Mais mourir,
Ce peut être une grande fatigue
Un soir,
Et un aveu.
FAIT-DIVERS
Fallait-il donc faire tant de bruit
Autour d'une chaise ?
— Elle n'est pas du crime.
C'est du vieux bois
Qui se repose,
Qui oublie l'arbre —
Et sa rancune
Est sans pouvoir.
Elle ne veut plus rien,
Elle ne doit plus rien,
Elle a son propre tourbillon,
Elle se suffit.
p.19
Que peut un mur
Pour un blessé ?
Et pourtant
Il en vient toujours dans les batailles
S'y adosser,
Comme si la mort ainsi
Permettait de mourir
Avec plus de loisir
Et quelque liberté.
Un autre temps parfois vient se donner en nous
Le volume ou le poids
Et nous voici pareils
A la pomme acceptant
De s'enfoncer dans l'air, chargée du bleu des jours
Et de la peur qui fait les nuits,
Ou pareils à la mare
Dessous les nénuphars et les nuages
Quand l'eau se pèse au poids de son heureux silence.
On ne possède rien, jamais,
Qu'un peu de temps.
Ce n’était pas
Une aile d’oiseau.
C’était une feuille
Qui battait au vent.
Seulement
Il n’y avait pas de vent.
MONSTRES
Il y a des monstres qui sont très bons,
Qui s'assoient contre vous les yeux clos de tendresse
Et sur votre poignet
Posent leur patte velue.
Un soir -
Où tout sera pourpre dans l'univers,
Où les roches reprendront leurs trajectoires de folles,
Ils se réveilleront.
La maison d'en face
Et son mur de briques.
La maison de briques
Et son ventre froid.
La maison de briques
Où le rouge a froid.
Si un jour tu vois
Qu'une pierre te sourit,
Iras-tu le dire?
LES ROCS
I
Ils ne le sauront pas les rocs,
Qu’on parle d’eux.
Et toujours ils n’auront pour tenir
Que grandeur.
Et que l’oubli de la marée,
Des soleils rouges.
II
Ils n’ont pas le besoin du rire
Ou de l’ivresse.
Ils ne font pas brûler
Du souffre dans le noir.
Car jamais
Ils n’ont craint la mort.
De la peur
Ils ont fait un hôte.
Et leur folie
Est clairvoyante.
III
Et puis la joie
De savoir la menace
Et de durer.
Pendant que sur les bords,
De la pierre les quitte
Que la vague et le vent grattaient
Pendant leur sieste.
IV
Ils n’ont pas porter leur face
Comme un supplice.
Ils n’ont pas à porter leur face
Où tout se lit.
V
La danse est en eux,
La flamme est en eux,
Quand bon leur semble.
Ce n’est pas un spectacle devant eux,
C’est en eux.
C’est la danse de leur intime
Et lucide folie.
C’est la flamme en eux
Du noyau de braise.
...
Exécutoire
AMULETTES
Les oiseaux dans la gorge
Ont gardé leur constance
Au printemps de plus tard.
p.190