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Critique de LydiaB


C'est la deuxième fois que je lis cet ouvrage et c'est toujours avec autant de plaisir. Car Henri Gourdin ne fait pas partie de ces biographes rébarbatifs et présomptueux qui ne se bornent qu'à retracer quelques grands moments de la vie d'un illustre personnage. On sent qu'il y met son coeur, sa plume, afin que le lecteur passe un agréable moment tout en se cultivant.

Adèle... Adèle H... la deuxième fille de Victor Hugo, "l'autre fille" comme l'appelaient les gens, a toujours vécu dans l'ombre de son aînée, Léopoldine. Tout le monde connaît l'histoire : Celle-ci s'est noyée avec son mari, Charles Vacquerie (j'aurai l'occasion d'y revenir lorsque je ferai la critique de l'autre biographie d'Henri Gourdin : Léopoldine, l'enfant-muse de Victor Hugo). Et tous les écoliers ont eu les larmes aux yeux à la lecture du fameux poème "Demain dès l'aube". Belle image du père éploré... Oui mais voilà, il s'avère que nous sommes loin d'avoir cerné non pas l'écrivain mais l'homme. Car tout ceci n'est qu'une façade. Sous ses dehors charmeurs, toujours prompt à défendre la veuve et l'orphelin, se cache un fieffé goujat. Et que dire de ce couple hors du commun qu'il forme avec Adèle, sa femme ? Son amant (platonique ?), Sainte-Beuve, est le parrain de la petite Léopoldine. Victor, affecté par le fait que sa femme se refuse à lui, multiplie les conquêtes. Comment voulez-vous que les enfants vivent dans un contexte sain ?

Je parlais de goujaterie... Comment qualifier le fait que, plus tard, Hugo se permette de piquer la fiancée de son fils Charles, Alice Ozy ? Et que dire de sa réaction face à la mort de Léopoldine ? Il n'ira même pas à l'enterrement (pas plus que sa femme d'ailleurs) et demandera à son ami, Alphonse Karr, de représenter la famille. le chagrin, allez-vous me dire... Je ne le crois pas car, je cite Henri Gourdin, "le courage de se recueillir sur la tombe de sa fille ne lui viendra qu'en 1847, soit quatre ans plus tard." A partir de là, Hugo essaiera de régir, de façon somme toute tyrannique, la vie de toute sa famille. Opposant à Bonaparte, il est emprisonné mais réussit à s'enfuir. C'est à partir de ce moment qu'il décide de s'exiler à Jersey puis à Guernesey. Il interdit à ses proches de s'éloigner de lui. Mais que faire, comment s'occuper ? Hugo écrit, on s'en doute. Il confie à sa fille son journal de l'exil. Elle est chargée de le compléter chaque jour. Et pour passer le temps, elle s'adonne au spiritisme.

Adèle mère prend enfin conscience que sa fille n'a jamais eu l'amour qu'elle aurait dû avoir et en informe par lettre (!!!) son mari. Rien n'y fait. Ce dernier sera égal à lui-même. Comment s'étonner alors qu'Adèle tombe malade ? Et, comme le souligne à juste titre le biographe, personne ne se dit que ce mal-être qu'elle ressent pourrait venir des conditions de vie imposées par son père ? Adèle est dans une prison dorée : sans véritable amour, filial ou extérieur, mais avec de l'argent. Et que faire de l'argent si on ne peut pas l'utiliser comme on le voudrait ? Elle voudrait voyager mais en a l'interdiction. Il faudra toute la ruse de Mme Hugo pour que sa fille et elle-même puissent enfin aller prendre l'air ailleurs.

Mais Adèle avance en âge, les 30 ans vont bientôt sonner et elle n'est toujours pas mariée. Ses parents lui ont bien proposé des prétendants, sans succès. Elle s'est amourachée d'un soldat, Albert Pinson qui va, sans le vouloir, causer sa perte. Car Adèle a cru déceler en lui de l'amour. Elle va le poursuivre, partir seule pour aller à sa rencontre, de la Nouvelle-Ecosse aux Barbades. Elle fera croire à son mariage, ultime mensonge d'une pauvre enfant qui se sera fait des idées et qui préférera cette solution afin d'échapper au mépris de son père... Ce dernier la considérera comme folle et fera valoir que ce trouble était déjà présent dans sa famille avec son frère Eugène. de retour à Paris, il fera interner sa fille à Saint-Mandé. Sentant sa mort arriver, il désignera le premier amour d'Adèle, Auguste Vacquerie (le frère de Charles, l'époux de Léopoldine), comme tuteur. N'est-ce pas là de la perversion de la part de celui que tout le monde montre en exemple ? Transférée à Suresnes, elle y finira ses jours.

Triste destinée que celle d'Adèle... le petit père Hugo avait de beaux discours sur l'éducation des enfants... Douce image pour se mettre en valeur. Mais son dernier coup d'éclat, l'enfermement d'Adèle, montre bien la manipulation de celui-ci.

Henri Gourdin s'appuie sur les travaux de l'historien Henri Guillemin, de l'universitaire Frances Vernor Guille, sur la correspondance d'Adèle ainsi que sur les témoignages de l'arrière-arrière-petite-nièce, Adèle Hugo. Hugo était certes un poète, un écrivain , mais Victor n'en était pas moins un homme, avec ses qualités et ses défauts... de gros défauts...


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Critique du 28 novembre 2010 :


Généralement, lorsque l'on nous parle des enfants de Victor Hugo, nous vient à l'esprit un prénom, celui de Léopoldine, fille chérie de l'écrivain, morte accidentellement par noyade en 1843 avec son époux, Charles Vacquerie. Hugo aura énormément de mal à s'en remettre. Son poème, Demain dès l'aube, écrit en hommage à sa fille la veille du quatrième anniversaire de sa mort en est la preuve:

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Poème simple mais au lyrisme remarquable, il est à l'image du poète tel que nous le connaissons. Cependant, sous la plume se cache un homme à la nature plus complexe. C'est ce qu'Henri Gourdin s'est attaché à démontrer avec brio. Hugo a eu cinq enfants: Léopold (mort très jeune, à 3 mois), Léopoldine, Charles, François-Victor et Adèle. Si cette dernière a attiré l'attention, c'est qu'on a très vite (trop vite ?) affirmé qu'elle avait sombré dans la folie, la même qui avait atteint son oncle, Eugène, décédé à 37 ans. Cependant, son père n'y était-il pas pour quelque chose ? N'est-ce pas l'esprit de révolte qui souffle chez la jeune fille qui déterminera son triste destin ? Adèle voulait épouser le lieutenant Albert Pinson, ce qui revenait à s'éloigner de son père. Elle ira jusqu'à l'extrême, faire croire qu'elle l'a épousé. Hugo ne l'a pas supporté. Et c'est bien à partir de là qu'il proclamera à qui veut l'entendre que sa fille est folle. Pire, il la fera enfermer.

Je conseille vivement la lecture de cet ouvrage qui permet d'avoir un regard nouveau sur cet écrivain adulé que l'on ne connaît pas au final.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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