Le milieu social dans lequel se développa la peinture hollandaise, dans cette période de son histoire qu'on peut appeler indépendante, eut également une très grande influence, non seulement sur le choix des sujets, mais encore sur la manière de les traiter.
Rien ne ressemble moins au talent sobre, correct, sage et contenu dans des notes bourgeoises de VANDER HELST que le talent vivant, emporté, primesautier de FRANS HALS. Autant l'un possède de vérité calme dans son soigneux pinceau, autant l'autre a de fougue impétueuse dans sa brosse. Le premier n'exprime rien qu'il n'ait contrôlé sur le modèle et écrit sa peinture comme un comptable tient ses livres; l'autre s'abandonne à son entrain, s'emporte, déborde, et n'imposant aucune limite à son improvisation, arrive promptement au terme extrême où la liberté de facture peut atteindre. Ampleur de touche, coloris brillant, vigueur d'oppositions, harmonies inattendues, tout se réunit en ses oeuvres audacieuses pour constituer une sorte de Rubicon qu'il est interdit de franchir. L'art ne doit pas oser plus. Il est défendu d'aller au delà.
En Hollande, nous l'avons déjà dit, la situation est toute différente. Dans ce pays protestant de religion, de caractère et de moeurs, il n'y a plus ni palais, ni églises, ni couvents qui puissent valoir des commandes aux peintres; c'est aux particuliers qu'incombent ce soin et cette charge. Dès lors, il importe que le tableau se proportionne au logis qui doit le contenir, et les scènes qu'il représente doivent s'harmoniser avec les événements familiers qui vont se dérouler journellement autour de lui. Là-bas, l'art, relève du domaine public; c'est une chose grandiose, sévère, solennelle.
II faut, écrivait Paul Delaroche, qu'un artiste oblige la nature à passer à travers son intelligence et son coeur.
Buffon a dit que le style c'était l'homme; avec combien plus de raison encore pourrait-on dire « L'Art, c'est la nation, c'est le peuple! » Chacune de ses manifestations artistiques est, en effet, pour la nation entière, comme la synthèse de ses aptitudes et de ses pensées dominantes c'est par là qu'elle peut souvent parler à la postérité et lui dire: Jugez-moi preuves en main, c'est-à-dire sur mes oeuvres.
Il semble, en effet, qu'il y ait, dans la vie de chaque peuple, une époque bénie où tout resplendit à la fois. La puissance, la hardiesse, l'énergie se manifestent dans la vie politique, assurant le présent, préparant l'avenir, commandant au dehors l'admiration, et provoquant partout le respect. La fortune privée et la richesse publique, parvenues à leur apogée, permettent toutes les entreprises et légitiment toutes les audaces, pendant que la force ou l'élégance, l'énergie ou la grâce impriment aux arts leur cachet définitif.
La production artistique d'une grande nation n'est pas un de ces accidents fortuits dont on ne peut ni démêler les causes ni prévoir les effets. Elle est la résultante des aptitudes du peuple et de son caractère; elle est le reflet du milieu dans lequel elle a été appelée à se développer, et la conséquence du degré de perfection auquel est parvenue la civilisation qui lui donne naissance.