Citations sur Sang maudit (9)
"Tu es la fille de ma sœur lui jeta-t-elle, et tu portes la malédiction de cette âme noire et de ce sang corrompu dont elle, moi, et tous les Dain avons hérité ; tu es maudite par le sang de ta mère que tu as répandu sur tes mains alors que tu étais enfant ; et par cet esprit pervers et cette soif de drogues dont je t'ai fait cadeau ; ta vie sera aussi noire que l'ont été celle de ta mère et la mienne ; les vies de tous ceux que tu approcheras seront aussi noires que celle de Maurice l'a été (...)."
- Jamais je n'ai été capable de réfléchir clairement, comme le font les autres, même quand il s'agit des pensées les plus simples.
[...]- Personne ne pense clairement, même ceux qui prétendent le contraire. Penser est un truc à vous flanquer le vertige, il s'agit de saisir le plus grand nombre possible d'éléments évanescents et de les organiser au mieux.
Pas maintenant, plaida-t-il. Plus tard, quand tu auras achevé ton récit, tu pourras l'agrémenter de tes "si" et de tes "mais", le déformer et le remodeler, le rendre aussi opaque, confus et incohérent que tu le voudras.
Mais de grâce, achève-le d'abord pour que je me le représente au moins une fois dans son état d'origine avant que tu entreprennes de lui apporter des améliorations.
- [...] Je n'ai jamais été capable de penser clairement comme les autres. Même les idées les plus simples ont toujours été confuses dans mon esprit. Comprenez-vous à quel point cela peut être horrible de vivre comme ça, année après année, en sachant que ce sera toujours pareil... ou pire ?
- Je ne comprends pas du tout, fis-je, ça me paraît fichtrement normal. Personne n'a jamais les idées très claires. Réfléchir est toujours une activité vaseuse, une façon d'attraper au vol le maximum de ces aperçus fumeux et de les combiner ensemble le mieux possible.
- Alors vas-y, accouche, dis-je, tandis que nous nous asseyions dans son antre submergé de journaux, de revues et de bouquins.
- Aucune trace de Gabrielle jusqu'ici ? demanda-t-il.
- Non, mais déballe ton puzzle. Ne fais pas de littérature avec moi en ménageant tes effets et tout le tremblement. Je suis trop bouché. Ça ne réussit qu'à me flanquer mal aux tripes. Vide ton sac, simplement.
Mme Leggett se leva très droite et sourit, montrant une rangée de dents solides et légèrement jaunies. Elle fit deux pas en avant vers le centre de la pièce, une main sur la hanche, l'autre pendante à son côté. La femme d'intérieur [...] avait disparu. Il restait une créature blonde aux formes pleines, où se devinait non pas l'épanouissement d'une femme dans la force de l'âge et soucieuse de son corps, mais la musculation souple et bien protégée d'une panthère ou d'un chat sauvage.
Des bourrelets de graisse lui boursouflaient la figure, mais il y avait ni mollesse ni douceur dans son regard et dans sa bouche.
- Et toi, coupai-je, avec tes explications et tes descriptions qui n'expliquent et ne décrivent rien. Tu n'espères pas que tes laïus aient le moindre sens pour moi ?
- Je te reconnais bien là : tu as toujours les mêmes réactions (Il sourit et se passa la main dans les cheveux.) Raconte-moi donc l'affaire pendant que je cherche des monosyllabes à ta portée.
- C'est bien ça. Minuit, l'heure du crime, l'heure où les lions vont boire.