Il y a quelques années, c’était mon rêve de venir ici - pas pour avaler un sandwich jambon-fromage entre deux interrogatoires de police évidemment -, je rêvais de venir avec mon bébé. Je pensais à la poussette que j’achèterais, aux heures que je passerais chez Baby Gap ou Toy’R’Us, à examiner les vêtements minuscules si mignons et les jouets d’éveil. Je songeais au jour où je viendrais m’asseoir là, mon heureux événement sur les genoux.
Mais ce jour n’est pas venu.
La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une parenthèse.
Je voulais aussi m'excuser pour Tom, parce que j'aurais dû savoir. Si j'étais restée sobre, toutes ces années durant, l'aurais-je su ? Peut-être que, moi non plus, je ne pourrai jamais trouver la paix.
Plus je voudrais oublier, moins j'y arrive. La vie et la lumière ne me laissent pas en paix.
Ils vont ensemble, ils sont faits l'un pour l'autre. Et ça se voit qu'ils sont heureux. Ils sont comme moi, avant, comme Tom et moi il y a cinq ans. Ils sont tout ce que j'ai perdu, tout ce que je voudrais être.
Passe, passe, passera, la dernière y restera. Je suis bloquée là, je n'arrive pas à aller plus loin. J'ai la tête lourde de bruits, la bouche lourde de sang. La dernière y restera.
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Vivre comme je le fais, c'est plus difficile l'été, avec ces journées si longues, si peu d'obscurité où se dissimuler, alors que les gens sortent se promener, leur bonheur est si évident que s'en est presque agressif. C'est épuisant, et c'est à vous culpabiliser de ne pas vous y mettre, vous aussi.
La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une virgule.
Tout n'est que mensonge. Ce n'était pas mon ima-gination, quand je l'ai vu me frapper. Ni quand je l'ai vu s'éloigner de moi rapidement, les poings serrés. Je l'ai vu se retourner, crier. Je l'ai vu redescendre la rue avec une femme, je l'ai vu monter en voiture avec elle. Ce n'était pas mon imagination. C'est alors que je comprends que c'est très simple, en réalité, tellement simple. Je me souviens, oui, mais j'ai mélangé deux Souvenirs. J'ai introduit l'image d'Anna, qui s'éloignait de moi dans sa robe bleue, dans un autre scénario :
Tom et une femme qui montent dans une voiture. Parce the, bien sûr, cette femme n'était pas vêtue d'une Obe bleue, elle portait un jean et un T-shirt rouge.
C'était Megan.
Sur le côté, quelqu'un a écrit LA VIE N'EST PAS UN PARAGRAPHE. Je repense au paquet de vêtements au bord des rails et ma gorge se serre.
La vie n'est pas un paragraphe et la mort n'est pas une parenthèse.