Ainsi battent les coeurs amoureux

J’aimerais que tu me touches, que tu me fasses encore ressentir tant de choses parce que je ne suis qu’un pantin désarticulé, avec un cœur compartimenté, une âme mécanique et des éclats de moi échoués ci et là.
Peut-être que tu serais capable de me réparer.
Peut-être que tu le voudrais.

La couleur de tes cheveux, ce mélange de roux et de châtain, ta peau pâle, la façon dont tu te déplaçais, ton sourire à tomber par terre, ton odeur, ce que tu dégageais, ce qui m’attirait. Tes yeux. Ils m’ont… percuté. Oui, c’est le mot. Je les ai pris en pleine gueule, ces yeux-là. Un regard de glace qui ne m’a pas quitté pendant des semaines, pendant des mois, pendant des années. Qui ne me quitte toujours pas aujourd’hui. Chaque fois que je venais frapper, chaque fois que tu m’ouvrais en sachant ce que j’allais te demander, mon cœur avait un raté, parce que je savais que j’allais de nouveau les voir. Ces deux perles bleues, aussi profondes que les océans. C’est con d’être malade en un seul regard. Mais j’ai été malade de toi, la première fois que je t’ai vu.

Plus tu as mal, plus tu es en vie. Plus tu as mal, plus tu existes. Plus tu as mal, plus tu te rapproches du Seigneur, mon fils. N’oublie jamais ça. La souffrance est un don. Le plus pur…

Il avait fait remarquer que les meilleurs films de Clint Eastwood étaient sans doute Impitoyable et Sur la route de Maddison. Pour moi c’était Million Dollars Baby mais j’aurais eu du mal à comparer, puisque je n’avais jamais vu les deux autres. Il ne lui avait fallu que quelques minutes pour s’en rendre compte et une heure insupportable de questions pour comprendre pourquoi. C’était plus fort que lui, il avait besoin de savoir, de tout savoir. Jusqu’à ce que je finisse par lui demander de prendre la porte.

Satané cauchemar ! Rien que d’y penser, un frisson me remonta le long des bras et je les frottai vigoureusement. Voilà ce qui arrivait lorsque je me laissais aller à penser à la Communauté. Je faisais des conneries. Comme me réveiller dans un lit inconnu, sans savoir comme j’y avais atterri. Ce n’était malheureusement pas la première fois. Certaines nuits étaient… compliquées.
Une odeur de peinture fraîche vint me piquer les na

. La plupart des gens considéraient l’électro comme une musique de club, qui n’avait pas sa place ailleurs. Alors pourquoi s’ennuyer à trouver le détail qui ferait la différence… ? Les « bruitistes », c’était comme ça qu’on nous appelait. Les faiseurs de bruits… C’était bien plus flatteur qu’ils le supposaient. Parce que tout commençait comme ça. D’abord un craquement d’arbre, le murmure du vent, le roulement des vagues, le chant d’un oiseau… Tout était musique. Tout était un tempo qui se répétait, de façon presque tribale. Ce n’était pas les notes et le solfège qui donnaient une harmonie. C’était tous les sons que nous entendions au quotidien et la façon dont chacun de nous les interprétait.
Elle était là, toute la beauté.

Je venais de tomber amoureux pour la première fois et, d’un coup, je me fichais de tout. Ses silences ne m’ont pas inquiété. Ils me mettaient seulement en colère quand j’y pensai

Le soleil réchauffait ma peau, le chœur prenait de la puissance et je respirais profondément pour la première fois depuis des jours. C’était bien comme ça. Quand on attrapait des petits instants de bonheur au coin d’une rue. Plus de dossier, plus de Swann.
Plus de tristesse, plus de cette douleur dans laquelle je me perdais. Seulement des voix qui chantaient pour louer le Seigneur. Et des passants qui ne pouvaient s’empêcher de ralentir le pas pour les écouter.

Et prier, vraiment prier, avec tout ce qu’il pensait posséder, dans ce monde ou dans un autre. Mais il ne pouvait imaginer la vie là-bas… Il ne pouvait savoir ce qu’on devenait au milieu de toutes ces croyances… Avoir la Foi au point de déposer toutes nos armes aux pieds de Michel, lui permettre de nous dépasser et entrer au plus profond de nous. Il se glissait dans tous les secrets, au point que plus rien ne pouvait lui être caché. Et nous n’avions même plus la liberté de douter ou de lui résister.

Ma vie c’était ces montagnes argentines, les gens qui vivaient dans la Communauté, la seule famille que je pensais avoir. Ma normalité, c’était Michel qui me l’avait dictée. Nos existences à tous avaient été délimitées par chaque règle et chaque interdiction qu’il avait posées. Le mot liberté n’avait jamais existé. Il n’y avait qu’une ombre dans laquelle se réfugier, enchaîné !
Parce qu’il le demandait.
Parce qu’il était aimé.
Et que c’était ça, l’amour.