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Je me demande bien pourquoi, alors qu'on fait (à juste titre) grand cas de Zola, ce roman des Frères Goncourt est tombé pratiquement dans l'oubli. Germinie Lacerteux est un modèle de roman social inaugurant le roman naturaliste. Trop réaliste peut-être, impitoyable sur la bêtise, l'égoïsme et la cruauté des êtres entre eux, il ne fait pas de cadeau aux classes populaires ni à la société en général.
L'histoire est simple : une jeune fille de la campagne, après bien des difficultés, devient bonne à Paris chez une vieille demoiselle un peu aigrie mais bonne et tombe amoureuse d'un aigrefin qui la mènera à sa ruine.
Les Goncourt, s'inspirant des portraits au vitriol De Balzac, ont tout réinventé :
-La façon de typer les personnages et d'amorcer le drame en présentant dès le départ les éléments qui, mis bout à bout le produiront.
-La manière d'utiliser les descriptions pour faire des tableaux extrêmement visuels et précis, plaçant ainsi le(s) décor(s) du drame, dans un espèce de poème en prose réaliste et cru.
-L'analyse rigoureuse et impitoyable de la psychologie des personnages dans le contexte d'une classe sociale étudiée en profondeur et en minutie.
-L'utilisation d'une écriture précise au vocabulaire riche et minutieux qui va à l'essentiel et n'utilise les détails que pour mieux appuyer son propos, faisant naître la vie d'éléments souvent sordides.
-La montée d'abord lente puis crescendo vers le drame et ensuite le decrescendo brutal qui, décrivant avec minutie la déchéance de l'héroïne aboutira à sa mort.
Zola nous apparaîtrait quelquefois moins brutal dans sa façon de procéder qu'Edmond et Jules de Goncourt, qui, à travers ce court roman, démontent impitoyablement les mécanismes d'une société qui broie les plus faibles. On comprend que la princesse Mathilde a pu écrire que "Germinie l'avait fait vomir". Ce n'est pas elle qui fréquentait les bas-fonds de la société du second Empire aux apparences joyeuses et frivoles, oui, mais pour qui ?
Ce livre me semble à redécouvrir autant pour le témoigage d'une époque que pour une meilleure compréhension de l'oeuvre de Zola. Si Balzac a tout inventé de l'analyse de l'âme humaine, ses successeurs l'ont dépassé en pragmatisme, en férocité et en analyse sociologique. Même si le trait est un peu forcé et que l'ensemble sente un peu trop la démonstration, cette vision d'une société matérialiste où l'amour sincère et naïf est récupéré par les malhonnêtes et les profiteurs fait froid dans le dos et sonne souvent très juste. Balzac ouvrait la porte à une possible rédemption ; ici l'enfer nous est ouvert.
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C'est le troisième roman écrit à quatre mains par Edmond et Jules de Goncourt, publié en 1865. Il eut une genèse singulière : à la mort de leur bonne, Rose Malingre, à qui ils faisaient confiance, les frères apprennent que Rose vivait une double vie. La servante sage et dévouée cachait une toute autre femme : elle buvait, se ruinait pour le fils de la crémière, a vécu une vie sexuelle débridée, a eu des enfants cachés, elle volaient férocement ses maîtres etc. Très vexés d'avoir été abusés à ce point, ils décident d'écrire un roman à partir de la vie de Rose. Un roman où le personnage principal sera une femme du peuple, un roman qui ne va rien embellir ni dissimuler. Les deux écrivains vont se documenter, frayer dans des endroits de perdition, fréquenter des bals populaires, discuter avec des témoins.

Le roman va donc dérouler la vie de Germinie Lacerteux, de sa naissance jusqu'à sa mort. Née dans la pauvreté, elle perd sa mère, le frère que la protégeait. Violée dans sa première place, elle finit comme bonne à Paris. Elle a la chance, après divers déboires, de travailler pour Mlle de Varandeuil, qui malgré sa noble naissance a elle-même connu une vie difficile, en particulier à cause de la Révolution, mais aussi à cause de son tyran de père. Profondément généreuse, elle fait des conditions décentes, enfin pour l'époque, à sa servante, à qui elle est attachée. Mais Germinie va suivre une pente fatale. Elle perd la tête pour un jeune homme, le fils de la crémière (comme Rose), a une fille de lui, qu'elle arrive à cacher à sa maîtresse, mais la petite meurt. le jeune homme l'abandonne, et elle finit par tomber dans l'alcoolisme, tout en courant après les hommes. Sa mort va aussi ressembler à celle de son modèle, avec le scandale des révélations après le décès.

Même si ce livre a fait scandale, et qu'il a été condamné par la plupart des critiques et même par des amis des Goncourt, il a eu aussi ses admirateurs. Flaubert écrit que « la grande question du réalisme n'a jamais été si carrément posée ». Victor Hugo dit de leur roman : « Il a cette grande beauté, la vérité ». Mais c'est un tout jeune auteur qui va le mieux apprécier cet ouvrage, Emile Zola.

Les deux frères, en particulier Edmond, ont presque considéré que Zola les a pillé, et se sont demandé pourquoi il est plus célèbre qu'eux. A la lecture de Germinie Lacerteux, l'influence est évidente. Je conseille d'ailleurs à tous les amateurs de Zola de découvrir ce roman, ils y trouveront leur compte. Mais bien évidemment, Zola va y ajouter autre chose, notamment une construction romanesque plus efficace, le roman des Goncourt étant plutôt constitué de scènes superposées, très efficaces chacune dans leur genre, mais sans véritable progression dramatique, ni évolution cohérente du personnage. Même si les scènes de genre dans les différents lieux sont très bien rendus, il n'y a pas d'analyse sociologique globale d'un environnement, comme Zola saura le faire, dessinant toute une série de personnages convaincants, alors qu'à part Germinie, et pendant un moment Mlle de Varandeuil, tous les autres personnages sont un peu des comparses, voire des silhouettes chez les Goncourt.

Mais c'est à mon avis un très bon roman, qui décrit une réalité sordide de manière précise et vraie, sans reculer. Pas par goût de l'abject ou de la saleté (les poux que Germinie récolte dans son voyage vers Paris ont beaucoup choqué dans la bonne société) mais pour rendre compte. Ces deux frères qui manifestaient un tel dégoût du peuple dans leur Journal, ont peint leur personnage avec une forme d'empathie, comme ils montrent aussi à l'arrière fond la condition cruelle des femmes. Sans apitoiement ni sentimentalisme, mais en mettant devant les yeux des réalités crues, que l'on préfère ne pas voir. Comme ces abominables chambres de bonnes, pas chauffées, étouffantes en été, minuscules. Aucun romantisme, aucune rédemption, une sorte d'anti-romanesque aussi, avec ces différentes scènes qui se suivent, sans enchaînement narratif à tout prix. Ce qui d'une certaine manière donne un côté très actuel au roman, capter la vie du personnage dans ses instants forts, dans le moment qui passe.
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Pour une première fois que j'ai eu cette épineuse curiosité d'ouvrir enfin une oeuvre du duo Goncourt,, je me reproche à présent d'avoir tardé à lire
Germinie Lacerteux-, autant dire, c'est une magnifique découverte! Quel destin, que celui de Germinie Lacerteux! Pour ne pas dire la double vie de
Germinie Lacerteux! Orpheline, expédiée comme un coli en ville pour se trouver une place, Germininie sera confrontée à une vie qui n'aura qu'à perturber à chaque fois son équilibre émotionnel. ...
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Etonnante autant qu'émouvante découverte du tragique destin de Germinie Lacerteux, magnifié par plume des frères Goncourt, et qui fait comme un pont entre la Comédie humaine et les Rougon Macquart.
Publié en 1865 à presque équidistance des deux oeuvres, le roman emprunte à Balzac la peinture de moeurs à travers un destin singulier (en particulier dans le chapitre dédié à la maîtresse de Germinie, Mademoiselle de Varandeuil, parfait de bout en bout) et préfigure les grands romans sociaux de Zola. L'écriture elle-même m'a rappelée l'un et l'autre.

Le dossier qui accompagne l'édition que j'ai eu en main apporte un éclairage passionnant à cette oeuvre, rappelant que le personnage de cette petite bonne à la double vie fut inspiré aux frères Goncourt par la leur, Rose, dont ils ne découvrirent qu'à sa mort que derrière la figure de probité et d'humilité servile se cachait un tempérament de feu, des amours borgnes et douloureux, des dettes et un alcoolisme dévastateur et honteux.
Ainsi naquit le personnage de Germinie, gamine des campagnes envoyée à Paris, apprenant la vie par petites bribes au fil de ses placements auprès de tous les types de "Madame" que présentait la bourgeoisie, pour atterrir enfin au service d'une vieille noble déchue, elle-même bien amochée par la vie et qui la prend sous son aile.
Mais de cet ancrage sécurisé, Germinie va déchoir irrémédiablement pour les motifs qui ont fait chuter Rose, donnant lieu à des scènes absolument bouleversantes de femme bafouée, manipulée mais continuant d'aimer à la folie, tentant de racheter l'amour perdu jusqu'à la perdition, et d'oublier ses souffrances jusqu'à l'abjection.

Le dossier s'achève sur le papier louangeur qu'en fit un certain Emile Zola, et sur les lettres de félicitations aux auteurs de rien moins que Messieurs Flaubert et Hugo; c'est dire si ce court roman peu connu, conspué pour indécence gratuite à sa sortie, mérite de retrouver sa place entre ses aïeux et descendants.
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Après Zola et Balzac, je cherchais des auteurs classiques à lire. Quoi de mieux que les frères Goncourt avec Germinie Lacerteux.
La double vie d'une bonne racontée dans ses détails les plus sordides. Un récit souvent pesant et très triste, mais tellement bien écrit que je ne regrette pas de l'avoir lu.
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Germinie Lacerteux défini en une phrase, ce serait l'anti Assommoir.
En effet, là où Zola semble se délecter de la déchéance de Gervaise, les frères Goncourt, quant à eux, proposent un portrait de fille du peuple – malheureuse –nettement plus nuancé, fin et empathique ; ce qui ne laisse pas d'étonner lorsque l'on sait, par ailleurs, avec quelle piquante cruauté ils brossaient les portraits de leurs contemporains, dans leur fameux Journal.
Sans doute, l'inspiration du personnage de Germinie n'est-elle pas étrangère à l'humanité que recèle leur roman. Car derrière Germinie se dessine en filigrane leur servante Rose qui, elle aussi, avait une double vie, ainsi que les auteurs le rapportent dans leur Journal : « Elle entretenait des hommes, le fils de la crémière, auquel elle a meublé une chambre, un autre auquel elle portait notre vin, des poulets, de la victuaille… Une vie secrète d'orgies nocturnes, de découchages, de fureurs utérines […] Une passion, des passions à la fois de toute la tête, de tout le coeur, de tous les sens, et où se mêlaient les maladies de la misérable fille, la phtisie qui apporte de la fureur à la jouissance, l'hystérie, un commencement de folie. […] Et à l'égard de ces hommes, c'était une ardeur si extravagante, si maladive, si démente, qu'elle — l'honnêteté en personne autrefois — nous volait, nous prenait des pièces de vingt francs sur des rouleaux de cent francs, pour que les amoureux qu'elle payait ne la quittassent pas.
Or, après ces malhonnêtes actions involontaires, ces petits crimes arrachés à sa droite nature, elle s'enfonçait en de tels reproches, en de tels remords, en de telles tristesses, en de tels noirs de l'âme, que dans cet enfer, où elle roulait de fautes en fautes, désespérée et inassouvie, elle s'était mise à boire pour échapper à elle-même, se sauver du présent. »
Mais on n'écrit pas une grande oeuvre avec juste du vrai, et les innombrables romans-témoignage, qui nous infligent aujourd'hui leur indigence littéraire, sont là pour le démontrer. Ce qui fait la grandeur – tragique – de Germinie Lacerteux c'est non seulement son style mais encore sa force évocatrice, comme dans ce passage significatif entre tous : « Les jours succédaient aux jours pour Germinie, pareils, également désolés et sombres. Elle avait fini par ne plus rien attendre du hasard et ne plus rien demander à l'imprévu. Sa vie lui semblait enfermée à jamais dans son désespoir : elle devait continuer à être toujours la même chose implacable, la même route de malheur, toute plate et toute droite, le même chemin d'ombre, avec la mort au bout. »
Sur le fond, on pardonne tout à Germinie et l'on accable sans retenue les instruments de son malheur, tout en remerciant la Providence de lui avoir accordé une femme qui, elle aussi, a eu son compte de souffrances : mademoiselle de Varandeuil, sa maîtresse, qui, sa colère passée après découvert l'autre vie de sa domestique, comprendra que le malheur de Germinie était cause de ses agissements insensés et désespérés.
Car pour mademoiselle de Varandeuil, Germinie, « ce n'est pas une bonne, ce n'est pas une domestique pour moi, cette fille-là : c'est comme la famille que je n'ai pas eue !... » Aveu déchirant qu'il eût été bon de faire plus tôt à l'intéressée en mal d'amour au point de se jeter dans les excès les plus dévastateurs, dans les bras de créatures malintentionnées qui écumeront toujours le monde à la recherche d'âmes sincères à pervertir et détruire.
Tout cela est raconté avec une acuité psychologique qui me fait dire – ainsi qu'à d'autres ! – que Freud n'est pas tombé du Ciel. D'autres avant lui avaient pensé les souffrances psychiques…

De Germinie Lacerteux je ressors avec une indéfinissable tristesse et j'en remercie ses auteurs car, ainsi qu'ils l'ont écrit dans leur préface : « le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre, avec sa triste et violente distraction, est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène. »
C'est la définition même de la littérature, je crois…

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LE VIOL DE GERMINIE


Dans l'établissement il ne resta que Germinie et Joseph, le vieux garçon. Joseph était occupé dans une petite pièce noire à ranger du linge sale. Il dit à Germinie de venir l'aider. Elle entra, cria, tomba, pleura, supplia, lutta, appela désespérément…
La maison vide resta sourde.

Voyez avec quelle sobriété et quelle économie de moyens les deux frères évoquent le viol de Germinie. Tout est suggéré et laissé à l'imagination de lecteur. Certains (es) de nos écrivains (es) modernes qui se complaisent à nous décrire crûment et avec force détails -plus ou moins croustillants - de telles scènes auraient bien fait de s'en inspirer. Encore eût-il fallu qu'ils connaissent cette oeuvre, ce dont on peut douter !
le roman des Goncourt est l'analyse « scientifique » du cas de Germinie . Sans cesser de se dévouer à sa patronne, elle connaît l'ivresse, le vol, le viol, la débauche, la dépravation, la maladie, la mort et enfin la fosse commune. Mais « ce n'est pas l'histoire qui fait un bon roman, c'est le style » disait D Ormesson. Et comme vous pouvez le constater dans l'extrait présenté, chez les Goncourt, le style n'est pas un vain mot. Et tout est à l'avenant. Un vrai régal.
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Les frères Goncourt !
Chaque année, on prononce leur nom, mais qui à lu leur oeuvre ?
Vous peut-être , Bravo !
Personnellement j'avoue avoir attendu des années avant de soupçonner l'existence de "Germinie Lacerteux", et encore moins de "Soeur Philomène".
Pour vous présenter l'ouvrage, je vous soumets un extrait de la préface de la première édition, écrite par les Goncourt eux-même.

"Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai.
Il aime les livres qui font semblant d'aller dans le monde : ce livre vient de la rue.
Il aime les petites oeuvres polissonnes, les mémoires de filles, les confessions d'alcôves, les saletés érotiques, le scandale qui se retrousse dans une image aux devantures des libraires ; ce qu'il va lire est sévère et pur. Qu'il ne s'attende point à la photographie décolletée du plaisir : l'étude qui suit est la clinique de l'amour.
Le public aime encore les lectures anodines et consolantes, les aventures qui finissent bien, les imaginations qui ne dérangent ni sa digestion ni sa sérénité : ce livre est fait pour contrarier ses habitudes et nuire à son hygiène."

Vous voilà prévenus !

Heureusement, au-delà de leurs écrits (Le journal y-compris) ils ont crée une dotation annuelle à partir de leur héritage permettant d'entretenir un comité qui récompense chaque année des oeuvres de création originales.

A vous de juger !
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« le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l'odeur du peuple ». Il faut croire que Zola, à travers cette phrase, fut quelque peu dépassé par les évènements... En effet, les Goncourt nous font déjà visiter cet élan d'alcoolisme, de prostitution dans une atmosphère malsaine, impure qui règne dans la basse couche sociale parisienne. Germinie future Gervaise ? Ce qui semble clair, c'est que Les Goncourt seront précurseurs du naturalisme et Zola de la sociologie...
Roman à lire!
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Je constate que ce roman a hélas reçu des critiques peu élogieuses… Cependant les Goncourt sont parmi les plus grands écrivains de la littérature française, et quand je pense à certains romans contemporains, qui récoltent des couronnes de laurier alors qu'ils sont assez désolants à tout point''de vue, j'ai envie de rire à gorge déployée. Mais voici donc ma critique et mon résumé de ce splendide roman,.
Les frères Goncourt avaient une bonne qui leur était tout attachée depuis de longues années et pour laquelle ils éprouvaient une grande tendresse. Quand celle-ci mourut, ils en furent bouleversés. La maîtresse de Jules de Goncourt leur apprit cependant que Rose (le prénom de leur bonne) était une personne à la vie plutôt tourmentée, voire invraisemblable... Les bras en tombèrent aux malheureux frères quand ils apprirent que celle en qui ils avaient toute confiance les avait volés et menait une vie dépravée, qui fut la cause de sa déchéance avancée.

Aussi décidèrent-ils de raconter la vie de leur chère Rose et Germinie Lacerteux vit le jour.

C'est une écriture fine, admirable, qui n'épargne aucun détail, qui va au fond des choses tout en explorant la psyché humaine. Vous y lirez des scènes remarquables par leur intensité dramatique, où l'émotion est toujours présente, sans oublier les descriptions minutieuses, parfois amusantes, parfois sordides. On s'étonne toujours en lisant ces lignes travaillées, avec ce ton à la fois naturel et avec un je ne sais quoi d'aristocratique, de distingué, et ce curieux mélange des genres rend ce roman tout à fait attachant et unique.

On dit que Zola s'en inspira à maintes reprises, mais il y a chez les Goncourt une grande finesse et une retenue qui ne se retrouve pas, par exemple, dans Thérèse Raquin ou dans d'autres romans de ce dernier. En revanche, on pourra faire beaucoup de rapprochement avec l'atmosphère qui règne dans Madame Bovary, quand on sait que les Goncourt étaient des amis et admirateurs de Flaubert. Bref, pour le lecteur qui aime cette époque et ces écrivains, il y a un réel plaisir à lire ces pages et cette vie d'une pauvre fille qui ne peut lutter contre ses "instincts" et qui se donne du plaisir, mais qui se voit tout de même la victime d'une certaine société de petites gens, détestée par ailleurs des Goncourt, qui semble tenir au bout d'un fil la marionnette qu'est Germinie.

Germinie qui a un coeur d'or et qui aime les enfants, n'en ayant pas eu, et va jusqu'à s'occuper d'un jeune garçon qui la fera glisser, lui comme d'autres hommes, sur la pente de la déchéance. On ressent de la pitié pour cette jeune femme qui est attachée à sa vieille maîtresse (autrement dit les Goncourt) et qui n'ose pas la quitter dans la crainte de la rendre malheureuse. Cependant, elle la vole, pour aider son jeune amant (ce qu'elle fit aux deux frères...).

Le récit est absolument magnifique, vivant, et il y a des pages remarquables, qui nous emportent dans un Paris en train de changer peu à peu, les moeurs devenant lâches et floues, où les repères ne sont plus les mêmes qu'auparavant, du fait de la liberté accordée aux gens de service ou aux arrivistes de toutes sortes.

La mort de Germinie à l'hôpital, se déroulant dans une simplicité remarquable, est à l'image de la bonne des Goncourt, elle qui sembla accepter son mal, comme si, par là, elle payait le prix de sa trahison envers ses maîtres.

De temps à autre, j'aime à me replonger dans ces atmosphères un peu oubliées, désuètes (en apparence) mais finement et justement analysées par des "connaisseurs" de la psychologie humaine, qui ont, durant des années, approché les plus grands politiques, journalistes, auteurs et peintres de cette dernière partie du XIXème siècle.

C'est un roman que l'on prend plaisir à relire, et qui dit la misère des petites gens, qui souffrent elles aussi, dans l'ombre, et qui, pour la première fois, s'étaient vues devenir le sujet d'un nouveau genre de roman, que les frères Goncourt avaient pour ainsi dire, lancé dans les milieux littéraires et qui a inspiré par la suite E. Zola.
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