Le savoir conscient du Caravage n'est pas important: lorsqu'il peint, quelqu'un comme lui en sait plus que nous tous. Et puis la transmission des rites à travers le temps n'a pas besoin d'être tangible; elle s'effectue à travers une dimension à laquelle chaque artiste-prêtre se rend sensible par son art. Charles Baudelaire, dont l'esprit sensible au démoniaque avait accès à ces échanges obscurs, a écrit, devançant la tripartition anthropologique indo-européenne établie par Georges Dumézil - et la subvertissant d'avance -, qu'il n'existe que trois êtres respectables: >
Le Caravage condense dans sa personne ces trois «
mais la vie d'artiste n'a jamais produit un artiste : seules comptent les heures passées face à toile, face à la page blanche;
La peinture du Caravage mène à ce point où il n’est plus possible de se mentir.
Le Caravage apparaît comme celui dont la vie se rapproche le plus des extrémités de jouissance et de supplice qui bordent la mystique.
Dans la peinture du Caravage, le sacré gît dans une goutte.
Le Caravage est peut-être le premier peintre à prendre au sérieux le néant.
[…] de le vérité qui s’allume dès qu’un homme comme lui avance son pinceau vers une toile.
Que cherche-t-on à voir? À quelle nudité désire-t-on accéder?
Je plongeai ainsi dans la peinture comme on pénètre dans une orgie: avec l’innocence de celui qui veut tout, Éros et la grâce, la jouissance et le sacré.
Les figures qui animent les tableaux possèdent une subtilité qui a disparu du langage de tous les jours : l’objet de ce livre consiste à renouer avec cette voix subtile ; à retrouver une parole qui s’accorde aux énigmes enflammées qui peuplent la peinture.