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Traduit par Claire Desserey

Maurice Hannigan, vieux monsieur de 84 ans s'installe au bar du Rainsford House Hotel le samedi 7 juin 2014 à 18h25. Calme plat avant l'effervescence à venir : c'est le soir de la remise du prix du Comité sportif, ici, dans le comté Meath. Il a décidé de porter un toast à chaque personne qui a compté dans sa vie :
à 19 h 05 : pour Tony, son frère aîné adoré, allez hop, une bouteille de stout ;
à 19 h 47 : pour Molly, sa fille morte-née, avec un verre de Bushmills (single malt 21 ans) ;
à 20 h 35 : pour Noreen, sa belle-soeur si spéciale, encore une bouteille de stout ;
à 21h20 : pour Kevin, son fils, ce sera un Jefferson's Presidential Select ;
à 22 h 10 : pour Sadie l'amour de sa vie décédée il y a deux ans, un whiskey Midleton.
A 23 h 05, il monte dans la suite nuptiale qu'il a réservé, révélant par là-même qu'il est le VIP que l'hôtel attend...

A l'âge de 10 ans, on ne laisse pas trop le choix à Maurice, en difficulté scolaire à cause de sa dyslexie. Son père lui annonce que "le maître d'école est d'avis qu'il vaut peut-être mieux qu'[il] devienne fermier", lui aussi.
"Je sentais ma gêne planer au-dessus de nous, tourner en rond autour de la théière, du pot à lait et de la jatte d'oeufs durs", avoue Maurice. A 10 ans donc, on l'envoie travailler chez les Dollard, famille qu'on devine d'ascendance anglo-irlandaise. Sa mère y travaille déjà le matin pour aider la cuisinière. Les Dollard traitent leurs serviteurs comme des chiens. "D'après mon père, c'était à cause de la baisse de leurs ressources et de leur pouvoir au cours des cinquante dernières années (...). Ils n'ont pas digéré qu'on soit devenus propriétaires de nos terres". Ainsi Maurice devient-il le martyr du fils du propriétaire, simplement parce qu'il a été témoin des raclées que lui administre son père. Seulement, le hasard fait souvent bien les choses. Ce sera, ironie de l'histoire, un souverain en or d'Edouard VIII de 1936, édition limitée, qui fera basculer la destinée de Maurice mais aussi de cette famille, et de leur descendance. Personne n'en saura rien, jamais, même pas Sadie, son épouse, même pas Emily, une Dollard avec qui il conclut un pacte à ne pas divulguer, une histoire de gros chèque, voyez-vous. Mais je ne vous en dirai pas plus.

Nous passerons quelques heures avec Maurice dont chaque toast sera l'occasion de nous faire découvrir qui se cache derrière ce papi qui jette sur sa vie, sa famille et le monde qui l'entoure, un regard ironique, mais aussi mélancolique et drôle. Je me suis prise d'empathie pour ce petit vieux, un peu ronchon, qui râle après les tabourets trop bas, les toilettes trop loin, le service qui se fait attendre, etc. Il a la gouaille irlandaise, comme toujours teintée d'humour : "Je ne comprendrais jamais pourquoi les Irlandais s'acharnent à calciner les bons morceaux de boeuf" ; "Il est temps que j'aille au petit coin. Un des avantages d'avoir 84 ans, c'est qu'avec toutes ces expéditions aux toilettes, on fait de l'exercice." :)

Chaque toast permet au lecteur de découvrir aussi sa famille, les moments clés de sa vie. Un grand frère adoré, soutien de tous les moment difficiles de l'enfance, parti trop tôt, emporté par la tuberculose pendant que tout le monde pense qu'il a juste la crève. Une lente agonie mais "la mort et la maladie étaient taboues et sacrées, c'était motus et bouche cousue". Adulte, Molly son bébé mort-né, "poupée de porcelaine aux cheveux d'or". Des femmes ravagées par la douleur, des maris qui s'éloignent pour ne pas sombrer eux aussi. Il y a Kevin, le fils unique, journaliste aux Etats-Unis.

Il y a cette belle-soeur folle-dingue-carrément-barrée qui risque de faire basculer la vie de Maurice ; il y cette femme qui sait tout, de la clique de l'Ascendency. Il y a des demeures transformées en hôtel dès les années 1970, dont les vrais propriétaires ne sont pas ceux que l'on croit...

Enfin et surtout, il y a Sadie, l'amour d'une vie dont l'absence est insupportable.

Ce roman vous met le coeur en miettes, mais d'une jolie manière. Vous ne pleurerez pas comme des Madeleine, non. Pas de pathos, mais une tendresse particulière, une émotion rieuse et lumineuse, un peu taquine.
L'auteure irlandaise, dont c'est le premier roman, vous entraîne dans une bien belle balade alcoolisée. Une histoire d'amour (et de désespoir) où sont convoqués les fantômes du passé, les remords, le poids de la culpabilité. Une réflexion sur la solitude et la vieillesse également.

Anne Griffin signe un livre magnifique, tendre, mélancolique, bouleversant mais jamais tout à fait triste. Une jolie découverte.
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Un homme, le bar d'un hôtel dans un village d'Irlande, cinq toasts en l'honneur de ceux qui ont compté… le postulat de départ est simple.
Dés la toute première ligne Maurice Hannigan semble s'adresser à nous, lecteur, mais c'est en fait à son fils Kevin qu'il livre ses confidences sur un ton à la fois personnel et en apparence détaché. S'il est là ce soir, assis au comptoir du bar de l'unique hôtel de Rainsford, c'est pour rendre hommage à cinq personnes qui ont marqué son existence chacune à leur façon et pour différentes raisons. Il a apparemment pensé cet évènement depuis longtemps déjà et c'est de manière méthodique qu'il lève le coude en l'honneur de son frère Tony trop tôt disparu, de sa précieuse fille Molly, de sa si spéciale belle-soeur Noreen, de Kevin son fils aimé mais incompris, et de son irremplaçable femme Sadie, le grand amour de sa vie.

Maurice est un homme au caractère trempé qui ne mâche pas ses mots, dont l'enfance a été rude et mouvementée, et qui s'est donné les moyens de se construire une réussite professionnelle solide et enviée de beaucoup. Bourru et buté au premier abord, c'est sans fausse pudeur et sans fard qu'il s'épanche sur sa vie. Chacun des cinq toasts qu'il porte lui donne l'occasion de remercier ceux qui ont fait de lui l'homme qu'il est aujourd'hui, de dire ce qu'il n'a jusque là jamais su ou pu exprimer et, alors qu'il déroule son passé sous nos yeux, ce sont de véritables tranches de vie authentiques et émouvantes qu'il nous offre sans jamais chercher à se donner le beau rôle.
Il dit son enfance et le profond attachement qui le liait à son grand frère Tony qui l'a toujours entouré, protégé et encouragé, le vide immense qu'il a laissé en disparaissant, la rencontre éphémère mais au combien intense avec sa petite Molly et l'impact qu'elle a eu sur sa vie de mari et de père, la rencontre improbable mais décisive avec Noreen, la soeur handicapée de sa femme, leur lien particulier, la relation empreinte d'amour et d'incompréhension avec son fils Kevin, si différent de lui, et le coup de foudre inextinguible pour l'amour de sa vie, Sadie, dont l'absence lui tenaille les tripes sans répit depuis deux ans. Il dit tout comme ça vient, comme il l'a ressenti, ses réussites et ses échecs, ses bonheurs du plus petit au plus grand et ses tragédies intimes, et c'est une émotion sincère et poignante qui nous étreint au fil des mots.
Même si l'on sait dés le départ ce qu'il fait là, le suspens est présent tout au long du récit parce que certaines inconnues demeurent: pourquoi maintenant? pourquoi de cette façon? quelle sera l'issue de cette soirée?…, et parce qu'un des épisodes marquants du parcours de Maurice ne trouve son dénouement qu'à la toute fin, attisant notre curiosité jusqu'au bout.

Anne Griffin livre avec « Toute une vie et un soir » un roman très personnel ( bien que purement fictif ) empreint d'une immense tendresse pour son pays et les gens qui en sont la moelle épinière. A travers le destin de Maurice se dessine en filigrane celui de l'Irlande rurale de la seconde moitié du XXe siècle, la simplicité et la rudesse du quotidien, le caractère revêche de ses habitants, leur attachante pudeur et leur sincérité, et leur lien indéfectible à la terre.
Le roman est découpé en 7 chapitres: un d'introduction, cinq dédiés aux cinq toasts, et un de conclusion; il se lit très facilement. L'écriture est simple et chaleureuse, profondément touchante, tout à l'image du personnage principal dont elle retranscrit la voix, et le récit nous bombarde d'émotions authentiques qui ne peuvent laisser indifférent parce que la vie de Maurice contient un peu de nos vies à tous. Si l'on doit retenir quelque chose de son témoignage, c'est qu'il faut en savourer chaque instant, aussi futile puisse-t-il paraître.
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Derrière ces cinq verres, c'est toute la vie de Maurice qui défile. Il s'adresse à son fils, lui parlant comme il n'a jamais pu le faire. C'était difficile de parler face à face avec ce jeune homme si lettré, si intelligent, lorsque l'on est un fermier dyslexique et que les mots se refusent à vous. Pour une fois, il lui racontera tout. Dans sa tête, dans sa barbe, certes, mais ce monologue lui est tout de même adressé. Et les mots seront là. Forts, percutants, justes, pour lui raconter son père, sa vie et les êtres qu'il a tant aimés.
On écoute ce récit personnel, cette confession. On s'assoit au bar (même quand on n'aime pas l'alcool) et on laisse Maurice nous emmener parcourir les rues du village, arpenter ses terres, traverser les époques qui dessinent diverses facettes de l'Irlande.

L'existence qui se dessine est une aventure humaine : des débuts rudes, des humiliations, des réussites, des succès discrets ou éclatants, du travail, de l'acharnement, de drames, des rencontres, des coups durs… Un homme plein de qualités, mais aussi de défauts qui se dessinent inévitablement, mais qui ne le rende pas moins attendrissant, juste humain et donc imparfait. L'histoire d'une vie concentrée en 270 pages. Ce n'est pas évident de se livrer ainsi quand on a appris à se débrouiller, à garder pour soi ses sentiments, ses peurs et toutes ses pensées intimes. Quand on préfère agir plutôt que discuter.
Mais il n'y a pas que Maurice entre ses pages. Il en est le coeur évidemment, mais c'est aussi l'histoire de Sadie, de Noreen, de ses parents, de son fils, de toute sa famille. Et l'histoire des Dollard. Ah, les Dollard, riche famille du bourg qui a été le calvaire de son adolescence. Les Dollard, ses meilleurs ennemis. Les Dollard dont il a pris sa revanche au fil des années, savourant la déchéance de cette lignée. Les Dollard dont l'histoire et le rôle de « méchants » se compliqueront au fil du récit. Evidemment, tout n'est jamais si simple.

Anne Griffin propose ici un roman bouleversant, humain. La construction du roman est parfaite, peignant, mot après mot, chapitre après chapitre, toast après toast, la fresque qui raconte la vie des Hannigan et des Dollard. L'écriture est sobre, pudique, lumineuse. J'ai été absorbée par cette histoire comme si Maurice était à côté de moi avec son air bougon.

Un portrait sublime et sincère, un texte beau et grave. Un premier roman absolument stupéfiant. Une autrice à suivre de près. Une superbe découverte pour laquelle je remercie Babelio et les éditions Delcourt.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Samedi 7 juin, 18H25. Maurice Hannigan fait son entrée dans le bar du «Rainsford House Hotel». le personnel débordé par les préparatifs d'une réception a déserté les lieux. Maurice patiente en s'observant dans l'immense miroir qui domine l'étagère des alcools. La glace lui renvoie l'image d'un homme marqué par les années – il a quatre-vingt-quatre ans - mais qui a su conserver une certaine classe. Ce n'est pas une soirée ordinaire pour Maurice. Il en a soigneusement préparé le déroulé. Pendant près de cinq heures, il va se remémorer les événements qui ont marqué son existence. En bon Irlandais, il va adresser des toasts aux personnes importantes à son coeur. Il rend ses hommages en éclusant des bouteilles de stout et des verres de whisky. le vieil homme a grandi au sein d'une famille modeste et a quitté l'école à douze ans. Pourtant, grâce à son travail et à son opiniâtreté, il a pu acquérir des terres et gagner beaucoup d'argent. Mais derrière cette réussite, il y a une existence traversée d'épreuves, aussi son récit est-il souvent poignant. J'ai éprouvé de la sympathie pour ce vieil homme nostalgique. Heureusement, son ton est léger et souvent ironique. Maurice étonne par sa franchise Son but étant de tout mettre à plat au crépuscule de son existence, il oeuvre pour crever l'abcès d'une vieille culpabilité. J'adresse un seul reproche à ce roman : certains passages trop mielleux tombent dans le sentimentalisme. C'est dommage car Anna Griffin sait aussi émouvoir son lecteur sans trop en rajouter. La fin est parfaitement amenée par un récit agréable à lire.

Bravo à l'éditeur français pour le choix du titre et cette belle couverture !

Je remercie les éditions Delcourt et Babelio pour l'envoi de ce livre dabs le cadre d'une Masse critique.
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Tout d'abord, je tiens à remercier Babelio ainsi que les éditions Delcourt, de m'avoir gracieusement envoyé ce livre en avant-première dans le cadre d'une Masse critique privilégiée. C'est le genre de lecture qui ne m'attire pas aux premiers abords, mais qui peut s'avérer extrêmement passionnante. Je me suis donc laissé tenter par ce roman irlandais.

Toute une vie et un soir, c'est l'histoire de Maurice, 84 ans, qui retrace l'intégralité des grands moments de sa vie en seulement un soir. Ce vieux monsieur, veuf depuis deux années, a vécu des moments de profondes tristesses, notamment lorsqu'il a perdu son frère bien-aimé, ou sa première fille. Mais il a également vécu bon nombre de joies, aux côtés de sa femme et de son fils, de ses amis et de ses animaux. Une vie bien remplie qu'il nous raconte autour d'un verre, comme une histoire que l'on raconterait à un jeune enfant avant qu'il ne s'endorme.

Cette histoire est jalonnée de souvenirs, de regrets, de sourires, de moments d'intense bonheur, de joies, de pleurs, de tristesse, de déceptions aussi, mais de fous rire parfois. C'est l'ensemble de sa longue vie qu'il étale à nu devant nous, dans sa pure simplicité et sa beauté toute entière. Maurice se confie dans pudeur aux lecteurs, mais à son fils avant tout, celui qu'il a délaissé durant toute ces années, mais celui qui constitue aujourd'hui sa seule famille.

Cette lecture m'a fait passer à travers différentes émotions, qui se succédaient sans jamais se ressembler. J'ai été maintes fois peinée par les dures épreuves traversées par Maurice, puis folle de joie quand je me rends compte de ce qu'il a réussi à accomplir et de la revanche qu'il a prise sur sa vie d'avant – passant d'un labeur compliqué, vil, au service de personnes médisantes et peu scrupuleuse à un homme fier, honnête, indépendant et bussinessman dans l'âme. C'est sûrement ce qui ressort le plus dans ce livre : les dix mille vies vécues par Maurice. Il n'y a pas à dire, en 84 ans, on en voit passer des choses !

Malheureusement, je suis peinée de vous dire que je ne me suis pas particulièrement sentie proche du protagoniste et narrateur, Maurice. J'ai beaucoup aimé me balader dans les entrailles de ses souvenirs, mais je ne me suis pas attaché tant que ça au personnage en lui-même, à ce qu'il était et à ce qu'il est devenu. Ça ne remet pas en cause la beauté de l'écriture de l'auteure, ni la puissance de son aura émotionnel, qui a réussi à me toucher à maintes reprises. Je veux seulement dire que cette histoire est belle, mais pas exceptionnelle non plus, puisque je l'oublierai certainement dans quelques semaines à peine.

Une lecture irlandaise aux couleurs du pays : triste, nostalgique, mais belle. J'ai passé un bon moment de lecture, mais celui-ci ne sera pas mémorable.
Lien : https://analire.wordpress.co..
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Je remercie Babelio et sa Masse critique privilégiée et les Editions Delcourt de m'avoir offert ce livre.

Nous sommes dans l'est de l'Irlande, précisément dans le comté de Meath, Comté Royal aux paysages sauvages grandioses et aux traditions culturelles intactes encore aujourd'hui. A quelle époque ? Je ne saurais le dire…Je ne me suis jamais posé la question. Cela n'a aucune importance au fond puisque rien n'a changé dans cette région, ni les paysages, ni le climat, ni l'ambiance, ni les sentiments.

Il s'agit bien là d'un roman d'amour. C'est tout. Celui dont on n'ose pas parler, parce qu'il est si fort qu'il pourrait rendre encore plus maladroit, parce qu'il est tellement pur que les mots de tous les jours, ceux que l'on connait, ne suffiraient pas à lui rendre sa superbe, parce qu'il est tellement profond que la pudeur s'en est emparé définitivement.

Il est beau ce roman dont le personnage principal, Maurice Hannigan, un vieux fermier bourru, malhabile va, au crépuscule de sa vie, se souvenir des événements marquants qui ont jalonnés son existence. Des bas, des hauts, la misère, l'opulence, la soumission et la revanche, les coups durs et les coups bas, la vengeance, les séparations dont on ne se relève pas et les années qui défilent laissant sur son passage des relents de regrets, de remords, d'amertume.

Il est beau ce roman où M. Hannigan, dyslexique et peu instruit trouve les mots justes, percutants, essentiels, poignants parfois et porte successivement un toast à tous ceux qui ont compté pour lui.

Un premier roman émouvant porté par une histoire simple mais tellement bien racontée. J'ai imaginé M. Hannigan rassembler ce qu'il lui restait de forces et, la voix mal assurée, tenter une ultime mise au point, ne voulant pas s'encombrer de doutes et de désordres juste avant de rejoindre enfin sa bien-aimée trop tôt disparue. Une fois près d'elle, que ce soit au paradis, dans les dunes irlandaises ou dans le souffle du vent, il est probable qu'il n'aura plus jamais l'audace ni la capacité de tout expliquer.

L'écriture d'Anne Griffin est subtile, sobre et forte à la fois. le roman est bien articulé et l'auteure nous invite à la suivre, la gorge serrée parfois, mais toujours d'un pas alerte parce que nous voulons tout connaitre de la vie de cet homme si sensible qui se cache derrière son armure.
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Résumé Toute une vie et un soir d'Anne Griffin
Juin 2014, Irlande, Comté de Meath, un homme de 84 ans se trouve dans un hôtel. Son fils, Kevin, est aux Etats-Unis. C'est à lui qu'il s'adresse pour raconter son histoire. Sa femme est morte il y a deux ans. Il a mis toutes ses affaires en ordre, sans en parler à son fils. Il va faire quelque chose lors de cette soirée.

Avis Toute une vie et un soir d'Anne Griffin
Toute une vie et un soir raconte la vie de Maurice qui prend la parole. Il a réservé une nuit dans le seul hôtel de sa petite ville et il a réservé la plus grande suite. Sauf que personne ne sait que c'est lui qui a réservé. En plus se tient une très grande soirée dans cet hôtel. Il va rester un grand moment à boire, Stout et whisky car Maurice est un amateur de très bons whiskys, surtout que son fils lui en envoie régulièrement. Maurice va se rappeler sa vie dans ce petit coin d'Irlande au sein de sa famille avec son frère aîné, son héros. Un héros qui ne restera pas très longtemps auprès de lui suite à la tuberculose. Un frère aîné qui l'a toujours aidé de son vivant car Maurice n'y arrivait pas à l'école. Il excellait en sport mais le reste, il ne pouvait pas suivre. Il comprendra pourquoi à la fin de sa vie. Donc, il est placé dans la grande maison de cette petite ville. Il subira la violence du maître de maison et de son fils. Jusqu'au jour où une pièce tombe et que Maurice ramassera et gardera pendant de nombreuses années. Cette pièce est un peu le fil rouge de ce roman, tout comme cette maison qui va devenir un hôtel. Au fur et à mesure de sa vie, Maurice va agrandir la ferme familiale. Il a pratiquement tout appris de son père et il va réussir, il va gagner beaucoup d'argent et se venger, au fur et à mesure, de cette famille qui lui a fait tant de mal lorsqu'il était plus jeune. Jusqu'à ce qu'il rencontre Emily.


Un autre chapitre est consacré à Molly, cet enfant mort-né. Est-ce la faute de Maurice s'il n'a pas écouté sa femme, pour l'emmener plus tôt à l'hôpital ? Il va se maudire, culpabiliser. Et comme pour son frère, Molly restera toujours à ses côtés. Il la verra grandir. Elle lui donnera des conseils ou lui démontrera qu'il a tort dans ses attitudes. Troisième gros chapitre consacré à la soeur de sa femme, Noreen. Cette dernière est placée dans une institution. Malgré la maladie de Noreen, ce sont pratiquement les seuls passages où l‘humour est bien là. Car de nombreuses situations rocambolesques arrivent à cause de Noreen, qui a accepté Maurice dès qu'elle l'a vu. Ensuite viennent Kevin et sa femme, son seul amour, sans qui il ne peut pas vivre et qui est décédée il y a deux ans. Alors, oui, il s'en veut de ce qu'il a pu faire subir à son fils et sa femme, de ne pas avoir été là quand il le fallait, de ne pas avoir compris ce fils qui voulait être journaliste, qui préférait les mots aux travaux de la ferme. Et puis ce chapitre consacré à sa femme est d'une beauté. On sent l'amour qu'il ressent pour elle, qui l'unit à elle, même si cela n'a pas toujours été facile.


Pratiquement dès le départ, j'ai su ce qui allait arriver. Il a suffi d'une phrase. Phrase qui s'est plus ou moins répétée. Pourquoi un tel ordre ? Pour son fils et sa femme qui arrivent avant-dernier et dernier, je peux le comprendre. Est-ce dû à l'arrivée du décès des trois premiers ? C'est tendre, drôle, introspectif, mais surtout le lecteur suit cette vie de Maurice qui accepte tout et fait le point sur ce qu'il a bien ou mal fait. Et ce comme tout être humain qui se respecte, qui ne veut pas trop montrer ses sentiments, ses douleurs. Un très grand respect est ressenti envers ses parents, notamment sa mère, qui a souffert de la mort de son aîné. Les mots sont pudiques pour décrire cette douleur lorsque l'on perd un enfant, l'amour d'une vie et que l'on ne peut pas vivre sans cette personne, être un poids mort pour ceux qui restent, même si la maison de retraite pourrait être la solution.


Un roman à ne pas mettre entre toutes les mains, notamment les candidats à ceux qui veulent partir sans souffrir et réussir leur coup. Cela peut réellement donner des idées.

Je remercie Babelio pour cette Masse Critique et les Editions Delcourt.
Lien : https://livresaprofusion.wor..
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‘I'm here to remember–all that I have been and all that I will never be again.'
« Je suis ici pour me souvenir de tout ce que j'ai été, et de tout ce qui je ne serais plus », dit Maurice, 84 ans. Dans un long monologue intérieur, assis sur un tabouret d'un bar d'hôtel ( et pas n'importe lequel !) d'un bourg irlandais, alternant bières et whisky , il s'adresse à son fils Kevin qui vit aux États Unis. Veuf, il a tout vendu et s'apprête à partir...... en maison de retraite. Au crépuscule de sa vie, portant un dernier toast à chacun des cinq personnes qui ont le plus compté pour lui, il fait le bilan de son existence.
Une seule nuit ,
Toute une vie !
Un pareil sujet, sans le billet de ma redoutable copine babeliote nameless ( merci !), je ne l'aurais probablement pas lu. Trop triste, « Les Gratitudes » même court m'aurait amplement suffit pour un bon moment.....

Dans cette longue soirée, Maurice nous entraîne loin dans le temps, à son enfance dans une famille de fermier pauvre dans l'Irlande des années quarante, où la réforme agraire démarre à peine avec la ré-appropriation des terres aux paysans. Dyslexique, peu doué pour les études, il se retrouve vite, très jeune, garçon de ferme chez les Dollards, les grands patrons du coin, des gens violents, sans scrupules, où travaille aussi sa mère. Mais la Vie, malgré ses revers, réserve aussi de bonnes surprises, et de belles rencontres et même si Maurice y croit peu, la justice divine existe......que je vous laisse découvrir.

C'est une histoire irlandaise de perte, de douleur, de regrets ( Ai Maurice pourquoi faire le radin pour une simple tasse de thé Earl Grey au resto !),
mais aussi de bonheur et d'amour ( “There was a love but of the Irish kind, reserved and embarrassed by its own humanity”, -il y avait de l'amour mais de nature irlandaise, réservé et embarrassé par sa propre humanité-),
celle d'un homme qui sait à peine lire et écrire, mais qui aime faire des contrats, même et surtout avec Dieu,
celle aussi d'une famille, d'un couple et d'un pays.
Un livre émouvant, riche en anecdotes, dont celle de la pièce d'or à l'effigie d'Edward VIIII, fil rouge du récit. Une prose claire et fluide qui ne laisse aucune ambiguïté à l'expression des sentiments, dans un pays où pourtant ils le sont. Décidément les auteurs irlandais sont doués pour se mettre dans la tête du sexe opposé à la leur; récemment Donal Ryan dans la tête d'une femme, ici Griffin dans la tête d'un homme, chapeau !
Et bravo pour ce premier roman considéré comme phénomène littéraire dans son pays, à la tête des meilleurs ventes. Comme quoi les irlandais ont un très bon goût littéraire 😀!


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Une belle surprise que ce roman reçu par Masse Critique!
Il a 84 ans, veuf depuis deux ans exactement, et ne s'est pas remis du décès de sa tendre Sadie. Pour la dernière fois, Maurice Hannigan s'installe au bar du Rainsford House Hotel, une grande demeure dont la famille Dollard est propriétaire depuis des générations et à laquelle Maurice est intrinsèquement lié, malgré lui. Il porte un toast aux cinq personnes les plus précieuses de sa vie, l'occasion d'un retour sur ce qu'il a été et sur un événement qui a bouleversé plusieurs générations.
Le vieux Maurice n'est pas sans reproche: cupide, grincheux, pas très bavard surtout avec son fils Kevin, parti s'installer aux Etats-Unis. C'est pourtant à lui qu'il s'adresse tout au long de ce fameux jour où il évoque son grand frère décédé beaucoup trop tôt, sa petite fille morte à la naissance, sa belle-soeur, et bien sûr Sadie, qu'il a aimé et qu'il aime toujours comme au premier jour. Maurice est plein de regrets et d'amertume, c'est le moment de réparer tout ça, et ce sera aujourd'hui.
A travers la traduction, très réussie, on entend parfaitement le parler irlandais des petits vieux de là-bas, et je suis certaine que le lire directement en anglais aurait été encore plus touchant, mais la traductrice a su garder l'esprit.
Avec ce roman, on traverse le vingtième siècle dans une petite bourgade près de Dublin, la pauvreté des premières années, puis le Celtic Tiger, les jeunes partant en masse chercher du travail et un bel avenir aux Etats-Unis.
Le personnage de Maurice, tout en sincérité et pudeur - il n'a plus rien à perdre - est vraiment émouvant et attachant.
Pour un premier roman, c'est une belle réussite à encourager.
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Il est l'heure pour Maurice Hannigan de lever cinq fois le coude aux personnes qui ont fait de sa vie un long parcours paisible. Cinq toasts à cinq personnes qui lui sont le plus chères. Hannigan du haut de ses 80 piges, délivre tout au long de cette soirée mémorable, un long message touchant et poignant sur sa vie. En bon irlandais qu'il est, dévoilé ses sentiments, ses états d'âme, ses pensée les plus intimes, ses doutes, ses craintes et ses fous rires, est un sacré challenge.



Accoudé au bar qui a connu tant d'hommes esseulés, ivres, joyeux et en colère, Hannigan se lance dans le récit d'une vie conditionnée par la rudesse de la terre irlandaise. Puisant le courage au fond de ses tripes et poussé par ce besoin irrépressible de confidence, Hannigan déverse un flot de souvenirs, des bons comme des mauvais, une effluve douce, captivante et généreuse qui est agréable de suivre.


Je me suis installée à son côté, regardée dans les yeux cet homme humble prêt à un dernier voyage extraordinaire. Je l'ai écouté religieusement, comme si cet aparté entre nous était un moment sacré et unique. Et j'ai vu sur les traits de son visage et à ses mains battant le bois et triturant ses poches, que ses mots emprunts d'une honnêteté sans faille me bouleverseraient et me passionneraient. Être témoin de cet instant est magique et naturel, comme si c'était le bon moment.


Notre balade débute avec une bouteille de Stout, levée en l'honneur d'un frère parti bien trop tôt. « Contre le reste du monde », était leur mantra préféré, bravant ainsi la rudesse de la vie et de la terre et des patrons tyranniques. Avec son frère tout était possible, rien était impossible.
Suivie d'un verre de Bushmills, levé à sa petite fille qui n'a jamais pu connaitre. Un verre amer rempli de reproche, d'amertume et de déception. Une petite fille qui continuera de vivre dans son coeur meurtri et qui deviendra une confidente silencieuse et actrice lors de ses prises de décision.
C'est à nouveau avec une bouteille de Stout, que Hannigan porte son troisième toast dédié à sa belle-soeur. La soeur cadette de sa femme est un rayon de soleil de simplicité et de bonheur.
Suivi de l'incontournable Jefferson's Presidential Select dédié à son fils sur lequel il s'épanche sur son rôle de père qui n'a pas été à la hauteur.
Et pour finir un Whiskey Midleton au souvenir de sa tendre femme.


Anna Griffin signe un premier roman aussi charmant que nostalgique. Une virée inoubliable au côté d'un homme qui se confie. Une nuit pour relater toute une vie remplie de joie, de bonheur, d'austérité, de malheur. Une vie simple où le courage, le labeur l'ont dirigé un long moment, où les mots finissent par avoir une signification, un exutoire, un lâcher prise qui prend alors toute son importance. Une histoire émouvante et captivante dont j'ai pris plaisir à la découvrir. Une lecture intense qui est loin de me laisser indifférente. Il est étranger d'être témoin de ses confessions. Elles reflètent l'âme d'un homme et de son pays, de ces temps d'autrefois et d'aujourd'hui et de cet amour fusionnel et unique longtemps gardé dans ce coeur façonné par l'inutilité de dire simplement les choses importantes.


La plume d'Anne Griffin est d'une subtilité attendrissante et d'une honnêteté à tout épreuve. Une harmonie communicative qui transcende et émerveille autant qu'elle interroge. La traductrice a fait un travail fantastique.


TOUTE UNE VIE ET UN SOIR est une très belle découverte. Un premier roman magnifique qui peint un portrait saisissant d'un homme qui saura vous toucher en plein coeur.
Lien : https://lesmisschocolatinebo..
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