L'absurde et le mystère. Ce que j'ai dit à François Mitterrand

Nous vivons dans l'ère appelée atomique, où nous pouvons nous demander si la technique de désintégration que nous appliquons comme des enfants terribles ne voila pas une autre technique, qui consisterait en une intégration des éléments constituant le cosmos pour obtenir un nouvel état de la matière, laquelle deviendrait une énergie analogue à la lumière.

La perception la plus fine capte les nébuleuses. Elle contracte l'espace, qui est un résumé de la profondeur du temps.

Il n'est pas de domaine où l'absurde et le mystère soient plus voisins, plus intimement liés que dans l'expérience de ce flux que nous croyons connaître, où notre vie s'écoule et se mesure, et que nous appelons tout simplement : le temps.

Absurde et mystère sont les deux pôles inverses entre lesquels oscille la pensée. Et lorsque je m'examine moi-même dans les profondeurs, j'écoute cette double voix. Mais l'oscillation étant rejetée, l'absurdité de l'absurde me conduit vers le mystère.

J'aime voir les regards et les regards sur les regards.

L'absurde et le mystère sont les deux solutions possibles de l'énigme qui nous est proposée par l'expérience de la vie.

Catholique pratiquant, Charles de Gaulle ne semblait pas avoir d'inquiétude spirituelle du même type. Si François Mitterrand est apparu comme un personnage méphistophélique, prêt à vendre son âme au diable pour accéder à la puissance, le vieux général revêtait lui des allures de prophète pour lancer son appel du 18 juin! "La flamme de la résistance ne s'éteindra jamais..." C'était une belle profession de foi et d'espérance.

Cet homme qui n'hésitait pas à se réclamer du marxisme lorsque cela l'arrangeait se montrait très concerné par l'invisible et le surnaturel.

Je prenais conscience là, dans cette petite chapelle de campagne, du mystère Mitterrand. Cet homme prêt à tout pour accéder au pouvoir et le garder, ce Machiavel de droite s'alliant au Parti communiste pour devenir président, ce personnage aux traits lucifériens, était obsédé par l'idée de la mort.

"Guitton, me dit François Mitterrand en descendant de l'hélicoptère, vous qui êtes philosophe et qui avez la foi, vous avez dix minutes pour me dire le sens de la vie... Apparemment, tout est absurde, sinon tout est mystère...
-- Mais, monsieur le Président, il y faudrait plusieurs heures d'horloge!
-- Cela ne fait rien, limitez-vous à l'essentiel. Je voudrais surtout vous interroger sur la mort. Non pas la mort elle-même que tout le monde connaît, mais sur ce qu'il y a après la mort."