AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bloglitterairedecalliope


« Caresser l'idée que peut-être, sait-on jamais? tout compte fait, à tout prendre, pourquoi pas? à tout hasard, éventuellement, ce sentiment qui vous emplit de joie pourrait bien être ce qu'on appelle l'amour. »

Au gré des jours, dans sa première partie, poursuit l'inventaire de ces petits riens qui donnent du goût à notre existence, et en font le « sel de la vie ». Françoise Héritier y égrène des souvenirs faits de » bric et de broc »: « trinquer dans un bar d'autoroute avec des chauffeurs de poids lourds ». « Rire au souvenir de la mésaventure de ce jeune homme en vélo sur une route africaine que freinait à coups de patte une jeune lionne facétieuse et qui battit pour le coup des records de vitesse, debout sur les pédales. » A travers ces multiples évocations, elle cherche, selon ses propres termes, à faire affleurer le « permanent sous le contingent », « l'universel sous l'individuel ». Qui, à l'instar de la narratrice, ne s'est pas en effet sentie « nunuche » parfois, quelle femme n'a pas « regretté de n'avoir pas été plus insoumise? » Qui ne s'est pas, un jour, senti rempli d'une douce quiétude à voir surgir des biches d'un bois, à découvrir un trèfle à quatre feuilles, autant de petits bonheurs qui, mis bout à bout, constituent une vie.

Dans la deuxième partie, intitulée Façonnages, Françoise Héritier, avec l'humilité des grands intellectuels, affirme avoir conscience qu'elle ne « sait rien, à peine savoir vivre. » La maladie et le sentiment de l'imminence de la mort imposent une sorte d'urgence à convoquer la mémoire, si défaillante soit elle. Ainsi évoque t'elle les souvenirs du cours Sévigné, du lycée Racine à Paris où les filles avaient des cours de cuisine et de couture, ou encore ce moment où, en rupture avec sa famille, elle s'enfuit, avec deux petites culottes en poche, rejoindre Michel Izard qui deviendra son mari. On découvre qu'à son époque, il y avait une licence de géographie réservée aux hommes, les universitaires jugeant la discipline trop ardue pour les femmes…. Et lorsque Georges Duby, lors d'une réunion au Collège de France, s'adresse à elle pour lui demander de prendre des notes -elle est la seule femme détentrice d'une chaire- Françoise Héritier lui répond: » mon cher Georges, je ne suis pas programmée génétiquement pour les prendre mieux que vous ». Alors, nous jubilons devant ce féminisme affirmé. L'essai dresse encore un portrait de Claude Lévi Strauss qui fut si déterminant pour sa carrière et fourmille d'anecdotes relatives à son métier d'ethnologue et l'on voit que dans cette Afrique « prolixe en aventures, déroutante, mystérieuse « , elle ne se contenta pas d'en décrire la société mais tissa des liens très forts avec cette terre, y nouant des amitiés, y sauvant des enfants d'une mort certaine.

Comme Montaigne qui « aime l'allure poétique à sauts et à gambades », Françoise Héritier use d'une écriture vagabonde pour raconter ses souvenirs dans un livre en forme de testament où l'ultime dessein reste la connaissance de soi et son esprit vif et brillant nous manque déjà.

« Je ne recherche rien tant que cette simple amitié là, sans arrière pensées, sans chausse-trapes, sans ambiguïté, simplement parce que c'est nous et qu'on s'aime. Montaigne avait su trouver les mots justes pour le dire. »
Commenter  J’apprécie          10







{* *}