— Ainsi, la seule chose qui vous sépare de la princesse Catherine est une guerre ouverte avec son père. (...) Je vous souhaite bonne chance.
— Comment t'en sors-tu avec notre invité ?
Edyon était étendu de l'autre côté du feu, profondément endormi. On devinait sous sa veste la bosse formée par le flacon de fumée qu'il gardait contre sa poitrine.
— Bien. Il ne nous sera d'aucune utilité en cas de combat, mais tu le sais déjà.
— Je sais aussi qu'il t'apprécie beaucoup.
March sentit un désagréable picotement sur son cuir chevelu, mais il affecta de hausser les épaules avec indifférence.
— Ce doit être ma personnalité irrésistible.
— Tu sais très bien ce que je veux dire. Il aime les hommes. Ce n'est pas naturel.
— C'est un fils de prince. Les princes font tout un tas de choses répréhensibles, d'après mon expérience.
— Ainsi nous nous retrouvons, déclara Tzsayn d'une voix égale.
— N'est-ce pas le genre de choses que peuvent se dire deux guerriers rivaux ?
Un gentilhomme et une dame ne doivent jamais demeurer seuls. Lors d'une promenade ou d'une discussion, ils sont tenus de garder une certaine distance, de sorte que s'ils étaient amenés à tendre le bras, leurs doigts ne pourraient se toucher.
"Vous trouverez probablement les jardins plus intéressants que les démonstrations de danse.
Demain matin, à 9 heures, sur la terrasse ?"
— De qui est-ce ?
— De la part du prince Tzsayn, Votre Altesse. Il attend votre réponse.
Catherine hésita. Elle n'était pas censée le fréquenter seule avant le mariage et elle n'avait aucune envie d'un cours magistral sur la fabrication de la soie. D'un autre côté, Boris et Noyes seraient probablement courroucés par une telle entrevue. Ce qui acheva de la décider.
— Dites au prince Tzsayn... que j'accepte.
Edyon prit le flacon. Dans la pénombre, il brillait de son feu violet, semblant presque animé d'une vie propre. Il le renversa, délogea légèrement le bouchon de liège pour laisser sortir un filet de fumée, qu'il aspira aussitôt. Puis il se pencha près de March. Leurs regards se rivèrent l'un à l'autre l'espace d'un instant. L'intensité de celui de March le figea sur place. Puis, avec une lenteur infinie, il porta ses lèvres à sa peau. March haleta en agrippant les épaules d'Edyon, et ce dernier ne sut pas s'il s'agissait d'un râle de plaisir ou de douleur.
Le baiser
Un signe couramment usité, que l'on peut désormais adresser de la main gauche comme de la droite. Cependant, de la gauche, il signifie « baiser », tandis que de la droite, il prend le sens de « souffle ».
Lorsque « souffle » est associé avec une paume dépliée horizontalement, le sens devient « vie ». Avec une paume verticale, il faut alors comprendre « air ». Quand le baiser est combiné avec un poing serré, l'association forme le mot « fumée ». Avec un poing fermé aux deux premiers doigts tendus, cela signifie « fumée de démon ».
— Comment se fait-il qu'il suffise de quelques mots venant de lui pour que je me retrouve à me briser les poings sur les murs ?
— Tu lui manques et il tient à toi. J'admets qu'il a une curieuse façon de le montrer. Je te soupçonne d'éprouver la même chose. Et d'avoir une tout aussi curieuse façon de le montrer.
« - Bah. On choisit pas sa famille, comme on dit. »
L'histoire nous apprend bien qu'en temps de guerre, le bon sens se fait rare