Ils périssent. Ils périssent sans laisser de traces. Et rien d'autre ne restera que des ruines, des cendres et le souvenir confus de toute cette vie, de cet amour, de ces coutumes, de ces connaissances... Si au moins quelqu'un décrivait tout cela... S'il l'élevait vers le ciel, s'il témoignait de leur vie et de leur fin .inhumaine et tellement belle...
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les nazis, en bons organisateurs, ont réussi un massacre unique dans l'Histoire. Ils ont cependant perdu leurs deux paris: effacer la précence des Juifs de la surface de la terre, et les transformer en autre chose que des hommes.
J'avais obtenu des informations pertinentes, mais j'étais émotionnellement brisé. Je payais le prix. A la suite de cette interview, je ressentais, et ressens encore, un sentiment de culpabilité et de trahison. Ma seule consolation résidait dans l'espoir que mes travaux publiés donneraient un aperçu pénétrant, en particulier aux jeunes générations, des raisons et de la manière dont une telle horreur avait pu être possible, et des abîmes où la haine et l'étroitesse des préjugés pouvaient nous plonger.
Je ne saurais assez rappeler la bonté, le dévouement inlassable des habitants de la région; tous furent admirables; l'épicier Durand, la couturière Marthe, le garagiste Combe, le médecin Sens, la famille Canac surtout qui, à chaque voyage, nous offrait dans son auberge l'hospitalité la plus chaleureuse et rendait en toutes circonstances les services les plus signalés à la Résistance.