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Critique de Ahoi242


En publiant The Moon is a Harsh Mistress en 1966 (Révolte sur la lune en français), Heinlein a participé de la diffusion et de la popularisation de l'expression "There ain't no such thing as a free lunch"* que l'on trouve également sous l'acronyme TANSTAAFL ou des variantes. Cette expression sera reprise et très largement popularisée par l'économiste Milton Friedman - dans sa version plus moderne, c'est le « « Si c'est gratuit, c'est que vous êtes la marchandise ».

Je savais bien que l'invitation reçue par mail pour participer à une Masse critique s'accompagnerait en échange d'une critique puisqu'un repas gratuit, cela n'existe pas. C'est une des raisons pour lesquelles je ne participe pas aux opérations de Masse critique - je préfère choisir et payer mes repas. Mais comme on est gentiment venu me chercher et que je réponds aux gentilles sollicitations, j'ai accepté d'autant que le livre est un livre d'économie, une discipline que je connais un peu pour avoir consacré quelques années à l'étudier avec plaisir.

Je n'avais, par contre, pas prévu, vu que c'est une espèce de dépucelage critique pour moi, qu'un compteur me rappellerait le temps restant pour écrire la dite critique. Ecrire ma critique, répondre à un co-auteur qui attend depuis un mois mes commentaires, corriger mes copies dont les étudiants attendent depuis trop de mois leur notes ou lire quelques livres de ma PAL - que faire ? Comme l'écrivait Julian Simon dans son très beau livre, Man. The Ultimate Ressource (traduit en L'homme, notre dernière chance), l'unique ressource rare, c'est le temps. Ce compteur et cette critique donnent davantage de corps à mon portrait d'internaute en travailleur exploité.

Un livre est non seulement un bien matériel (en version papier du moins) mais également un bien d'expérience comme les « Lemons »** dont parle Tim Harford.

D'abord le Harford comme bien matériel. L'économie est un jeu d'enfant n'est pas un mais deux livres : il s'agit des deux livres de Tim Harford publiés en 2006 et 2013, The Undercover Economist et The Undercover Economist Strikes Back. le titre français est une traduction très approximative des titres initiaux que l'on pourrait traduire par L'économiste infiltré et L'économiste infiltré est de retour. le livre est un gros pavé à la couverture bleue*** avec une tirelire en forme de cochon rose dans laquelle une pièce est introduite. Oh my godness !!! Bon après tout comme Stiegler et Becker l'ont écrit, « de Gustibus Non Est Disputandum ». C'est une drôle de vision de l'économie*** que véhicule cette tirelire. Et pour le titre, l'éditeur**** et/ou le traducteur ont du penser qu'il conviendrait mieux pour le public français et ne dépareillerait pas avec des livres comme L'économie expliquée à ma fille ou L'économie pour les Nuls. Un point positif pour un tel pavé est un index mais celui-ci est incomplet. le livre en tant qu'objet ne m'a pas donné une envie folle de l'ouvrir, de le lire et donc de le critiquer.

Maintenant le Harford comme bien d'expérience. Au niveau des thématiques traitées, c'est du grand classique : on retrouve tous les grands thèmes de la science économique - avec une première partie orientée microéconomie et une deuxième partie macroéconomie - que sont les externalités, l'asymétrie d'information, la théorie des jeux, … Rien de nouveau dans ce domaine donc. Au niveau du style et de la façon d'expliquer l'économie, certes les exemples choisis diffèrent d'un manuel standard d'économie et le style est différent. Les chapitres/sections ont des titres comme « Amour, guerre et poker », « Bière, frite et mondialisation », « La récession des camps de prisonniers », « L'Indiana Jones de l'économie », … on comprend bien d'où vient le titre français : Harford prend des exemples accessibles pour expliquer l'économie. Sauf que ce n'est pas nouveau comme procédé et, dans ce domaine, je préfère largement lire l'Indiana Jones de l'économie, à savoir Levitt (et Dubner).

L'économie est un jeu d'enfant fait partie de cette vague de livres d'économie saugrenue qui ont été publiés mais pas nécessairement traduits lors des dix dernières années - Freakonomics, The Armchair Economist, Homer Economicus,… et bien d'autres - et qui présentent la chose économique de façon plus ludique, plus saugrenue qu'auparavant.

Je n'ai pas apprécié L'économie est un jeu d'enfant pas à cause de ces défauts intrinsèques - la deuxième partie sous la forme d'une discussion est très lourdingue - mais davantage parce que je ne lis plus de livres d'économie et que je n'y apprends rien désormais - et tant qu'à faire autant aller lire les auteurs dans le texte.

Comme le dit le proverbe arabe « Ne jugez pas le grain de poivre à sa petite taille, goutez-le et vous sentirez comme il pique ». Pour le Harford, ne le jugez-pas à sa couverture bleue, goutez-le et vous serez peut-être piqué pour l'économie.

* le premier traducteur français traduira par "Un Repas Gratuit est Supérieur à Tout", ce qui est évidemment un contresens total des idées exprimées dans le livre en particulier et par Heinlein en général ; par la suite TANSTAAFL sera traduit par "Un Repas Gratuit, Ça N'Existe Pas ».

** Que le traducteur a décidé de traduire par « épave ». Choix de traduction étonnant ! le terme "lemon" pour parler des voitures d'occasion dont l'acheteur contrairement au vendeur ne connaît pas la qualité vient d'une publicité de Volkswagen (http://www.writingfordesigners.com/?p=1731) datant des années 1960. C'est assez ironique vu les récentes turbulences connues par Volkswagen qui a donc vendu des espèces de lemons.

*** Et là j'ai pensé à ce strip de Schulz "Oui madame... J'aimerais emprunter un livre de la bibliothèque. Lequel ? Oh ça m'est égal... Un bleu, par exemple ?"

**** Merci à Marine des éditions PUF pour le mot manuscrit me souhaitant une bonne lecture.

**** Elle me rappelle une anecdote d'un de mes professeurs d'économie qui, disant à sa mère qu'il allait faire des études d'économie, s'était vu répondre « Toi? Mais tu n'es pas capable de faire des économies !"
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