[la technologie Blockchain] est axiologiquement marquée, axiologiquement inscrite dans le refus du contrôle d’une autorité supérieure, étatique, juridique, publique, bancaire, et c’est cela qui lui confère son sens.
« Appuyer sur le bouton « anti-gouvernement » ne veut pas dire que l’on va atterrir directement au jardin d’Éden » Lawrence Lessig
Lessig [l’auteur de « Code is Law »] avait montré que le fait de se soustraire au contrôle étatique ou public ne suffisait aucunement à garantir les formes positives de la liberté.
… tout échange complexe nécessite, à défaut d’un droit positif ou d’une législation, une régulation.
… dans le monde déjuridicisé de la Blockchain,quelle entité dispose d’une autorité suffisante pour décréter licite ou illicite le contenu de la transaction ? Seule importe sa validité formelle, c’est-à-dire l’itération du procès de confirmation par chiffrement-déchiffrement, qui est profondément indifférente au contenu concret de la transaction
… les crypto-anarchistes, bien plus anarchistes que démocrates, perçoivent sans aucune doute ce corps politique comme une entité collective qui pourrait nuire aux intérêts de l’individu.
… la Blockchain est cet espace dans lequel la délibération devient inutile…
… c’est le domaine propre de l’humain qui s’efface progressivement au profit de procédures automatisées fondées non sur la délibération mais bien sur la certification.
L’automaticité [du smart contract] ici en jeu signifie que le protocole contractuel est conçu de telle manière que certaines données extérieures suffisent à déclencher les codes logiciels de la Blockchain, ce données déclenchant par ailleurs les codes logiciels de manière nécessaire ; ainsi la délibération humaine qui, par nature, ne peut porter sur ce qui est nécessaire, mais uniquement sur « les choses qui sont à notre portée et qui sont exécutables », se trouve-t-elle singulièrement réduite du fait même que s’étend le domaine de la nécessité et que se restreint celui du contingent.
Ainsi, la finalité s’avère-t-elle être la même que dans un échange monétaire classique, la différence se jouant au niveau de la seule source de légitimation de la transaction : la majorité du réseau se substitue à l’organe bancaire centralisé, la quantité se substituant à la qualité de l’autorité.