Rue Lamarck
De la rue Caulaincourt, après avoir descendu une volée d'escaliers, on se trouve rue Lamarck. Et là, à deux pas de l'entrée du métro, une librairie s'appelait Le Château des Brouillards, allusion à un célèbre édifice montmartrois. Il y a même un roman de Roland Dorgelès qui porte ce titre. Ma mère, passant devant la librairie, voit un livre de moi en vitrine. Toujours aussi sûre d'elle, elle entre et dit : " Je suis la mère de l'auteur." Le libraire, Maurice joyeux, lui répond: " Je serais heureux de le connaître." C'est ainsi que je suis devenu l'ami de Joyeux et de sa famille. Joyeux le bien nommé qui animait les anarchistes de Montmartre, le groupe Louise Michel, et le journal -Le Monde Libertaire- Ma mère m'introduisant chez les anarchistes ! Ce n'est qu'un des épisodes paradoxaux de sa vie, et de la mienne. (p. 91)
Les cimetières parisiens sont très beaux, on peut s'y promener à loisir. (...)
Au cimetière de Passy, le monument funéraire de Marie Bashkirseff, la petite Russe passée à la postérité grâce à son Journal, est meublé de façon extraordinaire, en style 1880, avec des photos, des tableaux, des bustes. C'est un salon. (p. 12),
Le vingt et unième arrondissement
Autrefois quand un couple vivait en concubinage, on disait qu'il s'était marié à la mairie du vingt et unième. J'ai envie de placer dans le vingt et unième, toutes les adresses que j'ai oubliées ou préféré omettre , tous ceux ou celles dont la discrétion m'interdit de parler. Cela fait du vingt et unième un arrondissement très peuplé. (p. 113)
J'ai beaucoup marché à pied, parce que les métros et les bus étaient rares, mais aussi par plaisir. Quand on se promène le nez en l'air, on découvre une seconde ville. Les derniers étages des immeubles ont une architecture bien à eux, semblent indépendants de ce qui existe au-dessous. Ils forment une cité perchée dans le ciel. (p. 10)
J'ai l'impression que les vrais Parisiens sont ceux qui sont nés ailleurs et pour qui vivre à Paris est une conquête. Il me suffit de passer sur un pont de la Seine, et je m'émerveille. (p. 9)
7, rue Boileau
Autre survivant, Alexeï Rémizov vivait dans le seizième arrondissement, comme beaucoup de ses compatriotes émigrés. On l'appelait le Henri Michaux russe. L'auteur des -Yeux tondus- gardait une âme d'enfant. (p. 64)
Queneau en paroissien clandestin:
Raymond Queneau meurt en 1976. On découvre qu'il tenait un Journal intime. On y lit avec stupeur que, lorsqu'il sortait de chez Gallimard, il entrait non pas au bar du Port-Royal, mais à saint-Thomas d'Aquin et allumait un cierge.
J'ai trouvé depuis un témoignage de Michel Mohrt:
"Quand il est fatigué, il entre, qui l'eut cru, dans une église, deux églises, trois églises, j'en ai compté sept. Pas les cathédrales triomphalistes, promises à la démolition, mais les églises cachées dans les pâtés de maisons, Notre-Dame-de-la-Croix, saint-Séverin, saint-Thomas d'Aquin aussi, bien dégagé, c'est vrai, et cossu, solennel et douillet. Peut-être y fait-il une p'tite prière, comme au temps de sa première communion..."p.108