Ce n'est plus un peuple, ce n'est plus une foule, c'est une masse liquide et anonyme, "une masse mentale" individualisée, à laquelle les industries du spectacle font croire que, individus isolés, ils sont ensemble. Nous sommes désormais grâce à la société du spectacle, seul ensemble quel que soit le lieu où nous nous trouvons.
Le recours à la norme atteste de la décadence du discours politique. Cette décadence est le terreau où prospèrent les théofascisme et les populismes.
Il ne suffit pas d'enseigner l'instruction publique, il faut la mettre en acte.
Les savoirs comme les civilisations sont mortels, ils peuvent rentrer en crise, décliner et mourir, ils ont un patrimoine symbolique que les membres d'une société partagent à un moment donné.
Tous les hommes sont philosophes, car tous les hommes tentent de participer le plus activement qu'ils le peuvent à la production du monde, de leur monde, c'est-à-dire d'eux-mêmes. Citant Gramsci
Ces fictions à l'origine des religions comme de la politique et de la culture répondent au besoin de croyance et au désir de sacrer des humains. Lorsque l'univers entier sombre dans la nudité crue des instruments, dans "le romantisme" des chiffres et de l'efficacité, que se passe-t-il ? Quand la politique, elle-même, répudie les illusions religieuses ou culturelles qui la nourrissent et la légitiment, que devient ce besoin de croyance conjurant l'angoisse de vivre et de mourir? Lorsque l'univers est désenchanté à l'extrême, invitant à une consommation d'instant successif, incitant jusqu'à la corruption de toutes les valeurs, à la jouissance hédoniste et à l'affrontement de tous contre tous, que deviennent ce besoin de croire et ce désir de sacré.
Les constructions disent la vérité de celui qui les fabrique, de son paysage mental et affectif, plus que de la réalité dont elles prétendent rendre compte. Elles sont des fictions vraies plutôt qu'exactes.
"Il n'y a pas de vie valable sans projection sur l'avenir, sans promesse de murissement et de progrès. Vivre contre un mûr, c'est la vie des chiens." (citant) Albert Camus "Ni victimes ni bourreaux, le siècle de la peur" 1946
Il y'a notamment parmi les multiples causes des terrorismes et des mouvements régressifs actuels une carence évidente de récits collectifs émancipateurs capables de répondre aux besoins humains d'espérer dans l'avenir. Ce déficit narratif est un des facteurs favorisant l'émergence des terrorismes qui, pour monstrueux et absurdes qu'ils nous paraissent, exploitent le fonds de commerce d'une perte de promesse dans l'avenir.
La crise, c'est quand le vieux monde est en train de mourrir et que le nouveau tarde à nâitre. Et dans ce clair-obscur naissent les monstres
Antonio Gramsci, cahiers de prison