Le noir peut être blanc, le blanc gris et le gris la seule couleur restant à notre arc-en-ciel quotidien, tellement prégnante que l'on en oublie jusqu'à l'existence.
Je n'avais jamais connu la guerre.
En quelques jours à peine, j'allais perdre cette virginité.
Longtemps, j'ai été cette femme innocente et naïve qui croyait à la géométrie du progrès. Une simple ligne droite, montante, parallèle à la flèche du temps. Le passé était forcément derrière nous. Il ne peut pas y avoir de guerre quand l'on trouve du steak de soja ou des yoghourts au bifidus dans son supermarché. Ou quand on peut payer sa place de parking avec une carte de crédit. La guerre, c'était dans les musées qu'elle se déclarait. Pas sur le pavé de nos rues tranquilles. Il y avait bien cette rumeur qui n'avait jamais cessé de bruire, là-bas, aux confins du monde connu. Ces images télévisées de pays de soleil éclaboussés de sang. Mais pour moi, elle demeurait une grande dame de l'ancien temps. Pour moi, elle se résumait à cette contemplation de vieilles photos sépia remplies de regards innocents, capturés avant la mort. Aujourd'hui, l'ordre régnait. Elle n'avait plus sa place parmi nous. Elle avait fait retraite.
Journal de Julia — Washington D.C., 29 juin
Le premier signe est venu au creux de ces heures incertaines
qui démarquent avec peine la nuit du petit matin. Je suis toujours
au bureau, abrutie de fatigue, seule depuis des heures.
Dehors, Washington D.C. demeure encore muette. Mais dans
le ciel, les ténèbres se déchirent sous la force de vagues immobiles.
Le moment approche.
C'est là, sur le coin droit de mon écran d'ordinateur — une
icône d'alerte. Nouvelle « flash » — source ouverte.
le temps des dérives solitaires et des actions unilatérales devait s'achever. La clé de toute doctrine de sécurité résidait dans l'action collective. Tel serait le combat de leur présidence.
Il devait être sept heures et quart du matin. Les murs blanc crème du Bureau ovale réfléchissaient la lumière du petit matin. Sur un coin de table, un buste d'Abraham Lincoln adressait un regard pensif à la pelouse sud et au monde qui s'éveillait au-delà.
Quelque part entre le Groenland et l'Islande, une turbulence un peu plus forte que les autres gifle d'un coup sec le corps du grand avion.
Mais peut-on échapper à son destin ? Peut-on échapper à la malédiction du pays qui vous a fait naître, qui a fait de vous l'un de ses fils prodigues — et qui réclame de vous aujourd'hui le plus grand des sacrifices, celui de ses propres principes ?
Les liens du sang sont toujours les plus forts. La bataille de Pékin commencerait dans vingt-quatre heures.
Le premier signe est venu au creux de ces heures incertaines qui démarquent avec peine la nuit du petit matin. Je suis toujours au bureau, abrutie de fatigue, seule depuis des heures. Dehors, Washington D.C. demeure encore muette. Mais dans le ciel, les ténèbres se déchirent sous la force de vagues immobiles. Le moment approche.
C'est là, sur le coin droit de mon écran d'ordinateur — une icône d'alerte. Nouvelle « flash » — source ouverte. Je clique. Un fil personnalisé de l'édition électronique du New York Times. L'écran dans l'écran avale lui aussi tout l'espace. Et marque la fin de la nuit. Mais je ne le sais pas encore.
Le monde n'a plus de couleurs, il n'a que des dégradés. Jusqu'à ce que ces teintes finissent par vous habiller.
Le « démon » n'existe que tant que les intérêts divergent.