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Critique de Talec0904


« Ce soir vers les neuf dix heures si je reste pas à regarder la télé, quand j'irai me fourrer dans les étoiles, j'oublierai tout. Je m'endormirai pour ainsi dire tout de suite. Parce que moi j'ai ça de bon, je dors toujours comme un vrai cochon, mais c'est ça qui me sauve. Toute ma nuit, sans rêver » (‘coco perdu' : Louis Guilloux)



Témoin pendant la 1ère guerre mondiale de la transformation du Lycée de sa ville en hôpital militaire et des annonces aux familles de la mort d'un parent.
Témoin et acteur forcé de la querelle Gide/Aragon après le voyage du premier en URSS et
son livre qui dénonce le stalinisme.
Acteur, à Saint-Brieuc, dans le soutien auprès des chômeurs, des réfugiés espagnols, des paysans.
Acteur dans l'unification des mouvements de résistance communiste, catholique et socialiste des Côtes-du-Nord.
Témoins de scènes de la libération et de l'épuration avec un antisémitisme toujours ambiant
Il passe quelques semaines comme interprète d'officiers américains dans des enquêtes menées auprès de la population bretonne, sur des affaires mettant en cause des viols ou des crimes commis par des soldats américains.
En 1976, il fait paraître ‘OK. Joe' et l'histoire devient littérature.
Il aura fallu trente années à Louis Guilloux pour l'écrire.
Pour concilier l'enthousiasme de la libération et la prise de conscience de la ségrégation des noirs aux Etats-Unis d' Amérique, la guerre du Vietnam.
Trente ans pour trouver une approche et le ton qui lui convienne.
Si, en 2022, lors de sa réédition, ce livre a souvent été mentionné pour sa dénonciation du racisme dans l'armée des USA en 1944 (cf. le livre d'Alice Kaplan : L'interprète ; dans les traces d'une cour martiale américaine ; Bretagne, 1944…. /…cf. « OK, Joe ! Ou les Mémoires du soldat Guilloux » Documentaire réalisé par Philippe Baron en 2023), l'inégalité des traitements selon la race, en juxtaposant aux procès des noirs condamnés à mort, le procès d'un officier blanc, acquitté.
Il dépasse largement ce constat. Car cette armée américaine, très décontractée et généreuse avec les populations qu'elle rencontre, cette armée bien équipée, n'est évidemment que le reflet de ce qu'est la société américaine. Et Louis Guilloux de mettre tout ça en évidence, scène après scène, avec beaucoup de subtilité.
Proche du prêche religieux, une idéologie de « libération » remplace une idéologie d'asservissement.
Le soldat américain appartient à une nation qui détient, seule, la vérité et se doit par conséquent de la propager pour le bien de tous, proposant un modèle idéal, simplificateur : confort, nourriture abondante, paternalisme, certitudes.

Et l'on ressent que l'humanisme de Guilloux, bien plus que littéraire, pâlit devant un autre monde dont il redoute l'avènement où la déshumanisation, fille de la technique et de la science, va devenir la caractéristique dominante.
Cordialité superficielle, manifestée dans leur façon de se saluer les uns les autres, avec d'incessants « OK » enthousiastes et leur insoutenable confiance en eux, leur pragmatisme.

Et tout cela d'un ton simple, lucide, maitrisé, sobre, faussement naïf.

« Oui, c'est vrai qu'un homme qui s'endort ferme les yeux sur bien des choses »
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