Mon nom est Julia. Il y a longtemps maintenant — peut-être vingt-cinq ans —, j'ai fait, par amour et par fidélité, le choix de servir plutôt que de disposer. J'ai décidé de participer au jeu secret que se livrent tous les États entre eux, depuis toujours, alliés du jour ou ennemis ancestraux — cela ne fait aucune différence. J'ai pour commerce de traquer l'information. De démonter les certitudes les plus fermement établies — car c'est là, précisément, que l'adversaire, ami ou ennemi, nous attend. Et cette main qui vous caresse, c'est peut-être celle qui vous étranglera. Et cet ami d'enfance qui vous sourit n'est là que sur demande d'un puissant dont il est l'intermédiaire. Et cet ennemi implacable qui a consumé vos enfants jusqu'à la dernière cendre veut devenir votre plus fidèle allié.
« L'affaire du meurtre de Zhu Tianshun nous oblige à être très fermes par rapport aux désordres étudiants. Il existe aujourd'hui, d'après le camarade Gucheng, des ferments encore plus dangereux qu'au printemps 1989 et je propose que les autorités du Guangdong décrètent immédiatement l'interdiction de toute manifestation dans la province, ainsi que l'instauration du Caiqu jieyou cuoshi — la déclaration de mesures partielles et de court terme de la loi martiale sur toutes les grandes villes de la province. Prenant effet dès demain soir minuit. Nous agirons avec la plus grande sévérité contre les contrevenants. Tout en gardant à l'esprit la sagesse du camarade Yang Shangkun, le regretté compagnon de route du camarade Deng Xiaoping, qui, au moment de la fermeté, insista avec raison sur les mots d'ordre suivants : “Pas de vies sacrifiées. Pas de sang versé.” Camarades, telle est bien la sagesse qui doit conduire notre action. » Et il conclut en joignant les paumes de ses mains en un signe de pieuse résolution.
La référence à Yang Shangkun n'était pas passée inaperçue. En 1989, lors des événements de Tienanmen, il avait été le dernier Aîné à soutenir le secrétaire général Zhao Ziyang quand celui-ci tentait encore de maintenir le dialogue avec les étudiants. Un clin d'œil pour faire passer la pilule. Qiao Yi avait monté la barre. Il devait avoir l'appui de certains vieillards de Zhongnanhai. Hu Ronglian sentit qu'il ne pourrait résister. Il était sur la touche.
Le comité approuva.
Le Parti central déclenchait l'épreuve de force.
Je n'avais jamais connu la guerre. Mais maintenant que sa souillure est revenue me hanter, je suis forcée de contempler mon erreur dans le reflet de ces jours passés, ces jours de paisible illusion. Comment ai-je pu échouer à discerner sa silhouette à l'horizon ?… Telle était pourtant ma tâche : j'étais une sentinelle. Un agent du renseignement, employée du gouvernement fédéral américain. Un fonctionnaire dont l'identité n'appartient qu'à l'État. Jusqu'à ce jour.