Citations sur Je suis un guépard (13)
(...) il observa les jeunes loups cheminer vers leurs bureaux. Ils se ressemblaient tous, avec leur costume cintré, leur coupe millimétrée, leur eau de toilette suffocante et leur barbe de trois jours.
Je pense que rien ne changera vraiment. Tes dix pour cent de chômeurs, tes cinq millios de précaires, tu les auras encore dans trente ans, et que ce soit un gouvernement de droite ou de gauche, les deux ne cherchent qu'à maintenir un taux de misère acceptable, sachant que les problèmes à résoudre demanderaient trop de sacrifices à ceux qui occupent les bonnes places.
Sans vouloir casser l’ambiance, je pense que rien ne changera vraiment. Tes dix pour cent de chômeurs, tes cinq millions de précaires, tu les auras encore dans trente ans, et que ce soit un gouvernement de droite ou de gauche, les deux ne cherchent qu’à maintenir un taux de misère acceptable, sachant que les problèmes à résoudre demanderaient trop de sacrifices à ceux qui occupent les bonnes places.
- Dis-moi, Lino, c’est quoi ton rêve ? Gratter toute la journée et t’offrir un restau chinois en fin de mois ? Voir la mer une semaine par an, être en règle avec les impôts ? On t’a pas dit que la vie est courte, imprévisible et dangereuse ? Moi, je veux pas de ce type de contrat en bois. Tu saisis ? Je rentrerai jamais dans leur système. Je les emmerde. Je préfère la rue plutôt que de bosser pour une misère.
Elle était assise dans la cuisine, habillée, coiffée, maquillée, ses joues avaient légèrement dégonflé. A la découvrir ainsi débarrassée des stigmates de la rue, Lino avait l’impression d’avoir affaire à une autre personne. La belle derrière la bête, un truc dans le genre.
Ce fût l’odeur du café qui le réveilla.
Ils avaient pleinement conscience de la médiocrité de leur vie, se doutaient qu’ils pourraient disparaître du jour au lendemain sans que personne ne s’en émeuve, mais pas le choix, il fallait continuer, car au moindre écart, la bête risquait de les avaler. Une absence prolongée, un retard de paiement et le frigo se vidait, la lumière se coupait, le logement sautait.
Il avançait à son rythme, tranquille, toujours dans un esprit de dissidence. Ceci dit, au fond de lui, Lino savait bien qu’il était comme les autres, marqué au fer, menotté à vie, un esclave autonome. Le système s’était imposé, la crainte du changement et la peur du chômage s’étaient chargées de modeler tous ces êtres à la convenance du marché. Eléments interchangeables d’un rouage qui leur échappait même si on leur avait fait croire qu’ils concouraient à la bonne marche de la société
Bref, aujourd’hui la seule chose qui nous réunit, c’est la bouffe : on peut passer des heures à s’empiffrer sans se parler. Après on se mate une connerie à la télé, sur laquelle généralement on s’endort, puis on va se pieuter chacun dans notre chambre. Voilà, alors le prochain qui me parle du sens de la vie, je lui fous mon poing dans la gueule.
Vers minuit, il déplia son canapé et se coucha. Il devait compter minimum sept heures de sommeil pour affronter dans de bonnes conditions une nouvelle journée de travail. Au plus profond de ses rêves, il se mettait à voyager. C’est ainsi qu’il parcourait des routes interminables, traversait des villes, survolait d’immenses forêts, jusqu’au moment où il finissait invariablement par plonger dans un précipice, ou sombrer dans les abysses d’un quelconque océan avant de se réveiller brusquement, trempé de sueur, suffocant, presque déçu de ne pas être mort pour de bon.