Paroles d'enfance : Les Français racontent leurs souvenirs d'enfance

L'enfance est un excédent de bagages que nous emportons partout avec nous, de gare en gare, de ville en ville, aussi loin que nous puissions aller, elle est toujours là. De lourds bagages pour un long voyage, une vie qui s'embarrasse de tout petits riens, de souvenirs inutiles mais auxquels nous tenons sans vraiment savoir pourquoi.

L'enfance est tout ce qui s'enfuit. Nous avions comme beaucoup d'autres fait la promesse de la retenir, de nous moquer du temps, et nous avons refusé de grandir, mais les années se moquent des promesses des enfants, la vie nous a fait un sale coup en nous laissant vieillir.
(Blanche)

Le temps de l'enfance, c'est le temps parfumé, le temps du goût des premières découvertes, des sensations nouvelles, des premiers émois, le temps des gourmandises, le temps des senteurs et des saveurs indélébiles, de celles qui deviendront des réminiscences et des petites madeleines. Odeurs de lessive, de repassage, de confitures ou de pain grillé ; odeurs de villes, odeurs d'étables, odeurs de caves ou de greniers. Magie olfactive des pique-niques et des goûters, des nappes ou des serviettes à carreaux et du pain qui croustille. Saveur chimique des roudoudous, des chewing-gums gagnants, des caramels à un un franc, de la réglisse, de la guimauve, de la grenadine et du Zan...

L'enfance est un secret, un coffre aux trésors dont nous gardons pour toujours la clé, un rêve à rêver pour toujours, une histoire qui recommence à chaque instant, l'enfance est tous ces enfants à venir, des millions d'enfants et autant de souvenirs. L'enfance est ce tout petit supplément d'âme, cette petite flamme que l'on garde en soi pour réchauffer son âme.

Le temps de l'enfance, c'est le temps comblé. Le temps de la plénitude, des belles histoires, des bons moments et des beaux souvenirs. Le temps de la mémoire et de la transmission. Le temps des rites, des points de repère, des racines et des jalons. Le temps de la famille, des tantes et des grands-parents. Un temps retrouvé, un temps regretté, un temps idéalisé par cette indispensable nostalgie qui nous permet d'embellir notre passé pour mieux le revivre. Le temps de la lecture de ces livres d'aventures qui nous interdisaient d'éteindre la lumière parce que nous voulions en connaître la fin avant de nous endormir.

Nous sommes dimanche matin et nous sommes descendus en ville.
C'est merveilleux ! C'est n'importe quel dimanche matin.
Il fait froid, chaud, gris, nuageux, pluvieux..... C’est toujours un ciel lumineux lorsque nous partons tous les deux !
Je me moque complètement de la raison qui nous mène en ville.
Nous achetons du pain, parfois un bouquet de fleur pour maman, faisons un tiercé....
Je ne vois que des rues que nous empruntons, main dans la main. C'est cela que tu ignores, Papa!
Cette petite main qui se glisse dans la tienne, large, ferme et douce : elle tient elle-même ainsi le monde à sa portée.
Elle, toute menue, trouve dans cette grotte protectrice, formée par ta paume, toute la force et la légèreté de l'univers. Tu me tiens la main. Tu sembles aérien, insouciant. C'est dimanche. Tu ne travailles pas.
Nous savons tous les deux que c'est un entrebâillement sur la désinvolture et le futile. Et pourtant, nous sentons bien que cette matinée est chaque fois notre rencontre, un grand moment, notre petit bonheur partagé.
Lorsqu’un danger survient, si tu savais comme j’aime cette pression qui serre mes doigts. Tant, que je crains le relâchement qui va forcément succéder à la voiture ou au chien hargneux qui s'éloigne. Je relance alors la fermeté par un serrement qui semble te dire "ne me relâche pas, Papa!" Ce sont ces premiers enchantements des dimanches matin qui m'ont conduite vers la délectation des petits ravissements qui font que l'on se sent heureux, comme ta main qui me guidait sur les trottoirs de la ville.
Toute une vie dans une main ! Tu imaginais cela, toi, Papa ?
Une main qui fait oublier pourquoi on est là, où l'on va, simplement parce qu'il suffit que l'on existe et que l'on avance, la serrant et se sentant serrée par elle !
Catherine.

L'enfance est tout ce qui s'enfuit. Nous avions comme beaucoup d'autres fait la promesse de la retenir, de nous moquer du temps, et nous avons refusé de grandir, mais les années se moquent des promesses des enfants, la vie nous a fait un sale coup en nous laissant vieillir...

Le temps de l'enfance, c'est parfois le temps de l'enfance volée par les autres, de l'innocence qui explose au détour d'un coup, au détour d'un cri, au détour d'un viol ou d'une salissure. Un temps d'orage qui fait parler la peur, la foudre et le tonnerre. Un temps déchiré, un temps profané par la vie comme par la mort. Un temps carcéral, un temps bâillonné, un temps de souffrance qui vous enferme dans les murs du silence, et qui pourrait un jour vous transformer à votre tour en voleur d'enfance à moins que ne puisse intervenir enfin le temps libérateur de la parole.

Le temps de l'enfance, c'est le temps imaginaire, celui que l'on se crée pour mieux s'y projeter : le temps de la fuite, de l'évasion, des rêves, de la découverte, de l'ivresse, des jeux, des jouets et des bêtises. Le temps du jeudi, du mercredi, le temps des jours de fête, le temps de l'été, le temps des vacances ou de l'école buissonnière. Celui de la création, de l'observation et du fantasme qui nous transforme en explorateurs, en aventuriers, en ethnologues, en romanciers ou en héros de légende. Le temps des ardoises magiques qui nous permet d'inventer ce qui n'est pas ou d'effacer ce qui nous pèse... Un temps où rien n'est encore irréversible...

Le temps de l'enfance, c'est le temps fissuré par les mensonges des adultes, le temps des fêlures, des coups de griffe, des morsures, des accrocs, des bleus à l'âme et des déceptions, le temps des pleurs des premiers deuils, des premières maladies, des premières séparations et des premiers chagrins. Le temps des secrets encombrants et des premières solitudes.
Un temps parfois redouté, un temps de l'attente, un temps triste, un temps qui étouffe, qui stagne et qui croupit. Un temps de l'impatience et de l'ennui, qui pourrait presque donner envie de vivre beaucoup plus vite et de vieillir avant terme.

Toute la tendresse du monde... Le temps de l'enfance, c'est le temps protégé, le temps des bras et du sein maternel, de la couvée, de l'amour, de la chaleur, de la confiance illimitée et de l'admiration pour ceux qui vous protègent, pour leur douceur et pour leur tendresse. Le temps de l'enfance, c'est le temps suspendu, le temps qui palpite, l'instant d'éternité, le temps de l'innocence, le temps adoré, le temps du bonheur absolu, le temps de la sérénité.
Qu'il s'agisse de l'aube ou du soir, de l'éveil ou du coucher, du jour ou de la nuit, c'est en général le temps du cocon : celui de l'hiver et du nid protecteur. Celui de l'insouciance des nuits d'été et de la douceur de vivre.