Citations sur Crushed (10)
En tournant les pages, je revois ces moments du passé volés et immortalisés à jamais. Preuves irréfutables que nous avions quelque chose. Notre bonheur n’était pas faux. Il a juste été fugace et imparfait.
La fin de journée défile et le crépuscule arrive plus vite qu’on ne le souhaite parfois. Ça me surprend toujours et me déprime un peu. Voir le jour décliner me renvoie à chaque fois à ma solitude de femme. Je n’ai personne avec qui partager mes soirées. Mais je ne veux pas non plus ce que les hommes sont prêts à m’offrir. Eux qui ne cherchent que des bons moments sans conséquence, une copine marrante, pas chiante et disponible alors que je voudrais une épaule, un roc sur qui me reposer, un confident, une oreille attentive et des bras qui savent réconforter. Juste ça, rien que pour moi. Je ne veux pas d’un pseudo père. On n’en a pas besoin.
Oublier. Gommer ce qui est arrivé le plus vite possible. Et surtout réussir à se tenir à distance alors que tout semble être fait pour que nous n’ayons de cesse de nous croiser. Clarisse la vie ne t’a jamais vraiment épargnée, les épreuves tu connais. Victor n’est qu’une épreuve de plus à affronter. Un pion sur le grand échiquier de ton existence.
Pour l’heure, je ne suis que le « fou » de la reine en ces lieux et je suis sagement le trajet qu’elle m’impose.
Mes escarpins qui me donnent quelques dix centimètres de plus et presque autant d’assurance, claquent sur le sol au parquet massif. Mais contrairement à Cendrillon, mon destin ne se résume pas à mes chaussures, aussi jolies soient telles. Désormais, je tiens les rênes de mon avenir tant professionnel que personnel. Et si cette volonté qui m’anime n’était pas aussi coriace, j’aurais pu détaler comme un lapin, tentant d’échapper à la sentence de son prédateur. Mais je ne suis pas une proie. J’avance jusqu’au bar et c’est droite et déterminée que je me hisse sur un des tabourets au comptoir. Comme un réflexe automatique, je croise mes jambes, laissant un des talons vertigineux se balancer dans le vide. La fente de ma robe noire est un peu remontée sur ma cuisse et dévoile suffisamment de peau pour attirer le regard.
Nul doute que mon compagnon de conversation sait jongler avec les mots. Il les choisit, les prononce et les rythme en étant certain qu’il provoquera une réaction, un émoi, un tressaillement. Je pourrai facilement me laisser prendre au piège de ces images mais le virtuel ne me suffit plus. Il ne manipulera pas mes hormones à coups de belles paroles. Il a allumé les étincelles de la tentation, maintenant, il est temps de consommer.
Sa voix est féline et ces propos demeurent directs, sans faux-semblants, allant droit au but comme une flèche décochée en direction de la cible. Il ne maquille pas ses désirs, il les exprime franchement sans verser dans le romantisme. Et pourtant, ils me touchent car ce que je déteste le plus au monde sont les mensonges. Quelle que soit la réalité, quelle que soit la vérité, c’est la seule chose que je puisse affronter.
Mon corps est resté en jachère depuis qu’il m’a laissée tomber, qu’il a choisi d’oublier purement et simplement ce que nous avions partagé. Et pire que tout, depuis qu’il a ignoré que le fruit de ce que je pensais être de l’amour était en train de grandir en moi. Négligeant qu’il en était autant responsable que moi. Aveuglés et étourdis par l’euphorie de nos sentiments, nous avions été imprudents plus d’une fois. Joris était ce qu’on appelle communément un accident, mais il est avant tout un « accident d’amour ». En tout cas pour moi.
Certaines choses ne nous manquent pas tant qu’on n’y a pas goûtées. L’application « Crush » en est le parfait exemple. Depuis que je l’ai installée, mon téléphone est fréquemment sujet aux vibrations. J’avoue coupablement être impatiente de coucher Joris pour la sieste afin d’avoir quelques heures de libre pour passer en revue les notifications reçues.
Elle distille ses bons conseils, mais quand on a besoin d’elle, ne serait-ce que quelques heures pour garder Joris, elle n’est jamais disponible. Et puis les sorties, tu m’excuseras mais tant que je n’ai pas de boulot, je n’ai pas le budget.
Ce qu’il y a de bien quand tu penses avoir touché le fond, c’est que tu ne peux qu’aller de l’avant. Mon karma m’a longtemps entraînée dans l’œil du cyclone. J’étais son jouet. Mais j’ai tenu le coup en étant une femme forte. Toujours. Aujourd’hui encore, je sais que cette force sommeille en moi, tapie dans un recoin de mon âme.