Il est l'heure pour Maurice Hannigan de lever cinq fois le coude aux personnes qui ont fait de sa vie un long parcours paisible. Cinq toasts à cinq personnes qui lui sont le plus chères. Hannigan du haut de ses 80 piges, délivre tout au long de cette soirée mémorable, un long message touchant et poignant sur sa vie. En bon irlandais qu'il est, dévoilé ses sentiments, ses états d'âme, ses pensée les plus intimes, ses doutes, ses craintes et ses fous rires, est un sacré challenge.
Accoudé au bar qui a connu tant d'hommes esseulés, ivres, joyeux et en colère, Hannigan se lance dans le récit d'une vie conditionnée par la rudesse de la terre irlandaise. Puisant le courage au fond de ses tripes et poussé par ce besoin irrépressible de confidence, Hannigan déverse un flot de souvenirs, des bons comme des mauvais, une effluve douce, captivante et généreuse qui est agréable de suivre.
Je me suis installée à son côté, regardée dans les yeux cet homme humble prêt à un dernier voyage extraordinaire. Je l'ai écouté religieusement, comme si cet aparté entre nous était un moment sacré et unique. Et j'ai vu sur les traits de son visage et à ses mains battant le bois et triturant ses poches, que ses mots emprunts d'une honnêteté sans faille me bouleverseraient et me passionneraient. Être témoin de cet instant est magique et naturel, comme si c'était le bon moment.
Notre balade débute avec une bouteille de Stout, levée en l'honneur d'un frère parti bien trop tôt. « Contre le reste du monde », était leur mantra préféré, bravant ainsi la rudesse de la vie et de la terre et des patrons tyranniques. Avec son frère tout était possible, rien était impossible.
Suivie d'un verre de Bushmills, levé à sa petite fille qui n'a jamais pu connaitre. Un verre amer rempli de reproche, d'amertume et de déception. Une petite fille qui continuera de vivre dans son coeur meurtri et qui deviendra une confidente silencieuse et actrice lors de ses prises de décision.
C'est à nouveau avec une bouteille de Stout, que Hannigan porte son troisième toast dédié à sa belle-soeur. La soeur cadette de sa femme est un rayon de soleil de simplicité et de bonheur.
Suivi de l'incontournable Jefferson's Presidential Select dédié à son fils sur lequel il s'épanche sur son rôle de père qui n'a pas été à la hauteur.
Et pour finir un Whiskey Midleton au souvenir de sa tendre femme.
Anna Griffin signe un premier roman aussi charmant que nostalgique. Une virée inoubliable au côté d'un homme qui se confie. Une nuit pour relater toute une vie remplie de joie, de bonheur, d'austérité, de malheur. Une vie simple où le courage, le labeur l'ont dirigé un long moment, où les mots finissent par avoir une signification, un exutoire, un lâcher prise qui prend alors toute son importance. Une histoire émouvante et captivante dont j'ai pris plaisir à la découvrir. Une lecture intense qui est loin de me laisser indifférente. Il est étranger d'être témoin de ses confessions. Elles reflètent l'âme d'un homme et de son pays, de ces temps d'autrefois et d'aujourd'hui et de cet amour fusionnel et unique longtemps gardé dans ce coeur façonné par l'inutilité de dire simplement les choses importantes.
La plume d'Anne Griffin est d'une subtilité attendrissante et d'une honnêteté à tout épreuve. Une harmonie communicative qui transcende et émerveille autant qu'elle interroge. La traductrice a fait un travail fantastique.
TOUTE UNE VIE ET UN SOIR est une très belle découverte. Un premier roman magnifique qui peint un portrait saisissant d'un homme qui saura vous toucher en plein coeur.
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