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Citations sur Germinie Lacerteux (125)

Étourdie, comme assommée sous ce supplice de toutes les heures, elle devint leur souffre-douleur. Ils se jouaient de ses ignorances, ils la trompaient et l’abusaient par des farces, ils l’accablaient sous la fatigue, ils l’hébétaient de risées continues et impitoyables qui poussaient presque à l’imbécillité cette intelligence ahurie. Puis encore ils la faisaient rougir de choses qu’ils lui disaient et dont elle se sentait honteuse, sans les comprendre. Ils touchaient avec des demi-mots d’ordure à la naïveté de ses quatorze ans. Et ils s’amusaient à mettre les yeux de sa curiosité d’enfant à la serrure des cabinets.
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et le reste de sa vie, qui était sur ses lèvres ce soir-là, rentra dans son cœur.
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Un jour pourtant toutes les semaines, elle sortait. C’était même pour cette sortie, pour être plus près de l’endroit où elle voulait aller ce jour-là, qu’elle avait quitté son appartement de la rue Taitbout et qu’elle était venue se loger rue de Laval. Un jour chaque semaine, sans que rien pût l’en empêcher, même la maladie, elle allait au cimetière Montmartre, là où reposaient son père, son frère, les femmes qu’elle regrettait, tous ceux qui avaient fini de souffrir avant elle. Des morts et de la Mort, elle avait un culte presque antique. La tombe lui était sacrée, chère, et amie. Elle aimait, pour l’attendre et être prête à son corps, la terre d’espérance et de délivrance où dormaient les siens. Ce jour-là, elle partait de bonne heure avec sa bonne qui lui donnait le bras et portait un pliant. Près du cimetière, elle entrait chez une marchande de couronnes qui la connaissait depuis de longues années, et qui l’hiver lui apportait sa chaufferette sous les pieds. Là, elle se reposait quelques instants ; puis, chargeant Germinie de couronnes d’immortelles, elle passait la porte du cimetière, prenait l’allée gauche du cèdre de l’entrée, et faisait lentement son pèlerinage de tombe en tombe. Elle jetait les fleurs flétries, balayait les feuilles mortes, nouait les couronnes, s’asseyait sur son pliant, regardait, songeait, détachait du bout de son ombrelle, distraitement, une moisissure de mousse sur la pierre plate. Puis elle se levait, se retournait comme pour dire à revoir à la tombe qu’elle quittait, allait plus loin, s’arrêtait encore, causait tout bas, comme elle avait déjà fait, avec ce qui dormait de son cœur sous cette pierre ; et sa visite ainsi faite à tous les morts de ses affections, elle revenait lentement, religieusement, s’enveloppant de silence et comme ayant peur de parler.
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De ce jour, cédant aux infirmités qu’elle n’avait plus de raison pour secouer, elle s’était mise à vivre de la vie étroite et renfermée des vieillards qui usent à la même place le tapis de leur chambre, ne sortant plus, ne lisant plus guère à cause de la fatigue de ses yeux, et restant le plus souvent enfoncée dans son fauteuil à revoir et à revivre le passé. Elle gardait des journées la même position, les yeux ouverts et rêvant, loin d’elle-même, loin de la chambre et de l’appartement, allant où ses souvenirs la menaient, à des visages lointains, à des lieux effacés, à des têtes chéries et pâles, perdue dans une somnolence solennelle que Germinie respectait en disant : — Mademoiselle est dans ses réflexions…
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Cependant, les années passaient emportant la Restauration et la monarchie de Louis-Philippe. Elle voyait, un à un, tous ceux qu’elle avait aimés s’en aller, toute sa famille prendre le chemin du cimetière. La solitude se faisait autour d’elle, et elle restait étonnée et triste que la mort l’oubliât, elle qui y aurait si peu résisté, elle déjà tout inclinée vers la tombe, et obligée de baisser son cœur vers les petits enfants amenés à elle par les fils et les filles des amies qu’elle avait perdues. Son frère était mort. Sa chère poule n’était plus. La belle-sœur de la poule seule lui restait. Mais c’était une existence qui tremblait, prête à s’envoler. Foudroyée par la mort d’un enfant attendu pendant des années, la pauvre femme se mourait de la poitrine. Mlle de Varandeuil se chambra avec elle tous les jours, de midi à six heures, pendant quatre ans. Elle vécut à côté d’elle, tout ce temps, dans l’air renfermé et l’odeur des fumigations. Sans se laisser arrêter une heure par la goutte, les rhumatismes, elle apporta son temps, sa vie à cette agonie si douce qui regardait le ciel où sont les enfants morts. Et quand au cimetière Mlle de Varandeuil eut baisé le cercueil de la morte pour l’embrasser une dernière fois, il lui sembla qu’il n’y avait plus personne autour d’elle et qu’elle était toute seule sur la terre.
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De religion, elle n’en avait pas. Née à une époque où la femme s’en passait, elle avait grandi dans un temps où il n’y avait plus d’église. La messe n’existait pas, quand elle était jeune fille. Rien ne lui avait donné l’habitude ni le besoin de Dieu ; et elle avait toujours gardé pour les prêtres une espèce de répugnance haineuse qui devait tenir à quelque secrète histoire de famille dont elle ne parlait jamais. Pour toute foi, toute force et toute piété, elle avait l’orgueil de sa conscience ; elle jugeait qu’il suffisait de tenir à l’estime de soi-même, pour bien faire et ne jamais faillir. Elle était tout entière formée ainsi singulièrement par les deux siècles ou elle avait vécu, mélangée de l’un et de l’autre, trempée aux deux courants de l’ancien régime et de la Révolution. Depuis Louis XVI qui n’était pas monté à cheval au 10 août, elle n’estimait plus les rois ; mais elle détestait la canaille. Elle voulait l’égalité, et elle avait horreur des parvenus. Elle était républicaine et aristocrate, mêlait le scepticisme aux préjugés, l’horreur de 93 qu’elle avait vu aux vagues et généreuses idées d’humanité qui l’avaient bercée
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Étrange vieille fille ! Les épreuves de toute son existence, le mal de vivre, les éternelles souffrances de son corps, une si longue torture physique et morale l’avaient comme détachée et mise au-dessus de la vie. Son éducation, ce qu’elle avait vu, le spectacle de l’extrémité des choses, la Révolution l’avait formée au dédain des misères humaines. Et cette vieille femme à laquelle ne restait que le souffle, s’était élevée à une sereine philosophie, à un stoïcisme mâle, hautain, presque ironique.
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La petite fille, née de ce mariage en 1782, était de pauvre santé, laide avec un grand nez déjà ridicule, le nez de son père, dans une figure grosse comme le poing. Elle n’avait rien de ce qu’aurait voulu d’elle la vanité de ses parents. Sur un fiasco qu’elle fit à cinq ans au forté-piano à un concert donné par sa mère dans son salon, elle fut reléguée parmi la domesticité. Elle n’approchait qu’une minute, le matin, sa mère qui se faisait embrasser par elle sous le menton, pour qu’elle ne dérangeât pas son rouge.
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Elle demeurait frémissante et pure, perdue et suspendue dans des abîmes de tendresse, ne goûtant et ne voulant de l'amant que la caresse, comme si son coeur n'était fait que pour la douceur d'embrasser.
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De cette femme laide s'échappait une âpre et mystérieuse séduction. L'ombre et la lumière, se heurtant et se brisant à son visage plein de creux et de saillies, y mettaient ce rayonnement de volupté jeté par un peintre d'amour dans la pochade du portrait de sa maîtresse. Tout en elle, sa bouche, ses yeux, sa laideur même, avait une provocation et une sollicitation. Un charme aphrodisiaque sortait d'elle, qui s'attaquait et s'attachait à l'autre sexe.
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