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Passer un peu à côté d'un livre pourtant adulé : ça arrive diront certains ; c'est dommage diront d'autres ; ça m'interroge toujours pour ma part. Et encore aujourd'hui après la lecture de Delicious Foods ® de James Hannaham, traduit par Cécile Deniard.

Pourtant ça démarrait fort avec une incroyable scène d'ouverture mettant en scène Eddie, jeune ado black en fuite, tentant de garder le contrôle de sa voiture de cavale du bout de ses moignons ensanglantés. Puis, à coups de flash-backs choraux permettant de remonter le cours de la vie de Darlène, la mère d'Eddie, la tension retombe peu à peu, finissant même par un début d'ennui heureusement sauvé par les dernières scènes.

Car si le thème de l'exploitation humaine et raciale par des entreprises sans foi ni loi au fin fond du deep-south US est ici traité avec un réalisme qui fait froid dans le dos, la crédibilité de l'ensemble m'a souvent paru faiblarde. La longue descente aux enfers de Darlene, sous les effets combinés de Scotty – personnage mystérieux mais central du livre - et d'une accumulation de mauvais sorts et de mauvais choix, m'a parfois semblée déjà vue, déjà lue.

Il reste un style original et agréable à lire, une construction complexe mais maîtrisée, et un livre couronné de plusieurs prix littéraires outre-Atlantique et plutôt apprécié par chez nous. D'où l'impression d'un avis assez marginal qui m'interroge, et un livre qu'il faudra, peut-être, que je relise.
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« Quand on travaille dur, elle se disait, qu'on n'est pas vraiment payé et qu'on peut aller nulle part, tout le monde sait comment ça s'appelle. »
L'esclavage moderne peut prendre divers visages : un salaire minimum inadéquat, des heures supplémentaires mal payées, des conditions de travail atroces ou des retenues sur salaire injustifiées. James Hannaham nous en fait découvrir une version sordide et particulièrement abjecte dans Delicious Foods. Un récit construit autour de trois voix : celle de Darlene, mère afro-américaine paumée, celle de son fils Eddie et la troisième, celle de la drogue, le crack, surnommée Scotty par sa dépendante, Miss d'pour Darlene.
« Elle a fait : Tu le veux encore, ce kif? Il est à toi, si tu veux. J'ai souri à Darlene dans son cerveau. Je savais ce qu'elle allait faire. C'est pas pour faire mon centre du monde ni rien, mais je suis vraiment irrésistible. »
Basé sur des faits réels survenus dans une ferme de St. Augustine, le roman se déroule dans un territoire à la limite des États de la Louisiane, du Texas et de la Floride, « au tréfinfonds de la Louisifloride » pour reprendre les mots de l'auteur. Un endroit où la discrimination et l'injustice raciales font partie du quotidien des Noirs. Pauvres, drogués, alcoolos, putes, clodos, ces sans avenir sont recrutés par Delicious foods, une sorte de coopérative agricole qui ratisse les bas-fonds des petites villes à cette fin : obtenir une main-d'oeuvre bon marché pour travailler aux champs. La suite est indescriptible, il faut le lire.
Ce roman agit comme un électrochoc dans nos vies confortables, démontrant une fois de plus que la condition humaine ne tend pas à s'améliorer avec le temps. La sentez-vous, cette odeur de pourriture qui s'élève de la société américaine? Bouchez-vous le nez et plongez dans Delicious Foods…
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Le premier chapitre annonce la couleur et vous enlève immédiatement tout sentiment de confort par sa brutalité; le reste du roman est une lente et profonde brûlure.

James Hannaham aspire le lecteur dès le début alors que le jeune Eddie s'échappe (de quoi, nous ne savons pas encore) au volant d'une Subaru volée juste après s'être fait amputer des mains. Les premiers chapitres vont nous raconter comment Eddie est parvenu à se construire une vie agréable malgré son handicap. Mais comment a-t-il perdu ses mains? C'est toute l'histoire de Delicious Foods et vous vous doutez bien que je ne vais pas vous la dévoiler.

Pour la découvrir il vous faut écouter les 3 narrateurs: Eddie, Darlene sa mère et Scotty. Qui est Scotty ? C'est la voix du crack dans la tête de Darlene. Oui vous avez bien lu, l'un des narrateurs est la drogue ! C'est même un personnage clé racontant l'histoire par-dessus l'épaule de Darlene observant son environnement avec humour, perspicacité et beaucoup de crédibilité. Scotty c'est « l'ami qui vous veut du bien », c'est le séducteur, celui qui vous dit « fais moi confiance ». Tour de force de l'auteur.

Les thèmes abordés sont loin d'être légers: l'esclavage moderne, la suprématie blanche, l'injustice raciale, l'exploitation humaine, la toxicomanie, la mondialisation, le capitalisme sans entraves.

Alors oui, Delicious Foods est dur et violent mais c'est un sacré bon bouquin grâce à un sujet principal peu traité et grâce à un parti pris narratif surprenant. Inspiré de faits réels, ce roman a obtenu en 2016 le Pen/Faulkner Prize.

Traduit par Cécile Deniard
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Un homme, un enfant presque encore, fuit l'enfer avec deux moignons sanglants à la place des mains.

L'enfer ? Une terre agricole américaine, où des accros au crack sont exploités dans des conditions indignes.

C'est cet endroit qu'Eddie fuit. Après y avoir été conduit pour retrouver sa mère, Darlene, toxicomane. Une addiction qui remonte au décès de son mari assassiné par on ne sait qui, probablement des hommes blancs qui, dans le Sud des États-Unis, considèrent bien davantage les animaux que les personnes de couleur.

Ce roman est, aussi incroyable que cela puisse paraître inspiré d'une histoire vraie. Des hommes ont eu l'idée cynique et détestable de profiter de l'addiction de SDF et de marginaux pour les exploiter sur leurs terres en l'échange d'une dose de drogue - bien évidemment, déduite de leur misérable salaire.

On retrouve, dans ce récit, le racisme banalisé qui conduit à laisser impuni le meurtre d'un homme noir, à retarder un procès, à laisser la pauvreté et la drogue enchaîner comme les chaînes ont pu le faire dans le passé.

Mais ce récit aborde aussi la question de la dépendance, grâce au personnage de Scotty, qui n'est autre que la drogue, personnage indépendant qui tire une partie des ficelles.

L'on suit impuissant, Darlene et le gouffre de désespoir qui va la saisir, l'entraînant vers sa première pipe de crack. Cette addiction va la détruire physiquement et moralement, mais aussi tout autre sentiment que l'impérieuse nécessité de se faire un nouveau kif.

Les liens filiaux vont se couper entre cette mère accro et son fils, malgré toutes les tentatives de ce dernier pour sauver sa mère. Petit à petit, Eddie va comprendre l'impossibilité de renouer toute la confiance brisée entre eux, ces promesses jamais tenues.

Malgré quelques petits bémols, comme un rythme plus lent en milieu de roman, ou certains rebondissements en fin de récit, il n'en demeure pas moins que cette lecture est très marquante.
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Le premier à s'engouffrer dans le roman a des moignons ensanglantés, qu'il a coincés entre le volant pour s'enfuir au volant d'une vieille voiture sur les petites routes de Louisiane. Il a 17 ans.
Voilà qui donne le ton de ce superbe roman.

Eddy a dû sacrifier ses mains pour échapper à ses tortionnaires, les gérants d'une ferme agricole qui maintiennent leurs employés, tous des éclopés de la vie en esclavage. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : recruter des drogués et des marginaux pour les faire travailler sans répit, les entasser dans un poulailler infâme, les obliger à contracter des dettes pour qu'ils ne puissent pas s'enfuir et les maintenir dans l'addiction à la drogue et à l'alcool pour les empêcher de se révolter.
Mais Eddy ne se drogue pas, il est arrivé à Delicious Foods pour retrouver sa mère et la sauver de la déchéance. Et il est même capable d'une étonnante résilience : faire de son handicap un atout professionnel, le "manchot pas manchot". Celui qui débarquait dans le roman comme une victime est en fait un héros positif.

Et puis, il y a Darlene, la mère. Une noire américaine tout à fait ordinaire qui commence des études à la fac, tombe amoureuse, puis enceinte. Elle ouvre une petite épicerie avec son mari, Nat, noir lui aussi. Un soir il disparaît, victime d'un crime raciste. Et c'est la chute, la prostitution, la drogue, l'incapacité à gérer sa vie et celle de son fils. Juste une femme trop fragile qui devient une victime. Une esclave !

Troisième personnage, et non des moindres, Scotty. Il parle le langage du peuple, des déshérités, des marginaux. Il les manipule et les console. Il les rend dépendants mais dépend d'eux également. Il connaît tout de leurs histoires, de leurs souffrances, de leurs désirs secrets. Il est comme un lutin maléfique qui se niche au plus profond des êtres. Il est la drogue..
Ce choix original de personnifier une substance ou l'addiction à une substance était un pari risqué. La personnification aurait pu être une simple prouesse littéraire peu convaincante, en marge du roman. Mais Scooty est un personnage à part entière, qui évolue et fait evoluer le roman. Il est psychologiquement crédible, il a son propre langage et sa propre identité, sa voix à l'intérieur des personnages qu'il contamine et ses faiblesses aussi.

Et lorsque l'on a tant de choses à dire sur un roman, sur les sujets qu'il aborde, sur les personnages qui le composent, sur l'atmosphère qu'il distille, sur l'écriture elle-même ; c'est qu'il s'agit d'un sacré bon roman !
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Vraiment un livre coup de poing. Quel choc!

Une plongée vertigineuse dans l'Amérique des exclus et de la marge.

Les premières pages de ce livre sont proprement hallucinantes: on y découvre Eddie, un adolescent afro-américain, en fuite d'une exploitation agricole où il travaille au volant d'une voiture, les deux mains sectionnées.

Et la suite de ce roman est à l'identique.
Au travers de l'histoire de cet adolescent à la recherche de sa mère à la dérive, c'est la précarité, la pauvreté et l'exploitation qui sont crûment présentées.
Avec son lot de drogue, de violence et surtout d'injustice.

C'est réellement un livre fort et marquant.

Mais peut-être à ne pas mettre entre toutes les mains, car c'est un récit dur et sans concession, crû et violent.
De la littérature à l'état brut!
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Tout commence par une belle histoire d'amour. Darlene et Nat se sont rencontrés au lycée et ils tombent passionnément amoureux. Ils s'installent à Ovis en Louisianne, attendent leur premier enfant et créent une petite épicerie qu'ils appellent Mount Hope.
Tout aurait pu continuer dans la joie et le bonheur si Darlene et Nat n'étaient pas noirs et ne vivaient pas dans une ville du Sud des Etats-Unis où sévit un racisme latent dont ne sont toujours pas débarrassés les habitants blancs depuis la Guerre de Sécession.
Les événements catastrophiques s'enchaînent et Darlene devient accro au crack ce qui situe ce roman dans le dernier quart du XX e siècle.
Elle se fait alors « embaucher » par les rabatteurs de la ferme Delicious qui produit des fruits et légumes en toute illégalité et qui fait travailler des drogués en échange de leur dose quotidienne.
C'est avec l'évasion impressionnante d'Eddy, le fils de Darlene qui a fini par retrouver sa mère et est devenu esclave à l'âge de 12 ans, que commence ce récit saisissant.
James HANNAHAM y dénonce l'esclavage moderne qui sévit dans l'ombre et nous révèle l'horreur des conditions de vie déplorables et les mauvais traitements que subissent ces drogués, incapables de la moindre réaction.
Outre le narrateur qui raconte cette histoire étonnante, l'auteur a créé un autre narrateur qu'il appelle Scotty et qui n'est pas une personne mais le crack lui-même. Son parler est populaire et familier, il est excessif, sensuel et amoureux des drogués et plus particulièrement de Darlene. Ses apparitions décalées et son humour désabusé détendent l'atmosphère et apportent une vision interne du phénomène de l'addiction.
Si les propos de ce roman paraissent parfois choquants, c'est qu'ils ne sont certainement pas bien loin d'une réalité à révéler au grand jour. Tous les sentiments s'y bousculent, de la force de l'amour à la vulnérabilité du deuil, de la soumission des esclaves à la cruauté des janissaires, des regrets d'une mère au pardon d'un fils.
C'est un difficile mais très beau roman que j'ai lu avec passion et que je recommande vivement pour son style très original, son engagement pour la cause afro-américaine et ses personnages hauts en couleur, humains ou non.
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n the mood for...where is my mind ?
Eddie, 17 ans, file en voiture. La scène d'ouverture de ce roman pourrait être banale, elle est inoubliable, puissante, évocatrice : Eddie n'a plus de mains et s'il pense à fuir le plus loin possible de la Louisiane, il pense également déjà à revenir.

Rewind.
Darlene et Nat sont simples, sans histoire. Mais ils sont noirs, dans le Sud des Etats-Unis.
Une nuit, Nat est assassiné dans des circonstances sordides. L'enquête ne mène nulle part, les blancs sont protégés. C'est le début de la fin : Darlene sombre, avec pour témoin son fils Eddie.
Elle est recrutée dans l'exploitation agricole Delicious Foods. Delicious Foods, en fait c'est dégueux, c'est l'exemple de l'esclavage tel qu'il existe aujourd'hui aux Etats-Unis. Les recrues, fragilisées, sont enfermées, battues, prises dans le cercle vicieux de l'endettement envers l'entreprise…qui fournit du crack au quotidien, à un prix imbattable.

Pause.
Ce roman est construit autour de 3 voix: celle d'Eddie, celle de Darlene, broyée par son chagrin, par l'injustice et…celle du crack. Derrière cette voix-là se cache le discours d'un séducteur narcissique dont les assauts ne cessent jamais. Inédit.

Fast forward.
Dans ce décor halluciné, Eddie n'a qu'une obsession : sortir sa mère de cet enfer.

L'auteur, James Hannaham, a gagné le Pen/Faulkner Prize pour ce récit crû, dur, violent, inspiré du scandale Bulls-Hits. Sa plume raconte, dénonce, éveille, sans moralisme. La littérature que j'aime.
Chapeau à Cécile Deniard pour la traduction, la voix de la drogue n'a pas dû être une mince affaire à restituer !

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Lien : https://www.instagram.com/in..
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Malgré un début plus qu'intriguant, j'ai eu du mal à rentrer dans ce bouquin. Intéressant et curieux à plus d'un titre (la thématique générale, la personnification du crack en Scotty par exemple), ce livre manque néanmoins de rythme et souffre de quelques incohérences vis à vis de l'attitude de certains persos (notamment la mère que j'ai franchement détesté). J'ai été au bout mais franchement j'ai failli laisser tomber.
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Le titre réfère à une entreprise agricole du Sud des États-Unis qui embauche des toxicomanes majoritairement noirs, tout en les maintenant dans un état de dépendance en les payant avec de la drogue (crack). Ils vivent dans des conditions abjectes et sont littéralement des esclaves dont l'avenir est bouché, et dont le seul espoir réside dans la prochaine pipe de crack.

Bien que l'ensemble de l'oeuvre soit d'une grande noirceur, ce roman contient néanmoins de bonnes parcelles d'humanisme. L'auteur se sert du récit, tiré d'une histoire vraie, pour dresser un portrait critique et sans compromission du racisme dans les États du sud; de la misère économique et psychologique de certains des laissés pour compte du rêve américain.

La particularité et l'originalité de cette oeuvre c'est que l'auteur fait de "la drogue" (crack-coke) un personnage à part entière dans la trame narrative. Campé sous le nom de Scotty, ce personnage se permet alors de nous donner son point de vue avec le vocabulaire imagé typique du parler des noirs du sud. Selon moi, la traduction peine parfois à rendre le cachet du langage afro-américain. Cela dit, le pari d'en faire un personnage est réussi, car il permet d'illustrer, sans jugement de valeur, le rôle et l'importance de cette substance dans la descente aux enfers et l'avilissement de Darlene, après le meurtre impuni de son mari par des blancs racistes.

Je l'ai écrit plus haut, l'histoire est sombre. Mais elle recèle aussi d'une bonne part de lumière, illustrée notamment en la personne d'Eddie, le fils de Darlene, qui est au coeur de la première scène de livre et qui illustre brillamment la dualité ombre/lumière du récit.

Malgré quelques petites longueurs, je recommande ce livre. C'est une lecture qui nous fait réfléchir, grandir et parfois douter de l'humanité. Par contre, en le refermant, j'en suis ressorti avec un fort sentiment d'espérance dans la capacité de l'homme à faire face aux vicissitudes de l'existence.
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