Ce qui m'enchante chez toi, c'est que ton oeuvre n'aura pas cessé de s'ouvrir au fil des années et de livre en livre — je veux dire que, parti d'une poésie dont le fond politique lui donnait un caractère discursif, voire argumentatif de par l'âpreté de sa rhétorique, tu auras peu à peu, de façon de plus en plus caractérisée, trouvé avec la mer et son rivage, une ouverture qu'on peut dire infinie — infini des multiples événements ne cessant d'advenir dans les multiples aspects de la terre et de l'eau, infini des aspects de l'amour, infini des multiples rapports entre les activités humaines et l'activité elle-même multiple de la terre, de l'eau, de la nuit, de la succession
des jours…
Et ce qui est très fort, c'est que tu n'as plus besoin de la rhétorique du poème long (nécessairement discursif) mais que tu fais ton bien de tout ce que peut tour à tour évoquer (voire susciter) chaque poème bref qui ne cesse, dans un même livre et de livre en livre, de se multiplier.
Le poème bref ouvre à chaque fois sur l'infini de la chose très précise qu'il dit — aussi bien le rapport minuscule (« deux algues soeurs / suffisent / à célébrer l'instant ») que l'ampleur des espaces lointains (« du plus inconnu de la mer / il survient / ce courant qui contrarie / les eaux hébétées du Vidourle »).
Franc Ducros, lettre à l'auteur, 18 septembre 2020
Commentaires de
Jean-Paul Gavard-Perret http://www.lelitteraire.com/?p=66766 Les poèmes de
Jacques Guigou sont une manière humaine de faire face au réel. Au fil du temps, l'auteur a créé un grand geste poétique pour nous détourner de tout ce qui serait funeste.
Il est fait pour chanter l'existence tout en faisant l'amour aux mots, parfois en une sorte de frénésie et toute une gamme de moments volubiles même dans les cloaques de l'existence qui retrouvent un éclat de splendeur.
Émerge une augmentation du possible "dépouillé des dimensions de la nuit". La poésie en devient musique. Elle participe à une prise de possession de ce qui alimente la vie et ce, par les magies des paysages et un souffle intérieur.
Celui-ci anime ce qui est afin qu'un vent vivifiant serpente à l'orée des nuits. Lesquelles gardent leurs croupes éclaboussées de luminosité.
Guigou refaçonne moins le visage du monde et de l'existence qu'il ne lui redonne en sens. Pas question pour autant de "prêcher". Chaque poème dans autour d'un secret central. Il dépasse le "moi" dans la part irréductible du langage qui seule donne la poésie.
Elle se développe ici sur une période de 40 ans sans jamais tomber dans le déjà lu ou la faiblesse des effets.
Existe le ressort d'un "ravissement" longuement médité pour une "héliotropie" de l'existence.