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EAN : 9782070177875
352 pages
Gallimard (07/09/2017)
3.13/5   333 notes
Résumé :
Un homme a écrit un énorme scénario sur la vie de Herman Melville : The Great Melville, dont aucun producteur ne veut. Un jour, on lui procure le numéro de téléphone du grand cinéaste américain Michael Cimino, le réalisateur mythique de Voyage au bout de l'enfer et de La Porte du paradis. Une rencontre a lieu à New York : Cimino lit le manuscrit.
S’ensuivent une série d’aventures rocambolesques entre le musée de la Chasse à Paris, l’île d’Ellis Island au larg... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (86) Voir plus Ajouter une critique
3,13

sur 333 notes
Je n'ai vraiment pas de bol ! le tout premier livre que je reçois dans le cadre de l'opération masse critique de Babelio, a accueilli, jusqu'à présent, 9 critiques défavorables sur notre site préféré, certains jugent l'ouvrage même carrément mauvais. Un cadeau empoisonné donc, ou est-ce que Babelio et les Éditions Gallimard s'attendent à ce que je me propulse comme le sauveur de l'opus ?

Comme gentleman, je remercie Babelio et Gallimard, en tout cas, pour l'envoi et partant du principe du bénéfice du doute et de celui de faire contre mauvaise fortune bon coeur, je vais essayer de faire de mon mieux. Ce qui ne sera pas simple, d'autant plus que l'auteur m'a légèrement déplu avec son ouvrage "Jan Karski", qui, comparé à l'oeuvre de Karski lui-même "Mon témoignage devant le monde - Souvenirs 1939-1943" me paraît assez fantaisiste. Qui sait, une forte dose de scepticisme au départ me mettra peut-être sur la bonne voie pour rendre un tantinet justice à Yannnick Haenel ?

Mais ma bonne volonté du départ est déjà, sur la 2ème page du texte, confrontée à rude épreuve avec la formule "l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville" J'avoue que même avec l'aide du petit Larousse je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Ou plutôt théoriquement quelque part si, mais pas assez pour pouvoir en expliquer toute la portée à mon épouse par exemple. Mais passons, petit incident de parcours.

Heureusement que l'on passe assez vite sur le régisseur Michael Cimino, dont j'ai beaucoup aimé - comme l'auteur d'ailleurs - son "Voyage au bout de l'enfer" avec Robert de Niro. le projet de l'auteur consiste en fait à réaliser un film "The Great Melville". Pour cela, il a écrit un scénario de 700 pages sur la vie et l'oeuvre d'Herman Melville (1819-1891), le père spirituel de la baleine blanche, Moby Dick, et espère que Cimino en fera une oeuvre maîtresse. Que le cinéaste américain accepte de rencontrer l'auteur, lui qui mène une vie de reclus après le fiasco financier de son "La Porte du paradis", donne un nouvel élan à la narration.

Pour les fans du 7e art, l'opus est une source quasi encyclopédique de régisseurs, tels Cimino, Francis Ford Coppola, Jean-Luc Godard, etc., d'acteurs comme de Niro, Marlon Brando... et de l'actrice Isabelle Huppert, qu'il rencontre d'ailleurs en personne au resto Bofinger, près de la Bastille. Détail amusant, le maître d'hôtel de la fameuse brasserie alsacienne ressemble à un certain Emmanuel Macron (page 119) ! Mais des excursions ne manquent pas nom plus dans le domaine littéraire avec des noms comme Ovide et William Shakespeare, de qui on a droit à des vers en version bilingue (bref extrait de "La Tempête", p. 121). Et pour compléter le tableau honoraire : l'écrivain et poète américain juif, Charles Reznikoff (1894-1976), célèbre pour son "Holocauste" de 1975.

Le protagoniste principal de l'oeuvre, qui fête à un moment donné ses 50 ans, est un écrivain qui mène une vie un brin spécial autour de "3 grands pôles...ordinateur, frigo, vodka" (p. 100). À part des problèmes avec sa concierge acariâtre, il lui arrive de tomber amoureux d'une Anouk et d'une Léna Schneider. Même les amateurs d'animaux y trouveront un certain confort avec la présence digne de Sabbat, le dalmatien de son voisin de palier, un joueur professionnel de poker, du nom charmant de Tot (mort en allemand).

Dans l'ouvrage de Yannick Haenel il y en a donc pour tous les goûts et l'auteur s'y montre un magicien des mots. Dommage qu'il fait parfois de l'excès de zèle. Emporté par son enthousiasme, il a tendance à voler, là où pour le lecteur c'eût été peut-être souhaitable qu'il s' etait borné à marcher.
 la question spécifique de recommander la lecture de "Tiens ferme ta couronne", je préfère me retrancher derrière la phrase standard de feu Harold Wilson, Premier ministre britannique, : "No comment !"
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C'est toujours frustrant de donner un avis négatif sur un livre dont on vous donne la possibilité de le découvrir avant sa sortie grâce à Babelio et aux Editions Gallimard que je remercie. Mais ici, peu de plaisir à lire cette histoire que Yannick Haenel (dont j'avais aimé le controversé "Jan Karsky") a imaginé. L'histoire d'un homme qui pense avoir écrit le scénario le plus génial qui soit, le proposé au tout aussi génial et maudit réalisateur Michael Cimino, tout en montrant un addiction au film de Coppola "Apocalypse Now" ce que l'on peut comprendre et que vous saurez tout à la fin de ce roman. Il y a aussi l'arrivée d'un chien dans la vie du narrateur puis aussi bien sur l'amour avec un grand A. Des lignes et des lignes que Haenel a du peser et soupeser pour rendre tout cela intéressant, mais rien n'y a fait, encéphalogramme émotionnel constamment plat. Bien sur, on sent derrière tout cela la patte d'un écrivain, que Haenel propose un texte décalé et original, mais pour quoi au final ? Pas grand-chose, en tout cas, rien d'inoubliable pour moi.
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Un écrivain ressemblant beaucoup à Yannick Haenel raconte quelques mois de sa vie. Le roman est construit en trois parties qui se suivent chronologiquement même si de nombreux flashbacks en cassent le déroulement linéaire. Dans la première (‘Des films') le narrateur, auteur d'un scénario sur la vie de Melville, rencontre à New York le cinéaste Michael Cimino grâce à l'aide d'un producteur. De retour à Paris, l'écrivain s'enfonce dans la solitude et la déchéance et consacre son temps à visionner des films et en particulier Apocalypse Now, qu'il repasse en boucle. Dans la seconde partie, (‘Des histoires'), quelques mois plus tard, l'écrivain passe une soirée au restaurant en compagnie du producteur, d'Isabelle Huppert et de Léna, conservatrice du Musée de la Chasse, dont il tombe immédiatement amoureux. Cette longue soirée alcoolisée fait naître des récits racontés par les protagonistes et marque un tournant dans la vie de l'écrivain. La troisième partie (‘Des noms') débute le lendemain de cette soirée d'ivresse. L'écrivain a certes une méchante gueule de bois mais il retrouve sa place dans le monde et le désir de vivre. Après quelques péripéties, il part en Italie où il attend d'être rejoint par Léna et écrit le roman que le lecteur tient entre ses mains. Il a ressuscité en retrouvant grâce à l'amour sa force vitale et son pouvoir créateur.


Ce roman se lit facilement et on suit les pérégrinations et les rencontres de l'écrivain avec un certain intérêt. Néanmoins le livre repose avant tout sur les idées. Dans un entretien avec Michel Crépu publié en 2010, Yannick Haenel s'est longuement exprimé sur ses ambitions littéraires et les fondements de son écriture. Ce roman s'inscrit dans la parfaite continuité de ce programme. Obnubilé par la littérature et pas son destin d'écrivain, Haenel a choisi pour titre de son livre une citation de Proust. Il symbolise l'idée que la littérature est un royaume, que l'écrivain en est le roi, un élu, que l'écrivain ne doit pas se laisser écarter de sa vocation, de son désir comme le fait le narrateur dans la première partie. L'oeuvre d'un écrivain est l'extrémité d'une branche qui continue de pousser et elle est la continuation de l'arbre constitué de tous ces ‘noms' qui l'ont précédé. L'écrivain est celui qui fait coïncider l'expérience de la parole et l'expérience de l'être. Le narrateur va sortir de son enfermement de la première partie pour rentrer à nouveau dans le réel et cette expérience sera la source d'un livre. Le roman de Haenel pose ainsi la question suivante : comment concilier le besoin de solitude, la nécessité du silence avec l'expérience du monde, l'épaisseur du réel, la rencontre avec l'Autre ?


Haenel développe aussi l'idée qu'il subsiste toujours une possibilité de lumière après l'obscurité du chaos et de la destruction, une possibilité d'espérance après la tragédie. L'idée quasi mystique que la vie peut vaincre la mort. L'idée non moins mystique de la rédemption. La tonalité mystique du livre culmine lors d'une scène de cérémonie mortuaire se déroulant devant le retable d'Issenheim. Le roman est à ce titre fortement métaphorique. Exemple assez drôle : le voisin est un chasseur, il s'appelle Tot (la mort en allemand) et le narrateur craint qu'il ne s'empare de sa carabine Haenel pour le tuer… Ou lorsque le producteur raconte comment, victime d'un accident, il s'est retrouvé coincé dans sa voiture par les bois d'un cerf.


Le programme est ambitieux mais Haenel ne surmonte pas toujours la difficulté de transformer cette ambition en oeuvre littéraire. Car le récit m'est trop souvent apparu comme un pré-texte ne servant qu'à justifier ses théories. Le roman souffre par moment de grandiloquence (particulièrement dans les passages évoquant les attentats parisiens de novembre 2015), de lourdeur et de pédanterie. Haenel en fait trop et son cabotinage didactique est parfois lassant. Certes on peut voir le bon côté des choses et apprécier le système d'échos et résonnances multiples que développe Haenel tout au long du livre (le cerf et la symbolique qui s'y rattache, la chasse, la figure du reclus, génie incompris ou génie du Mal…) mais il gagnerait à laisser plus souvent l'imagination du lecteur faire son propre chemin plutôt que mettre systématiquement les points sur les i, surtout lorsque ces points restent abscons. Une digression sur Apocalypse Now par exemple se transforme en réflexion assez fumeuse sur le mal, la vie et la mort, réflexion toute aussi fumeuse que l'on retrouve sur le trottoir devant le restaurant où le narrateur en attente d'une table convoque les vers de Shakespeare.


J'ai retrouvé chez Haenel ce travers propre à certains écrivains actuels de multiplier à longueur de pages les références littéraires ou culturelles. L'obsession de se retrouver dans la cour des Grands pousse Haenel à citer Melville bien sûr, sa référence absolue, mais aussi Kafka, Dostoievski, Malraux, Flaubert, Rimbaud, Fitzgerald, Lowry, Kerouac, Homere, Ovide, Wittgenstein et je dois en oublier. Sans oublier les peintres bien sûr, Rembrandt et son cavalier polonais (déjà invité dans Jan Karski) ou Turner. Cela frise parfois le ridicule comme lorsque pris d'hallucinations en voyant Paris transformée en lac de sang, le narrateur se met instantanément à penser à Rimbaud. Je crois que l'art d'aujourd'hui (y compris la littérature) n'a plus rien à voir avec l'art de la table rase prisé par les avant-gardes et qu'il fait volontiers référence aux grands artistes du passé mais multiplier les références et les exhiber à ses lecteurs n'est pas forcément un gage de qualité.


Au crédit de ce roman, je dois dire que j'ai trouvé certains passages drôles : la gestion par le maître d'hôtel Macron de l'arrivée du narrateur et de son chien au restaurant, ou la première rencontre avec Cimino que le narrateur ne reconnaît pas parce qu'il le prend pour une femme (allusion aux rumeurs sur la transsexualité de Cimino).


Et il y a, malgré l'emphase un peu lourde, quelques beaux passages poétiques notamment lorsque Haenel évoque les êtres dont l'intérieur de la tête est mystiquement alvéolé (citation de Moby Dick évidemment !) : les être habités par un feu sacré, capables de décrypter les signes pour accéder à la vérité, capables de distinguer les deux faces du monde, la face visible, matérielle, profane et la face invisible, étrange, pleine de mystère.
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La page blanche, ça n'arrive pas qu'aux écrivains, ça arrive aussi à ces ratés qui parlent des livres qu'ils ont lus, sans jamais en avoir écrit un. C'est la grosse honte. Ça peut aussi être le signe d'une sympathie profonde avec l'auteur. Ça peut vouloir dire : mec, je comprends parfaitement ce que tu as ressenti lorsque tu as voulu écrire ton histoire. Imaginez : l'écrivain-narrateur de ce roman écrit un bouquin parce qu'il n'a pas réussi à faire publier son scénario. Ecrire parce que l'écriture a été un échec. Faut le faire. C'est peut-être ça le drame de l'être humain, qu'il ne désespère jamais. Et moi donc, j'essaie de trouver quelque chose à dire sur ce livre qui ne dit rien. On y trouvera bien un peu de baise, comme dans tous les livres du moment. Un peu de branlette intellectuelle, pour montrer que l'âme et le corps peuvent se rencontrer, révolution des sphères ! Des personnages célèbres, parce que le mec, même s'il est un looser, sait s'y prendre avec la jet-set. Des bons mots, des phrases agréables à lire, une littérature bien menée, même pas de quoi cracher dessus. C'est ça qui est pénible avec les romans contemporains : on n'a pas encore eu le temps de les oublier.
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Ce livre m'a fait vivre une expérience étonnante : je vous la raconte en deux mots.
D'abord, j'ai pesté : je ne comprenais rien ou pas grand-chose. le propos, métaphorique, allégorique, philosophique, symbolique me laissait plus ou moins à la porte. J'avais beau vouloir entrer, rien à faire. Il me semblait parfois m'approcher du but : tiens, c'est peut-être une quête de la Vérité dont il est question. Oui mais quelle Vérité ? N'y a-t-il qu'une Vérité ? Non, c'est plutôt l'histoire d'un looser halluciné, paumé et frappadingue (c'est lui qui le dit), vivant en marge d'une société plutôt violente, un homme qui chercherait à atteindre une espèce de royaume (perdu?) où régnerait encore l'innocence. Oui, c'est plutôt ça, une espèce de parcours spirituel vers une forme de pureté qui n'existe plus dans notre monde sinon sous forme de traces, notamment dans l'Art et peut-être aussi dans la beauté de la nature. Encore faut-il être capable de la voir, cette beauté, qui peut n'apparaître que de façon fort éphémère. « Lorsque l'on agit contre son propre intérêt (lorsqu'on se sabote), [comme le fait le narrateur] c'est toujours par fidélité à une chose plus obscure dont on sait secrètement qu'elle a raison. »
Contente de mes interprétations, je retombai cependant quelques pages après dans des sphères plus ou moins nébuleuses dans lesquelles je poursuivis ma lamentable errance.
Bon, très bien, me suis-je dit, si tu me résistes, sacré bouquin (oui, oui, il a quelque chose à voir avec le sacré ce bouquin!), je vais t'avaler d'UN COUP comme un verre d'alcool un peu fort (d'ailleurs notre narrateur picole pas mal dans le livre, de la vodka notamment).
Et je l'ai lu d'une traite cherchant ainsi à dompter l'animal sauvage (il est aussi question d'animaux sauvages dans le livre!)
Et là, MIRACLE, tandis que je voulais au plus vite en sortir, j'y suis rentrée. En effet, alors que j'avais cessé depuis longtemps de chercher un sens à tout, tout me parlait. J'étais sous l'emprise.
Je pense donc que c'est un roman dans lequel il faut se plonger en se laissant porter par l'écriture sans s'interroger sur la moindre formule. Certains passages sont éblouissants d'ailleurs. Il ne faut pas lire ce roman par à-coups, une page par-ci, deux pages par-là. le charme n'opère pas.
Bon, venons-en au sujet : le narrateur, 50 ans, vit seul dans un petit studio parisien dont il sort très peu. « ...ma vie, que je croyais une aventure, tournait autour de mon ordinateur, devant lequel j'étais posté dix heures par jour, autour de mon frigo, qui était inlassablement vide, et de quelques bars de Gambetta… où j'allais m'enivrer en racontant n'importe quoi à n'importe qui. » Il est « un type qui n'a aucune ambition - ou qui la place dans un lieu que la société ne répertorie pas », il occupe ses journées à lire ou à regarder des films de façon obsessionnelle, notamment Apocalypse now de Coppola qui tourne chez lui en boucle.
Il a écrit un scénario de sept cents pages sur la vie d'Herman Melville : The Great Melville qu'aucun producteur n'a retenu. En effet, l'auteur de Moby Dick le fascine, et notamment, « l'immensité qui peuple la tête d'un écrivain comme lui. »
Lorsqu'on le lui demande, le narrateur précise que son travail porte sur « l'intérieur mystiquement alvéolé de la tête de Melville », ce qui évidemment fait fuir tout le monde ! Il faut dire que ce garçon se pose beaucoup de questions comme s'il portait en lui une forme de grandeur, d'absolu qu'il rechercherait, une espèce de vérité (attention, c'est là que ça se corse et que l'on décolle) que l'on atteindrait par exemple par l'art, à condition de vouloir consacrer à cette quête spirituelle une grande partie de sa vie, ce qui suppose que l'on n'entre pas tout à fait dans le moule proposé par la société : travail, réussite sociale, famille, enfants… car il faut rester « disponible » et « pur » d'une certaine façon, être capable de percevoir les signes de la vérité, d'où la nécessité d'avoir l'esprit (et la vie qui va avec) libre !
Encore faut-il savoir ce que l'on veut faire de sa vie ! Tiens, finalement, c'est peut-être ça la question essentielle de l'oeuvre… Sait-on ce que l'on veut faire de sa vie ? Est-on capable « de vivre dans la vérité ? »
Or, d'après une phrase de Melville, « en ce  monde de mensonges, la vérité est forcée de fuir dans les bois comme un daim blanc effarouché » et donc, il faut la traquer, en rechercher les traces, partir à sa poursuite. Il va donc tenter d'entrer en contact avec Michael Cimino, réalisateur du Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter = le chasseur de daim), un homme qui cherche le scénario « qui saura attirer Dieu dans ses pages ». le narrateur est persuadé que ce réalisateur le comprendra puisque dans ce film ci-dessus cité, un chasseur joué par Robert de Niro poursuit un daim qu'il ne tue pas finalement. Or, ce daim serait « le survivant d'un monde régi par le crime, il témoigne d'une vérité cachée dans les bois » et il tiendrait tête à la criminalité qui a envahi le monde. le moment suspendu où le chasseur ne tire pas symbolise une espèce de moment de grâce, de vérité : soudain et seulement à cet instant précis, le mal n'existe plus, le crime s'interrompt sur terre et une forme de pureté semble retrouvée. Seulement, ce moment de vérité, encore faut-il être capable de le voir, de l'entendre.
« La vérité n'est pas un concept immuable, elle apparaît et disparaît, c'est une épiphanie, elle n'existe qu'avec l'éclair qui la rend possible. »
Michael Cimino incarnerait donc celui qui a eu le courage de dénoncer « le secret de la fondation de l'Amérique, son destin criminel : les génocides des Indiens, la démence de l'impérialisme militaire au Vietnam, et tous les crimes sur lesquels était fondée en secret la démocratie. » Cimino est celui qui dit la vérité, il est le daim blanc et son oeuvre en garde la trace.
Et c'est vers cette vérité que notre narrateur va avancer dans une quête complètement folle, pleine de mésaventures archi-loufoques : il croisera Isabelle Huppert, rencontrera Cimino à New York, devra s'occuper de Sabbat, le dalmatien de son voisin, discutera avec une concierge peu aimable et visitera en bonne compagnie le Musée de la Chasse. « La vérité ne fuit pas les rois qui l'aiment et qui la cherchent. Au contraire, elle fait signe partout, il suffit d'ouvrir les yeux, de lire les livres, d'écouter ce que le temps vous dit. », alors, s'il est un roi et s'il tient ferme sa couronne, peut-être la trouvera -t-il…
Finalement, je crois que c'est une oeuvre qui me restera si j'en crois le besoin que je ressens déjà de relire régulièrement certains passages… Ça valait donc le coup d'insister et de tenir ferme… son livre !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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critiques presse (4)
LaCroix
02 novembre 2017
Un roman en forme de chasse à la vérité des êtres et de l’art, parmi les ruines de notre société de consommation à bout de souffle : extravagant et primordial…
Lire la critique sur le site : LaCroix
LaLibreBelgique
31 octobre 2017
"Tiens ferme la couronne" est un roman ébouriffant et éblouissant sur la quête d’absolu. Il nous emmène du côté de Melville, des films de Michael Cimino, on y croise Huppert et un sosie de Macron.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeMonde
27 octobre 2017
Avec l’intense « Tiens ferme ta couronne », le romancier lance son double littéraire à la poursuite de Michael Cimino, le cinéaste américain maudit.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
22 septembre 2017
“Tiens ferme ta couronne” annonce d'emblée la couleur : “A cette époque, j'étais fou.” En effet.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (92) Voir plus Ajouter une citation
J’ai dit qu’à l’époque j’étais fou -disons que j’étais possédé : les noms, les livres, les phrases, les films n’arrêtaient pas de vivre à l’intérieur de ma tête, ils se donnaient des rendez-vous pour former entre eux des extases, sans même que je puisse les séparer. J’étais littéralement habité par ce flux de noms, de phrases, de titres de livres et de films dont la circulation s’était progressivement substituée à mon souffle et à mes nerfs. […]
Chaque nom en allumait un autre, ça ne finissait jamais : je passais mes journées à me réciter des listes, des bouts de phrases, des citations, et tout se mettait en rapport et s’ouvrait démesurément, comme une terre sans limites, avec des flammes de bonheur qui s’arrachent au monde éteint.
On peut considérer, bien sûr, que j’étais malade, mais cette vie des noms dont j’étais chargé me rendait étrangement plus léger, comme si, à chaque instant, le daim blanc de Melville m’apparaissait. Voilà : je vivais au milieu d’un cortège de daims blancs, et en un sens, c’était cela ma folie, mais c’était aussi ma gloire, parce que dans ce cortège qui défilait dans ma tête, j’étais accueilli : évoluer parmi les noms me donnait des ailes.
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J’aime que mes journées soient complètement vides. Même si je ne fais rien, il faut qu’elles restent à disposition ; il faut que le matin, l’après-midi, le soir restent ouverts. Lorsque j’ai un rendez-vous, le désir d’annuler devient d’heure en heure irrésistible ; car alors la journée entière tend vers ce point qui la comprime, les angles se resserrent ; il n’est plus possible de penser à autre chose, on n’a plus de solitude, on étouffe.
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La scène se passe au musée de la chasse

A la billetterie du musée de la Chasse, je demandai Léna. Une jeune femme au visage brûlé me répondit qu’elle était en réunion toute la journée ; on ne pouvait pas la déranger, mais elle avait laissé une enveloppe pour moi.

J’ouvris aussitôt l’enveloppe : il y avait mon portefeuille et mon téléphone. Et ce mot : « Rendez-vous ce soir au Fumoir, 20heures ? Je t’embrasse. Léna. »

J’étais fou de joie, je levai les bras au ciel. La jeune fille eut l’air amusé.

[…]

Léna apparaissait dans l’embrasure d’une porte, puis aussitôt disparaissait. En entrant dans une pièce rouge sombre où un sanglier me contemplait, ses défenses violemment tournées vers moi, je trouvai son blouson en hermine abandonné sur le sol ; puis, entre deux portes, sa jupe ; plus loin encore, son chemisier.

Allait-elle m’attirer vers la source ultime, vers ce lac ajusté au cœur du bois où, dénudant ses seins, découvrant ses cuisses, révélant sa toison, la déesse, avec ses doigts qui ont glissé dans sa vulve, asperge le voyeur dissimulé derrière le tronc d’un chêne, et par ce geste le met à mort ?

Tant pis si je me faisais zigouiller : je bandais merveilleusement, comme dans un rêve, il fallait que je rattrape Léna.

Je n’en finissais pas de traverser des chambres, de me perdre dans les couloirs de ce musée où les animaux ne faisaient que revenir : l’ours blanc, les têtes de cerfs, le sanglier, à chacun de mes passages, ouvraient leurs mâchoires. En avançant dans ces ténèbres, pris d’angoisse, ivre, titubant, je pensais à une phrase qui figure dans mon cahier spécial, une phrase que j’avais sur moi, roulée à l’intérieur de mon manteau, et qui venait de Bernard Lamarche-Vadel, un ami écrivain qui s’était suicidé il y a une dizaine d’années, dont le nom m’accompagnait depuis le début de cette aventure et en qui, parce qu’il était lucide, parce qu’il avait deviné un bûcher au cœur de l’espèce humaine, je voyais un grand prêtre, peut-être même un sorcier : « Le monde est plein de mâchoires », disait cette phrase.

Je me suis mis à la répéter, sans doute pour conjurer le malaise où cette nuit et ses ombres me jetaient : « Le monde est plein de mâchoires », disais-je, et je commençai à rire — « Le monde est plein de mâchoires », n’est-ce pas une vérité incontestable ?

Les phrases qu’on répète sont comme des prières lancées contre un mur : on croit qu’elles s’y écrasent, mais il arrive qu’elles transpercent le mur ; il arrive que le visible atteigne l’invisible — et qu’ils coïncident.

Et voici que j’entendais la voix de Léna maintenant : est-ce qu’elle m’indiquait le chemin ? J’avais l’impression qu’elle chantonnait, ça s’envolait, je n’entendais pas bien, mais ça ressemblait à l’air de vDon Giovanni : « È aperto a tutti quanti, viva la libertà ! » (« C’est ouvert à tous, vive la liberté ! »).

Je débouchai enfin dans un salon où semblait flotter l’odeur de l’orage ; l’espace était large, tout en boiseries, un peu de lumière venait d’une fenêtre ouverte devant laquelle se balançait un rideau.

Un grand cerf au pelage roux me fixait en silence ; ses bois se dressaient au-dessus de sa tête comme une immense couronne dont les rameaux s’enchevêtraient ; on avait l’impression qu’il portait ses racines sur la tête, et qu’entre ses perches, ses empaumures et ses andouillers, se déployait un arbre séphirotique semblable à celui dont les branches dessinées au feutre rouge brillent sur le mur de ma chambre, juste derrière ma tête.

La voix de Léna m’a invité à entrer ; dans la pénombre, j’ai distingué d’abord ses yeux, puis ses hanches, sa chevelure brune, la blancheur de ses courbes ; de petites lueurs bleues brillaient au-dessus de ses seins : elle était allongée, nue, sur un canapé en cuir.

Elle avait gardé ses talons vert pomme, je me suis agenouillé entre ses cuisses. Elle riait. Je lui ai glissé mes doigts dans la bouche, dans la chatte, dans le cul : ainsi entendais-je son cœur battre partout, et tandis qu’elle suçotait mon index, une flamme roulait dans mes reins, bien vive, ardente et limpide.

En ouvrant la bouche entre ses cuisses, je retrouvais cette émotion oubliée qui baigne les étreintes : j’avais sur la langue un peu de cette rosée, de ce rose poudré qui se mêle à votre salive lorsque vous aimez.

Léna engloutit ma queue avec un sourire très doux. Nous ne parlions pas. J’avais commencé à lui dire descochonneries, mais elle a mis un doigt sur mes lèvres. Elle avait raison : faire l’amour interrompt le flot de paroles que la société nous inflige.

En quelques secondes, je me suis déchaîné : lorsque j’étais dans sa bouche, j’avais envie de sa vulve et de son cul ; il m’aurait fallu plusieurs queues pour assouvir l’immensité du désir que j’avais pour Léna.

Le cerf me regardait, si bien qu’un nouveau triangle s’était formé dans ma tête, composé du visage de Léna, de son sexe que je léchais avec joie et des ramures du grand cerf. Entre les trois circulait un souffle qui me transmettait une ardeur nouvelle ; et j’avais beau avoir éclusé des litres d’alcool, mon désir était vif, d’une violence que la présence des animaux avait attisée : si un nouveau dieu s’installait quelque part sur la Terre, et s’il envoyait les lettres de son nom se disséminer parmi les humains, ce serait entre les cuisses d’une femme et les bois d’un cerf qu’on les dénicherait ; et ces lettres, il me semble aujourd’hui qu’elles tournoient dans ma tête tandis que j’écris ces phrases : j’ai encore le goût du sexe de Léna dans ma bouche, mais aussi la vision des bois. Celui qui saura déchiffrer le chuchotement entre une femme et un cerf y entendra le nom du dieu.

Il y avait un petit cabinet tendu de soie noire où Léna me conduisit. Le plafond était couvert de têtes de hiboux ; leurs yeux bleus vous fixaient dans l’obscurité comme si la lune était devenue féroce. Qu’est-ce qui s’ouvre entre cette femme et moi ? Qu’est-ce qui vient se murmurer de lèvres à lèvres ? Quel est ce chant cru qui ruisselle avec tant de limpidité ? Léna m’a enfoncé son index dans le cul en me regardant droit dans les yeux, elle s’est mise à genoux pour me sucer, puis s’est cambrée, les bras appuyés contre le mur, en tendant bien sa croupe. Elle riait, ses ongles vernis brillaient dans la nuit, je me suis glissé entre ses fesses. À travers notre plaisir, les animaux affluaient, ils ont crié dans nos gorges.
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J'ai laissé tomber ce livre avec regret à la page fatidique, soit la page 99. Je le trouvais prometteur au début : un bon style, une belle accroche, des personnages originaux. Mais, voilà, le récit s'enlise, le narrateur s'embourbe dans des divagations pénibles. Et de la même manière que le "héros " recherche avidemment le message caché du film "Apocalypse now " pour nourrir le scénario qu'il écrit, le lecteur, moi en l'occurrence, recherche tout aussi avidemment le sens et l'aboutissement des délires et des phrases tortueuses et alambiquées de l'auteur. Ma patience s'est essoufflée, dommage.
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Certains soirs, le velours glisse entre les voix comme si les étoiles s'allumaient dans nos gorges.
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Vidéo de Yannick Haenel
Rencontre avec Yannick Haenel à l'occasion de la parution de Bleu Bacon aux éditions Stock.


Yannick Haenel est né en 1967. Il a publié une dizaine de romans, dont Cercle (2007), Jan Karski (2009) ou Tiens ferme ta couronne (2017). Il coanime la revue Ligne de risque qu'il a fondée en 1997. Il est chroniqueur à Charlie Hebdo et artiste associé au Théâtre national de Bretagne à Rennes.
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