Soleil soleil
vieil orpailleur
à genoux dans l'aube
descends toutes mains éteintes
le rivière à pépites
que la blonde écolière
jette en riant
sous son chapeau
p.78
Petits riens pour jours absolus/XIV
J'ai cru longtemps comme toi qu'il suffisait de toucher
le bois d'une table pour marcher avec la forêt,
de caresser le galbe d'une statue pour donner
un corps tout neuf à l'amour, de croquer
un fruit vert pour que s'ouvre à nouveau
le jardin de l'enfance et que la mer appareille
qui était blanche comme tout ce qui endure
sans parler le feu des longs désirs.
La couleur des larmes
I
J'ai dit toutes les paroles que je savais, toutes.
J'ai prononcé ton nom pour moi et pour
ce que nous avons été ensemble, ce grand corps
balancé entre la mer promise et la terre d'habitude
à chercher une route vivante et qui parle pour nous.
Mais nous avons épuisé l'eau du désert avant même
que le soleil nous touche les lèvres, et cet hiver
qui n'en finissait pas de tendre ses pièges
entre nos bras, nous l'avons assez poursuivi
pour savoir qu'il séparait nos traces
et nous perdait dans la neige des jours.
À présent, face à face, nous attendons la nuit.
Je dis des mots qui ne passent pas par ma gorge
et toi, tu redemandes un café très fort
pour changer la couleur des larmes.
p.83-84
L'éléphant
Bâti comme un lutteur de foire
Gui gardait une âme d'enfant
Il devint artiflot pour voir
Comment tirent les éléphants
p.42