Avec
La maison aux orangers, nous plongeons alors dans le bain ensoleillé et parfumé de la ville de Jaffa, en 1948. On y découvre le personnage central de ce roman, Salim. Un enfant têtu et fier qui ne rêve que de reconnaissance paternelle et attend impatiemment de participer à la cueillette des oranges cultivées sur le domaine familial. Entre un frère ainé qui le rudoie et un frère cadet auquel toute l'attention maternelle est dévolue, Salim peine à trouver sa place. A travers le regard naïf de ce petit garçon, nous voyons se dessiner les injustices de notre propre enfance et adoptons à son égard une attitude bienveillante. le drame commence lorsque la guerre israélo-palestinienne éclate et dessine deux camps, irrémédiablement ennemis. Montaigu et Capulet ont déterré la hache et laissent le petit Salim perplexe : comment ne peut-il plus être ami avec le gentil Elia ? Pourquoi doit-il lui préférer Mazen, avec lequel il partage le même camp sur le papier mais pas sur leur terrain de jeu ?
A des milliers de kilomètres de là, en Angleterre, Judith porte sur ses épaules frêles le poids d'une histoire et de l'Histoire. Issue d'une famille juive qui a fui la Russie des Pogrom avant d'échapper à la Shoah, Judith se sent prisonnière d'une identité qui ne lui ressemble pas. le récit décrit les premières brimades, les exclusions, les mises à l'écart. On y voit une petite fille déchirée entre les attentes de sa famille et son envie d'émancipation. le club de piscine et la négociation pour esquiver le cours d'hébreux. le désir d'appartenir au cercle très fermé mené par l' « incroyable » « Maragaret Smailes alias Peggy S, le surnom qu'elle s'était choisi d'après la chanson de Buddy Holly ». A chacun ses enfantillages. Sauf que pour Salim et Judith, les chamailleries de cours de récréation prennent toujours un tour plus grave et plus radical. Enfermés dans leur identité, ils ne peuvent s'en affranchir pour réaliser leurs rêves et l'histoire de Salim et Judith se mêle à la grande Histoire.
1967, Londres. Salim a quitté Jaffa.
La maison aux orangers a été vendue à l'état israélien grâce à l'entremise du père de Mazen. Trahi, exilé à Nazareth, Salim choisit de rejoindre son frère ainé en Angleterre pour y poursuivre ses études. C'est alors qu'il fait la rencontre de Judith. Et Roméo de tomber amoureux de sa Juliette… Dès lors, le roman bascule. Les amoureux mènent un nouveau combat. Ils veulent être le signe que l'Amour peut tout, qu'il endure tout et qu'il répare tout. Cependant, en dépit de leurs efforts, les tourtereaux sont aux prises avec eux-mêmes, avec leur culture respective.
Le récit, dans son rythme, se brise. La narration, comme les personnages, peine à avancer. Salim, tour à tour, orageux et doux donne le sentiment d'un bambin geignard qui veut toujours être au centre de l'attention. Son interprétation de son évolution de carrière, de ses choix de vie est toujours rapportée à son identité d'arabe, ce qui, de son point de vue, l'exempte de toute responsabilité à l'égard de ses actes. Personnage aussi attachant qu'exaspérant pour moi, qui ne supporte pas que l'on s'affranchisse de ses obligations. Au fur et à mesure du roman, l'injustice initiale, l'abandon de la maison et de l'enfance prend toute la place et enferme Salim au pays universel des regrets.
Pour ma part, j'ai apprécié la première partie du récit. J'y ai appris beaucoup de choses sur le conflit israélo-palestinien et sur les causes de sa naissance. On ressort de cette première partie assez sonné et remis en question dans toutes ses convictions, tant l'auteure arrive à décrire les arguments des deux familles sans jamais prendre directement partie pour l'une d'entre elles. En revanche, la deuxième partie du roman peine pour moi à s'arracher d'une complainte quasi-perpétuelle du personnage principal. Il n'apprend jamais de ses erreurs et celui pour lequel on avait bienveillance et sympathie tend à nous agacer et nous énerver. Une lecture en demi-teinte pour moi mais une jolie escale littéraire tout de même.