Le charme de Joanna ne se limitait pas au regard lucide qu’elle portait sur son propre talent : elle faisait preuve d’un manque absolu de jalousie professionnelle. Elle était du genre à écrire des prières d’insérer pour encourager des jeunes romanciers inconnus. Elle lisait des manuscrits en loques, elle répondait aux lettres, et mille autres choses.
Stendhal, voyez-vous, était un amoureux passionné de la peinture. Il pouvait rester des heures devant un tableau. Mais ça lui faisait un drôle d’effet. Il s’évanouissait. À Florence, surtout. Enfin, dit-elle à Joanna, vous savez à quoi ressemblent les tableaux là-bas. C’était trop pour le pauvre homme.
Quand on entrait au Starrdust, on ne remontait pas le temps mais on s’en échappait. Comme si on avait passé une porte ouverte sur rien d’autre que le ciel d’un bleu absolu et les étincelants nuages d’un tableau surréaliste.
C’est drôle, ces gosses, ils se comportent comme s’ils avaient déjà tout vu, comme si rien ne pouvait les ébranler. Mais que quelqu’un casse sa pipe, qu’il y ait la moindre urgence, et ils perdent complètement les pédales.
L’aveugle détestait qu’on l’approche. À moins d’avoir lui-même demandé son chemin ou l’heure. Il refusait de balayer le trottoir avec une canne blanche, mais il avait un bâton de marche en bruyère, dont il n’hésitait pas à se servir au premier coup tordu. Ou si on l’embêtait, tout simplement.