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Citations sur Germinie Lacerteux (125)

C’était bal à la Boule-Noire, un jeudi. On dansait.

La salle avait le caractère moderne des lieux de plaisir du peuple. Elle était éclatante d’une richesse fausse et d’un luxe pauvre. On y voyait des peintures et des tables de marchands de vin, des appareils de gaz dorés et des verres à boire un poisson d’eau-de-vie, du velours et des bancs en bois, les misères et la rusticité d’une guinguette dans le décor d’un palais de carton.

Chapitre XVI
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L’ironie, — l’ironie basse, lâche et mauvaise du bas peuple, — c’était tout ce garçon. Il incarnait le type de ces Parisiens qui portent sur la figure le scepticisme gouailleur de la grande ville de blague où ils sont nés. Le sourire, cet esprit et cette malice de la physionomie parisienne, était toujours chez lui moqueur, impertinent. Jupillon avait la gaieté de la bouche méchante, presque de la cruauté aux deux coins des lèvres retroussées et tressaillantes de mouvements nerveux.

Chapitre XV
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Se séparer de sa nièce, cela coûtait beaucoup à Germinie. Elle avait mis un peu de son existence sur cette enfant. Elle s’y était attachée par les inquiétudes et les sacrifices. Elle l’avait disputée et reprise à la maladie : cette vie de la petite fille était son miracle. (...)
Ce départ fut un déchirement pour Germinie. Elle se trouva isolée et inoccupée. N’ayant plus cette enfant, elle ne sut plus quoi aimer ; son cœur s’ennuya, et, dans le vide d’âme où elle se trouvait sans cette petite, elle revint à la religion et reporta ses tendresses à l’église.

Chapitre VI
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Germinie n’eut plus alors qu’une pensée : sa nièce. Elle voulait la faire revivre, et l’empêcha de mourir à force de la soigner. Elle s’échappait à tout moment de chez mademoiselle, grimpait quatre à quatre au sixième, courait embrasser l’enfant, lui donner de la tisane, l’arranger dans son lit, la voir, redescendait essoufflée et toute rouge de plaisir. Les soins, les caresses, ce souffle du cœur dont on ranime un petit être prêt à s’éteindre, les consultations, les visites de médecin, les médicamentations coûteuses, les remèdes des riches, Germinie n’épargna rien pour la petite et lui donna tout.

Chapitre VI
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Son beau-frère, le mari de sa sœur la portière, avait fait le rêve des Auvergnats : il avait voulu joindre aux profits de sa loge les gains du commerce de bric-à-brac. Il avait commencé modestement par cet étal dans la rue, aux portes des ventes après décès, où l’on voit, rangés sur du papier bleu, des flambeaux en plaqué, des ronds de serviette en ivoire, des lithographies coloriées, encadrées d’une dentelle d’or sur fond noir, et trois ou quatre volumes dépareillés de Buffon. Ce qu’il gagna sur les flambeaux en plaqué le grisa. Il loua dans une allée de passage, en face d’un raccommodeur de parapluies, une boutique noire, et il se mit à faire là le commerce de cette curiosité qui va et vient dans les salles basses de l’Hôtel des Commissaires-priseurs. Il vendit des assiettes à coq, des morceaux du sabot de Jean-Jacques Rousseau, et des aquarelles de Ballue signées Watteau. À ce métier, il mangea ce qu’il avait gagné, puis s’endetta de quelques mille francs. Sa femme, pour remonter un peu le ménage et tâcher de sortir des dettes, demandait et obtenait une place d’ouvreuse de loges au Théâtre-Historique. Elle faisait garder le soir sa porte par sa sœur la couturière, se couchait à une heure, se levait à cinq. Au bout de quelques mois, elle attrapa dans les corridors du théâtre une pleurésie qui traîna et l’enleva au bout de six semaines. La pauvre femme laissait une petite fille de trois ans, attaquée d’une rougeole qui avait pris le caractère le plus pernicieux dans l’empuantissement de la soupente et dans l’air où l’enfant respirait depuis plus d’un mois la mort de sa mère. Le père était parti au pays pour tâcher d’emprunter de l’argent. Il se remariait là-bas. On n’en eut plus de nouvelles.

Chapitre VI
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De cette femme laide, s’échappait une âpre et mystérieuse séduction. L’ombre et la lumière, se heurtant et se brisant à son visage plein de creux et de saillies, y mettait ce rayonnement de volupté jeté par un peintre d’amour dans la pochade du portrait de sa maîtresse. Tout en elle, sa bouche, ses yeux, sa laideur même, avait une provocation et une sollicitation. Un charme aphrodisiaque sortait d’elle, qui s’attaquait et s’attachait à l’autre sexe. Elle dégageait le désir et en donnait la commotion. Une tentation sensuelle s’élevait naturellement et involontairement d’elle, de ses gestes, de sa marche, du moindre de ses remuements, de l’air où son corps avait laissé une de ses ondulations. À côté d’elle, on se sentait près d’une de ces créatures troublantes et inquiétantes, brûlantes du mal d’aimer et l’apportant aux autres, dont la figure revient à l’homme aux heures inassouvies, tourmente ses pensées lourdes de midi, hante ses nuits, viole ses songes.
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Bientôt le confessionnal fut comme un lieu de rendez-vous adorable et sacré pour la pensée de Germinie. Il eut tous les jours sa première idée, sa dernière prière. Dans la journée, elle s’y agenouillait comme en songe ; et tout en travaillant il lui revenait dans les yeux avec son bois de chêne à filets d’or, son fronton à tête d’ange ailée, son rideau vert aux plis immobiles, le mystère d’ombre de ses deux côtés. Il lui semblait que maintenant toute sa vie aboutissait là, et que toutes ses heures y tendaient. Elle vivait la semaine pour être à ce jour désiré, promis, appelé. Dès le jeudi, des impatiences la prenaient ; elle sentait, dans le redoublement d’une angoisse délicieuse, comme l’approche matérielle du bienheureux samedi soir ; et le samedi venu, le service bâclé, le petit dîner de mademoiselle servi à la hâte, elle se sauvait et courait à Notre-Dame de Lorette, allant à la pénitence comme on va à l’amour. Les doigts mouillés à l’eau bénite, une génuflexion faite, elle passait entre les rangs de chaises, sur les dalles, avec le glissement d’une chatte qui se coule sur un tapis. Inclinée, presque rampante, elle avançait sans bruit, dans l’ombre des bas-côtés, jusqu’au confessionnal mystérieux et voilé qu’elle reconnaissait, et auprès duquel elle attendait son tour, perdue dans l’émotion d’attendre.
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Entrée chez Mlle de Varandeuil, Germinie tomba dans une dévotion profonde et n’aima plus que l’église. Elle s’abandonna peu à peu à cette douceur de la confession, à cette voix de prêtre égale, sereine et basse, qui venait de l’ombre, à ces consultations qui ressemblaient à un attouchement de paroles caressantes, et dont elle sortait rafraîchie, légère, délivrée, heureuse, avec le chatouillement et le soulagement d’un pansement dans toutes les parties tendres, douloureuses et comprimées de son être.
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Ceux qui voient la fin de la religion catholique dans le temps où nous sommes, ne savent pas quelles racines puissantes et infinies elle pousse encore dans les profondeurs du peuple. Ils ne savent pas les enlacements secrets et délicats qu’elle a pour la femme du peuple. Ils ne savent pas ce qu’est la confession, ce qu’est le confesseur pour ces pauvres âmes de pauvres femmes. Dans le prêtre qui l’écoute et dont la voix lui arrive doucement, la femme de travail et de peine voit moins le ministre de Dieu, le juge de ses péchés, l’arbitre de son salut, que le confident de ses chagrins et l’ami de ses misères.
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Elle n’osait dire tout ce qu’elle souffrait à côté de ces garçons de café, effrontés, blagueurs, cyniques, nourris de restes de débauche, salis de tous les vices qu’ils servent, et mêlant au fond d’eux les pourritures d’un arlequin d’orgie. À toute heure, elle avait à subir les lâches plaisanteries, les mystifications cruelles, les méchancetés de ces hommes heureux d’avoir leur petit martyr dans cette petite fillette sauvage, ne sachant rien, l’air malingre et opprimé, peureuse et ombrageuse, maigre et pitoyablement vêtue de ses mauvaises petites robes de campagne.
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