Il y a des voix qui sont comme des corps. Troublantes, affolantes, ou au contraire apaisantes, consolatrices. Celle de ma maman, basse et sombre, avec ses r roulés un peu italiens. Celle de papa, émouvante, rude, timide, hésitante par moments, s’arrêtant sur un mot dont il n’était pas sûr. Quant à celle de Raphaël, il me suffisait de fermer les yeux pour l’entendre. Certaines inflexions aussi chaudes que des caresses. Certaines paroles dont je ne pouvais me souvenir qu’en frissonnant. On ne peut pas se coucher les oreilles quand les voix viennent de l’intérieur.
Maman partie, papa ne s'est pas éternisé. Il est devenu vieux tout d'un coup. Quand il bougeait, ses articulations faisaient un bruit de branches qui s'entrechoquent. On dit qu'on ne meurt pas d'avoir le coeur brisé. Peut-être est-ce vrai. Mais je crois qu'on meurt de ne plus avoir envie de vivre. On meurt de laisser tomber.
« Ce qui fait la force d’un homme, c’est sa douceur » .
De la connerie ou de la cruauté, qu'est-ce qui tue le plus ?
Je lui ai appris autant qu'il m'a appris. La hargne, la tendresse qui se mêle à la brutalité, la domination qui cède le pas à l'abandon. (p170)
Peut être avais-je toujours été suspecte d'être une femme seule, sans mari, sans même le plus vague fiancé. je me devais d'être accompagnée d'un homme, d'avoir des enfants - ou de me plaindre de ne pas en avoir. Je n'avais pas joué le jeu, n'avais respecté aucune règle. Je n'avais même pas fait semblant, et peut-être était-ce ça le plus grave, ce qu'on ne pouvait pardonner.
Pourquoi les adultes pensent que les enfants sont sourds ?
Ceux qui nous ont fait du mal conservent sur nous un pouvoir démesuré. Est-ce que c'est parce qu'on a souffert à cause d'eux qu'on les aime plus qu'on ne le voudrait ? Ou profitent-ils, justement, de ce qu'on les aime trop pour nous blesser ? (p.117)
Ceux qui nous ont fait du mal conservent sur nous un pouvoir démesuré. Est-ce que c'est parce qu'on a souffert à cause d'eux qu'on les aime plus qu'on ne le voudrait ? Ou profitent-ils, justement, de ce qu'on les aime trop pour nous blesser ?
A quel moment on commence à mourir ?
Ma mére vivait de musique et par la musique.
Un jour elle a posé ses doigts sur le clavier, sans jouer, des larmes silencieuses tombant sur les touches, perdue. Puis elle a levé la tête et m'a dévisagée.
Son regard était transparent, limpide comme il ne l'avait pas été depuis longtemps...elle m'a priée de venir près d'elle.
Je me suis accroupie pour avoir le visage prés du sien.
Elle a pris mes mains dans les siennes et m'a demandé de l'écouter sans l'interrompre , jusqu'au bout.