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Critique de ecceom


Quand les Conservateurs nous mettent en boite

En 304 pages, Michael Goodwin et Dan E. Burr exposent en B.D, tout ce qu'il faut savoir sur l'économie.
Le livre se compose de 8 chapitres :
- La main invisible : du passé lointain à 1820
- A toute vapeur : 1820-1865
- le pouvoir de l'argent : 1865-1914
- Tout s'écroule : 1914-1945
- Les armes et le beurre : 1945-1966
- L'ère des limites : 1966-1980
- La révolte des riches : 1980-2001
- le monde d'aujourd'hui : après 2001

Goodwin part d'un constat simple : "Nous sommes citoyens d'une démocratie. La plupart des sujets à propos desquels nous votons relèvent de l'économie. C'est de notre responsabilité de comprendre ce pour quoi nous votons".

Fort de cette réflexion, il a choisi un mode accessible à tous : la BD.
On perçoit le danger potentiel de ce choix : simplifications outrancières, ellipses...

Que nenni !

Goodwin a rédigé un cours d'économie qui rappelle clairement et simplement, les grandes notions, décrypte les théories, exhume certaines réflexions que les idéologues de tous poils se gardent bien de retenir.

Par exemple, concernant Adam Smith, il n'oublie évidemment pas de citer ses propos sur la division du travail, la concurrence et le libre marché. Mais il souligne également que, contrairement aux physiocrates adeptes du laisser faire intégral, Smith énonçait les limites de ce même marché et demandait un renforcement de la loi, une protection des frontières ou la garantie de biens publics.
Il n'omet pas de pointer le fait que celui qui est érigé en divinité par les tenants du marché-roi, exprimait beaucoup de méfiance à l'égard des capitalistes dont il fustigeait "l'esprit de monopole" et à qui il rappelait qu'au delà d'un niveau acceptable du profit "aucune société ne peut prospérer et être heureuse dans laquelle la plus grande partie des membres est pauvre et misérable".

Autre exemple encore : la catastrophique présidence de Ronald Reagan. Il rétablit certaines vérités volontairement mises sous le tapis par ceux qui ont profité de cette effroyable hallucination collective. Oui, Reagan a augmenté les impôts (mais pas de tous, bien entendu) et fait exploser les dépenses publiques avec notamment sa délirante "guerres des Etoiles", ce que l'Amérique et donc le monde, paye encore aujourd'hui.

Outre une incroyable érudition bâtie à coups de lectures forcenées, Goodwin a su mettre en perspective l'évolution de nos systèmes et éclairer ainsi le continuum et les fractures essentielles.

Au fil des époques défilent donc :
- les économistes incontournables (Ricardo, Marx, JM Keynes, Marshall, Samuelson, Galbraith, Hayek ou Friedman);
- les faits essentiels. Goodwin décrit les grandes étapes de l'évolution historique (développement du commerce international, des moeurs et des techniques, l'impact de la vapeur, des guerres ...), en portant son regard, de manière plus appuyée sur l'histoire économique des Etats-Unis, à partir de l'indépendance américaine (naissance des trusts, chassé-croisé d'idées progressistes et de théories mortifères -car dévoyées-du moins d'Etat)...

On reste stupéfait devant l'incroyable bêtise (persistante) des Présidents Wilson et Reagan, révolté face à certaines écoeurantes manifestions de cynisme...car en dépit d'une tendance générale de l'économie développée à adopter les modes venues d'outre atlantique ou d'outre manche, on peine à les retrouver chez nous, avec un caractère aussi affirmé.

Mais comment ne pas se sentir concerné par cette implacable description des ravages de la bureaucratie, du management déconnecté des réalités, de la dispersion des pouvoirs, des ravages liés aux absurdités du complexe militaro-industriel, aux "ajustements structurels" du FMI, à l'explosion des bulles suivies de perfusion publiques, des limites de la croissance...

Comment ne pas s'interroger quand Alan Greenspan Président de la FED affirme en 2008 : "La plupart du temps, nous avons eu tort" ?!

Comment ne pas reconnaitre le regard suffisant porté en permanence sur tous ceux qui doutent des bienfaits d'un marché non supervisé, de la pauvreté des riches, du fait que les gouvernements soient systématiquement le problème et jamais la solution et surtout, qui croient que la prophétie de Keynes s'est réalisée : "quand le développement du capital d'un pays devient le sous produit des activités d'un casino, le travail risque d'être mal fait" ?

Attention, vous aurez compris que Goodwin n'est pas membre du Tea Party. Il a une opinion qu'il défend, mais pour autant, il n'est pas partisan d'un Etat tentaculaire ou de l'avènement du socialisme.
Sa position est mesurée et étayée et elle apporte un bol d'air frais quand on étouffe sous les vapeurs du "There Is No Alternative" exhalées à jet continu par ceux qui disposent du pouvoir financier et des principales retombées.

Je m'en voudrais de passer sous silence le travail extraordinaire de son associé Dan E. Burr. Son dessin N & B est d'une lisibilité exemplaire. Au service de la démonstration de Goodwin, il apporte un sens du découpage qui confère à cette BD un caractère aussi pédagogique que ludique.
Ludique, l'Economie, cette "science obscure" ?
Oui.
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