Citations sur Le casse du continuum : Cosmique fric-frac (14)
- J'attends une réponse ferme pour demain matin. Je ferai installer un computeur ici pour enregistrer vos voeux, en espérant que vous accepterez.
La femme salua d'un signe de tête et ajouta :
- Comprenez que nous ne pouvons nous passer d'aucun d'entre vous. Vous devez être sept à accepter cette mission. Je vous souhaite une bonne nuit.
Personne n'ajouta mot. L'ascenseur se referma sur la longue silhouette. Les robots, à leur tour, quittèrent la pièce.
- Bien, soupira Brescia quand ils furent tout à fait seuls. Qu'est-ce que vous en dites ?
- ça pue l'embrouille, cracha Vostok.
Aimer, ce n'est pas tout accepter de l'autre ! L'amour n'est pas un état, c'est un geste. Un effort, une tension vers autrui.
Les pirates tombaient. Vostok avançait. On essaya de l'arrêter à une intersection. Ils s'y mirent à trois, défouraillant en cône. L'air s'emplit d'éclairs bleus et d'une odeur de métal chauffé. Les gaines défoncées crachèrent leurs étincelles. De l'autre côté, le fusil de Vostok répondait de temps en temps. Quand on cessa pour y voir un peu clair, on découvrit le soufflant calé conte une grille, bloqué sur tir automatique. Le temps de comprendre, le premier pirate s'écroula, nuque brisée. Vostok était passée derrière eux par les voies d'aération.
Si la Fosse n'était pas le pire des trous, il était de loin le plus profond. A Hermopolis Magna, on avait l'urbanisme métaphorique. L'élévation pour les puissants. L'enfouissement pour la plèbe.
- La Mère a communiqué avec le Noun, commença Vili. Il toussa.
- Elle prétend avoir appris l'arrivée du Messie. Il serait sur Syra-P.
- Ah. Et à quoi ressemble-t-il ? (le chef de la sécurité de Syra-P)
- Personne ne l'a encore vu. Mais on connaît son nom.
Ils ralentissaient. Ce quartier était tout à fait tranquille. Les habitants dormaient.
- Faites-moi partir, répéta Vili.
- Quel nom ?
- Je risque gros.
- Comme tu veux.
Il fit mine d'ouvrir la portière.
- Elle a dit... Le Sauveur... Il s'appelle Kaboom.
- Brescia, non ! Je ne mérite pas... Je ne suis pas digne de toi.
- Cesse de répéter ça. Ce que tu crois n'a aucune importance. Ne vois-tu pas que je t'aime malgré moi ? Je peux aussi bien t'aimer malgré toi.
Ils prirent pied sur le pont. L'officier qui avança pour les rejoindre s'effondra, bouche ouverte, cri silencieux. Ses deux voisins tombèrent avant d'avoir compris ce qui leur arrivait. Tabitha et Brescia rengainèrent leurs couteaux et prirent le temps d'un bref baiser avant de filer.
Les étoiles brillaient avec force. Elles étaient jaunes et roses, bleues, étincelantes contre le noir de l'espace. Des diamants taillés sur un velours de bijoutier. Vostok modifia la trajectoire de son intercepteur et bâilla. Dans sa baie d'observation, le vaisseau des pirates emplit le ciel nocturne.
"Le voilà ! s'exclama le Rétrominot.
- Il est..., commença Tabitha.
- Gigantesque, souffla Octave.
- Remarquable, s'étonna Brescia.
- Monstrueux, jugea Vostock.
- Le Noun ! dit Marymay.
- Qu'il est laid !" conclut Kaboom.
La canne d'Octave brisait des doigts, cassait des dents tandis que son beau costume se souillait de morve et d'alcool frelaté. Brescia recevait quelques patates. Il en distribuait aussi généreusement. Rien ne valait une bagarre de bar pour revigorer une amitié ancienne.
Toute souffrance se niche dans l'expérience singulière. Ramenés à la taille de l'univers, à celle du cours du temps, ces instants ont moins de signification encore qu'un grain de poussière emporté par le vent.