Citations sur Ce que je sais d'elle (18)
Autour de la trentaine, je pense, elle a arrêté de changer d'histoire. Elle n'en a gardé qu'une, une seule, avec l'exergue, la dédicace, la préface, tous les chapitres, les citations, les notes de bas de page, la bibliographie, les remerciements à la fin, une sorte de thèse comprenant le mariage, la belle-famille, les naissances et tout le tralala.
De mon côté, je suis resté fidèle à ma première manière, le recueil de nouvelles, les incursions rapides dans l'intensité d'un regard, la chaleur d'une odeur, la tiédeur du repli d'un bras, la douceur d'une épaule.
elle m'a même offert un dessin... Je l'ai toujours, je l'ai bien sûr : c'est un portrait de moi ; je n'ai jamais été aussi beau que dans ses yeux ce matin-là.
Non, la seule chose possible, c'est qu'il lui soit arrivé bonheur. On ne dit jamais ça, il lui est arrivé bonheur... C'est significatif, vous ne trouvez pas ?
Je m'en souviens très bien, elle s'est tournée vers moi, elle a souri, puis elle m'a dit que cela faisais longtemps qu'elle n'avait plus de rêves, que son voeu le plus cher serait d'en avoir un.
Il y avait tellement de détresse dans ce sourire.....
On ne part pas.
Toujours soi, face à soi, c’est soi, toujours, quelque soit la dose de divertissement que l’on y met, que l’on interpose entre soi et soi.
Je lui ai demandé si elle aussi, elle chérissait un rêve, quelque chose qu'elle ferait un jour si elle pouvait, quelque chose dont elle pourrait dire, si elle y arrivait, qu'elle avait réussi sa vie.
Je m'en souviens très bien, elle s'est tournée vers moi, elle a souri, puis elle m'a dit qu'elle n'avait plus de rêves, que son vœu le plus cher serait d'en avoir un.
(...) un jour je partirai, je suis comme la marée, je viens, je vais, je viens, je vais, mais contrairement à elle, un jour je partirai (...)
[ Incipit ]
Je l'aimais bien.
Pas le genre à se mêler de ce qui ne la regardait pas, pas le genre à se mettre avec les autres à potiner, si vous voyez ce que je veux dire. Dans ce collège, c'est le sport favori, médire des collègues, colporter des ragots... Mais elle, non, rien du tout. Peut-être à cause de ce qui s'est passé quand elle est arrivée. Un truc qui doit marquer, qu'on doit avoir du mal à oublier.
On ne vous a pas dit ? Il y a eu comme une cabale. Il faut dire qu'elle était si jeune. Normalement, on n'arrive pas dans ce collège si on n'a pas fait un peu ses armes avant, généralement en ZEP ; les ZEP, c'est là où on balance les jeunes capétiens, ce n'est pas ce qu'on fait de plus intelligent, d'ailleurs, mais enfin c'est comme ça, une sorte de bizutage, ensuite ils sont tellement contents d'avoir intégré un établissement où il y a un minimum de discipline qu'ils ne râlent pas trop sur leur emploi du temps.
Je sais que certains ont besoin de croire qu'elle est morte, je comprends ça, c'est plus facile, un drame, ça fait moins peur qu'un départ volontaire.
Il ne faut pas les croire. Ce sont eux qui sont morts. Elle est vivante, j'en suis certaine.
Embrasser ce sourire, le faire mien pour quelques instants, ça peut paraître un peu grandiloquent mais pourtant c’était ça : j’ai su que ce jour là, ma vie venait de commencer.