Il regarda autour de lui, constata que tout le monde était marié, et pensa qu’il y avait peut-être là quelque chose qui le dépassait. Bien que la raison essentielle fût des plus évidentes, il ressassa continuellement les mêmes pensées et resta éveillé, de nombreuses nuits, à chercher des objections à formuler. Le mariage était un choix sérieux, auquel il fallait mûrement réfléchir, qu’il fallait étudier sous tous ses aspects. Et pourtant, son sentiment pour Julia était quelque chose qui ne pouvait se réduire à ces formules mathématiques que sont le mariage et le fait de vivre toute une vie avec une femme. Son sentiment pour Julia était une chose belle et pure, à laquelle toute considération pragmatique était étrangère. Mais il ne sentait aucun élan, aucune force intérieure dans son sentiment pour Julia. Et Ervin avait peur. Il ne voulait être lié à personne.
Le jour où elle rencontra pour la première fois George Ervin fut pour elle un moment plat et décevant, car même si elle devinait d’instinct qu’il serait une cible, une proie, il était évident également que ça ne présentait pas d’intérêt. Il serait trop facile à avoir. Elle n’aurait pas à relever de défi. Il n’avait pas en lui la flamme, ni l’étincelle, et même s’il les avait eues jadis, aujourd’hui tout était éteint. Car c’était un homme éteint, un homme dont les facultés de combat avaient été définitivement diminuées par une tragédie personnelle.
Elle aimait les hommes qui disaient franchement leur façon de penser. Elle aimait vraiment les hommes qui agissaient ainsi, même si elle ne le leur avait jamais avoué. Car elle se tenait toujours sur la défensive et ignorait jusqu’au mot affection. Le duel verbal étant pour elle une véritable jouissance, elle éprouvait toujours un plaisir absolu quand l’homme, quel qu’il fût, abandonnait progressivement la stratégie pour se laisser aller à l’émotion, et passait du stade des paroles criées fort à celui de l’explosion.
Ils n’avaient pas beaucoup d’amis. C’étaient des gens tranquilles. Les gens tranquilles n’additionnent jamais les amis, et ne se soucient pas de les additionner. Vraiment, ils n’éprouvaient pas le besoin d’avoir des amis, surtout après la naissance d’Evelyn. À eux trois, ils formaient un petit monde.
Comme c’est enchanteur de vivre dans un monde en couleurs. Ah ! tous ces splendides mariages de couleurs. Le vert et l’or : la pierre verte, si grosse et si solide, au centre de l’anneau en or, symbole de sa promo à Dartmouth. Ou le noir et l’or : l’épais cuir noir du bracelet de la montre contre le poil blond du poignet épais de Leonard.