Une lecture ensorcelante.
Un roman d'une force brute, minérale, sans excès mais sans pitié.
J'ai reculé le plus possible le moment de la fin, mais c'est arrivé trop vite.
Quand j'ai eu fini, je l'ai pris contre moi et je l'ai serré fort.
C'est très intime ce que je vous raconte finalement.
Mon intimité avec ce livre écrit superbement et magistralement.
L'histoire de deux soeurs, Nessa la grande et Tanya la plus jeune.
Une mère battue régulièrement par un salaud ordinaire, avec tout ce qu'ils disent habituellement, et je te fracasse la tête contre l'évier, et je m'en veux donc je suis gentil tout plein (on appelle ça la lune de miel...) jusqu'à ce que ça recommence encore et encore.
Jusqu'au bout du bout du bout.
J'ai senti les odeurs des nuques des hommes du roman ;
J'ai senti la peur viscérale des deux soeurs ;
J ai senti l'odeur de la peur de Tanya en découvrant le sexe de Dan avant l'abus ;
J'ai senti la haine de Tanya pour l'ignoble beau-père ;
J'ai senti l'amour fou que la mère portait à ses filles ;
J'ai senti le ventre rond de Tanya qui porte ENFIN la vie ;
J'ai senti la vieille chienne Sally dont le pelage à blanchi en une nuit, LA nuit ;
J'ai ressenti la rancune et l'éloignement de Tanya face à sa grande soeur, après le viol ;
J'ai ressenti de la haine pour une vie qui peut être vite dégueulasse ;
J'ai ressenti le ras-le-bol des soeurs face à cette mère faible et si amoureuse pour ne pas rester seule ;
J ai ressenti l'amour fraternel des deux soeurs la nuit d'avant l'enterrement, cet amour fusionnel entre elles deux; j'ai presque senti leurs odeurs qu'elles connaissent si bien ;
J'ai ressenti beaucoup d'amour pour ces gens qui essayent désespérément de s'aimer, même un peu, même mal, même trop comme dirait
Jacques Brel ;
J'ai ressenti l'injustice de ces vies brisées, que l'on rafistole à la va-vite, sans beaucoup de réflexion, comme des petits animaux gourmands et vivaces ;
J'ai ressenti l'AMOUR hallucinant dans cette famille dysfonctionnelle ;
J'ai ressenti la force, l'élan admirable des uns et des autres face à eux-mêmes ;
Le courage...
Et enfin, j'ai ressenti tellement de tristesse d'avoir terminé ce livre sublime, écrit avec une prose proche de la poésie, vous savez, ces livres que l'on n'oublie jamais, oh, il n'y en a pas beaucoup, mais ceux-la, il faut les garder bien au chaud en soi, cachés et tièdes comme les petits pieds des enfants qui naissent.
Alors oui, ce n'est pas très gai (quoique...), mais c'est d'abord et avant tout la vie, la vraie.
Et les scènes difficiles ne sont pas dans l'exagération ou l'insistance comme certains auteurs qui, malheureusement usent trop l'intrigue dans de la violence gratuite (Coucou
Chattam et
Franck Bouysse...) ;
La violence ne se transmettra pas, ne se transmettra plus, car Tanya a brisé la chaine, cette chaîne infernale qui se transmet de génération en génération, sauf si la vie prend le dessus.
Parfois ça marche, parfois non.
Pour moi, ça a marché.
Un énorme merci à Babélio, à Masse Critique et aux éditions Buchet et Chastel pour m'avoir permis de lire ce roman incroyable, cette pépite, ces 503 pages lues en deux jours.
Oui, vraiment, merci.
Un vrai cadeau.