D'ordinaire, les gens qui sont en train de lire, dès qu'ils se sentent observés, lèvent les yeux vers vous et cherchent à vous faire comprendre que vous devriez aller regarder ailleurs. Pas cette jeune fille qui lisait sur son banc. Elle s'en fichait. Elle était jolie parce que, justement, elle lisait avec gourmandise sans se soucier du reste.
Il existe des vaillants soldats qui valent toute une armée !
- C'est pas moi qui le dis, c'est Napoléon
Alors existe-t-il de vaillants livres qui valent à eux seuls une bibliothèque entière ?
encyclopédies sous clef. Pour qu'elles ne s'envlolent pas sous notre nez !
chaque nouvelle mensualité (30) nous rappelait à nos ambitions culturelles premières.
c'était le prix à payer pour s'eniver de la bonne odeur du cuir et du papier.
plus tard j'apprendrais que ce sont les livres les plus abîmés, les plus GRIFFONNES dans les marges qui sont les plus beaux.
Comme des jeans vieillis troués aux genoux !
On devinait rien qu'à voir l'épaisseur du livre, dans quel état d'esprit était le malade, ceux qui disaient aux visiteurs : ce n'est rien j'en ai pour quelques jours et je serai vite là à la maison, étalaient sur leur couverture grège des petits bouquins vite lus tandis que les malades qui se savaient embarqués pour un plus long voyage tenaient ouverts sur leur ventre des gros livres gonflés de millions de mots qu'il lisaient avec une infinie lenteur. Leurs yeux suivaient lentement la haie bien taillée de la ligne, ces liseurs affaiblis glissaient doucement de phrase en phrase sans se cogner, petite promenade dans un dehors romanesque qui les oxygénait, l'esprit mou tiédi et comme en robe de chambre.
il avait le cœur repeint comme une chambre d'enfant
Cela avait-il un sens, au fond, de lire et de ne pas parler ? Lire servait-il à faire parler ? Le silence des mots lus poussait-il vers le dehors le chahut bruyant des mots dits ? Comment se supportaient-ils, les silencieux et les bavards, dans la même tête ? À moins qu'ils ne soient logés à deux enseignes ? Existait-il en nous le dortoir des mots lus et le dortoir des mots dits ? À ne rien lire jamais, garderions-nous dans nos esprits un dortoir toujours vide ?
— Je peux m'asseoir ?
— Vous aimez la lecture ? avait-elle demandé.
— Je suis parachutiste à Pau.
— Mais ça n'empêche pas de lire, vous savez !
[...]
— Je lis tous les soirs, mademoiselle, enfin, presque tous les soirs, de temps en temps je me force à lire, ça m'entretient les yeux.
Elle préfère arrêter de respirer pour ne pas changer d'air, pour rester dans l'air du livre.
Avec ses hanches larges, sa petite taille, ses seins lourds et laiteux, son long cou, ses mains fines, elle était faite pour la lecture.
Je l'avais tirée de sa lecture comme on tire quelqu'un de force de son lit