Citations sur Paroles de poilus : Lettres de la Grande Guerre (71)
Il s'agissait simplement de faire entendre ces cris de l'âme confiés à la plume et au crayon, qui sont autant de bouteilles à la mer qui devraient inciter les générations futures au devoir de mémoire, au devoir de vigilance comme au devoir d'humanité.
29 juillet 1914
Il faut bien envisager la réalité, sans se monter la tête : la guerre est comme la fièvre typhoïde ; il faut la fuir, mais si on l'attrape, il faut lutter.
Étienne Tanty
"La guerre est un jeu cruel qui ne se paie qu'avec le sang".
Proverbe de Saadi ; Le jardin des roses (XIIIe siècle)
Bien chère Sylvanie
je ne peux pas m’empêcher de te dire que je suis dans une très mauvaise position, je souffre le martyre, javais bien raison de te dire avant de partir qu'il valait mieux être mort que d'être blessé, au moins blessé comme moi.
toute la jambe est pleine d'éclats d'obus et l'os est fracturé. Tous les jours quand on me panse, je suis martyr, lorsqu’avec des pinces, il m'enlèvent des morceaux d'os ou des morceaux de fer.
Je jouis infiniment de la beauté douce et tranquille de cette fin d’été, de ce début d’automne. Il y a, en cette saison, un parfum de mélancolie émouvante, suave, dont je me sens profondément imprégné. J’ai l’impression qu’en cette saison quasiment crépusculaire, les âmes sont meilleures et les cœurs plus sensibles… Et pourtant, on continue à se battre.
24 juin 1915
Dans la tranchée, le pis, ce sont les torpilles. Le déchirement produit par ces 50 kg de mélinite en éclatant est effroyable. Quand une d'elles tombe en pleine tranchée, et ces accidents là arrivent, elle tue carrément 15 à 20 types. L'une des nôtres étant tombée chez les Boches, des pieds de Boches ont été rejetés jusque sur nos deuxièmes lignes
Que c’est intéressant la guerre ! On peut être fier de la civilisation.
16 avril 1917 - Chère femme et chers parents et chers tous, Je suis bien blessé. Espérons que ça ne sera rien. Elève bien les enfants, chère Lucie, Léopold t'aidera si je ne m'en sortais pas. J'ai une cuisse boyée et suis seul dans un trou d'obus. Je pense qu'on viendra bientôt me sortir. Ma dernière pensée va vers vous.
[Mais Jean Louis Cros mourut sans doute d'une hémorragie. Ses camarades venus le secourir trouvèrent cette carte dans ses mains et l'envoyèrent à sa famille avec ses papiers militaires.
714 - [Librio n°245, p. 163]
Alors que la spirale du sang et de la violence aurait pu pousser ces hommes à devenir des bêtes assoiffées de vengeance, la plupart comprenaient à quel point leurs ennemis étaient des gens comme eux, victime d'un processus qui les broyait.
Chaque putain de guerre représente les mille douleurs de celui qui la porte, mille morts de ceux que le combat a fauchés, et les mille jouissances des ventres et des bas-ventres de l'arrière. Voilà ce qu'elle crie cette putain de guerre : celui qui me porte est un naïf qui croit que les mots cachent des idées, que les idées feront du bonheur, et qui n'a pas vu quelles bacchanales son dévouement permettait derrière le mur formidable des discours, des proclamations, des compliments et de la censure.