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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Guerre et térébenthine est un livre puissant qui nous attire comme un aimant sur le spectre du Temps.
Le titre du roman est un peu un clin d'oeil à Guere et paix auquel on ne peut pas ne pas songer.
Stefan Hertmans par une écriture pleine de réminiscences nous plonge dans la vie de son grand-père, aimé et respecté de ses jeunes années.
A la fin de sa vie, son grand-père lui confie son journal qu'il a commencé à l'âge de 50 ans.
Pendant longtemps, ce journal est enfermé dans un tiroir, Stefan Hertmans n'a pas envie de s'y plonger ou n'est pas prêt à rendre le devoir de mémoire que son grand-père lui propose avec ses feuillets.
Toute la vie de son grand-père se résume dans un paradoxe qui fut une constante dans sa vie.
" Ce ballotement entre le militaire qu'il avait été et l'artiste qu'il aurait voulu être"
Ainsi, le titre du roman assez inédit prend toute sa dimension : la Guerre et la peinture ont été les maîtres mots de sa vie.
Le roman se présente comme un triptyque et cette évocation à la religion n'est pas anodine puisque son grand-père était un homme pieux .
La première partie évoque l'enfance et la jeunesse de son grand-père, à Gand, en pays flamand. Une vie pauvre, laborieuse où un enfant accumule des humiliations, un labeur hors de sa portée comme la fonderie où il y travaille durement.
C'est une dure jeunesse mais c'est un enfant aimé par sa mère et un père , peintre d'église auquel il s'identifie et sera certainement le fil rouge de son goût pour la peinture et l'art de peindre.
Le deuxième volet du roman est déchirant puisqu'il évoque la Grande Guerre, la guerre de 14 avec toutes les horreurs et abominations des tranchées.
Dans le dernier volet, Stefan Hertmans nous révèle le grand amour de son grand-père, comment cet amour l'a fait vivre tout au long d'une si longue vie.
Stefan Hertmans parcourt les lieux de la guerre aujourd'hui inconnus à l'histoire tragique de ce qu'ils ont vu. Il se réfère au concept du paysage coupable ? Où les bois trompeurs de Claude Lanzmann dans son film Shoah.
Les paysages ne retiennent rien de l'histoire, la boucle de l'Yser coule tranquillement et sans quelques plaques commémoratives, rien ne saurait dire ce qui fut.

Un livre fort qui m'a énormément touché.Si vous avez le temps, n'hésitez pas à aller écouter Stefan Hertmans parler de son livre lors d'une invitation à Montpellier.
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Par cette lecture, nous voici détenteurs d'une vie.

Stefan Hertmans, après lecture des carnets écrits par son grand-père maternel Adriaan, reconstitue le vécu, l'époque, les émotions, les douleurs de cet homme né à la fin du XIXème siècle et mort au XXème : deux époques, deux sociétés, deux mentalités.

Trois parties nous le restituent : la genèse, la guerre, l'après et son odeur de peinture.

Une histoire personnelle qui tend vers l'universel.

Au départ, un milieu pauvre, des travailleurs honnêtes, des humiliations de la part de bourgeois nantis et francophones.
L'épisode des pièces de monnaie lancées dans la soupe est d'une abjection totale.
Une lumière dans cette noirceur : une mère courageuse et aimante, un père jongleur de couleurs, restaurateur de fresques dans des lieux empreints de sérénité religieuse.
Cette religion qui soutiendra Adriaan tout au long de sa vie, une foi inébranlable que l'auteur ne pratiquera plus.
Évolution des regards, des enseignements et de la pensée, évolution flagrante entre l'époque dite « belle » à tort, une première et seconde guerre et la génération d'après 68.

La guerre de 14/18 : nous lisons l'horreur, nous découvrons l'enfer décrit dans ses détails par un homme fier, en éveil malgré les souffrances, les corps mutilés qui jonchent le sol, la malbouffe, le sommeil perturbé sur de la paille, les humiliations de la part des officiers francophones, la solidarité des soldats wallons, le refus de leur expliquer la motivation ou la nécessité des actes demandés.

Les exactions, les ruines, le ciel de Flandre brouillé par les tirs, les manipulations de l'ennemi, on n'arrête pas d'en apprendre sur la boucherie commise en cette 1ère guerre…
Mais comme l'écrit Stefan Hertmans, après avoir parcouru les lieux : « un lieu vide de sens » s'étale sous ses yeux, la contemporéanité a tout recouvert. L'oubli s'est installé.
Un tel livre est donc nécessaire pour que survivent en nous ces hommes qui ont perdu leur santé, leurs espoirs, leur vie par la faute de la folie humaine.
Cette guerre qui fit perdre les dernières illusions « chevaleresques » (si tant est que cela s'accepte) du militaire devant la déviance et l'irrespect sans nom de l'ennemi.

Puis il y a l'émouvant amour brisé dans sa pureté et dans son espérance, l'hommage qui perdure (une peinture, un prénom…).
L'affection pour l'épouse dévouée, un couple qui se respecte au-delà de toute sensualité.
Et cette main qui tient le pinceau, copie avec talent, bouscule étonnament les couleurs, s'est abreuvée aux enseignements de son père, aux livres, à la musique, à l'observation des toiles de maître, une main qui dit et retient, comme dans la vie, avec cette pudeur de l'époque.

Le séjour en convalescence en Angleterre pendant la guerre permettra une découverte extraordinaire et combien percutante.
Adulte, le petit-fils comprendra beaucoup de choses, en devinera les non-dits.
Un jouet fabriqué par son grand-père avouera son secret dans les lettres et chiffres gravés et se dévoilera à l'homme adulte. Une admiration pour un aviateur, un lieu où son avion s'abattit, un lieu où Adriann découvrit la beauté féminine, une rencontre, un éveil.

Au-delà de la pauvreté du départ et de la monstruosité de la guerre, il ressort un amour inaltérable entre grand-père et petit-fils.

Stefan Hertmans lui rend un hommage et par là même hommage à tous ces grands-pères ou arrière-grand-pères qui ont connu le même enfer.

Un livre témoignage écrasant et magistral.
Un homme, une guerre, de la térébenthine.
La vie, l'horreur, l'art.
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Honte à moi ,bien que belge ,je ne connaissais pas Stefan Hertmans avant d avoir lu des critiques très élogieuses de son roman dans la presse anglo saxonne .
Il faut lire le roman jusqu à la fin ,un véritable petit bijou de sensibilité !
La trame est bien connue :l auteur écrit un roman à partir des carnets que lui à confié son grand père.

J avoue que dans les premiers chapitres je n ai pas été emballée( bien que reconnaissant l excellente facture classique de l ouvrage ) par la relation que fait l auteur de la jeunesse misérable de son grand père ,aîné de 5 enfants dans le prolétariat gantois de la fin du 19 eme siècle : je ne compte plus les récits d enfances misérables qui me sont tombés entre les mains ,toutes à fendre le coeur...et émaillées ici de passages assez « gore «  (le jeune fils du forgeron dont la tête est brûlée vive ds le four...etc ...)
Qu apporte ce roman de nouveau ou de plus?me demandais- je ...
Malgré toute cette noirceur et cette misère , on est frappé par la force Tendre des liens familiaux .
L auteur a une admiration certaine pour ce grand père ,(soit l’auteur des carnets qui inspirent ce roman),dont le sens du devoir (même ds la sphère intime vous verrez ) la droiture et l honnêteté semblent aujourd'hui complètement désuets ou risibles aux yeux des jeunes Générations narcissiques biberonnées à l Instagram et au « moi je » .
Tendresse aussi de ce grand père ,Urbain Martien envers sa mère si belle et si courageuse et envers son père un homme doux ;peintre d église,qu on devine un peu poète et qui mourra prématurément de la tuberculose.
Urbain ,le grand père de l'auteur étudiera ,lui aussi,le dessin et la peinture envers et contre tout ,(il doit travailler dès le plus jeune âge )

Suit la relation des horreurs de la guerre 14-18,maintes fois décrites ds la littérature ,on ne peut qu être frappé à nouveau par l absurdité de cette grande boucherie:
Côté belge
des officiers flamands,bourgeois issus de la haute société -francophones -du moins à l epoque-donnaient des ordres absurdes aux soldats ,hommes du peuple néerlandophones qu ils méprisaient copieusement
-1917 et l idée de lutte des classes ,bien qu en germe n était pas encore advenue-
Ce triste épisode de l histoire belge a été récupéré par les extrémistes flamands belges qui font de l’oppression pendant la grande guerre ,des pauvres types flamands par les méchants francophones ,un de leurs mythes fondateurs ;
C est occulter le fait qu ‘il y avait des hommes du peuple wallon ds les tranchées au côté des flamands et l exploitation des uns par les autres tenait plus du racisme social qu’ ethnique ou linguistique.
Il semblerait tout de même que les wallons (francophones)étaient plus souvent récompensés que les flamands ,d après l auteur .
Dans toutes ces horreurs de pauvreté et de guerre ,l omniprésence de la nature ,de la force de l'amour filial et de l'amour tout court nous font mesurer la dualité de l existence :l homme est capable du meilleur et du pire dans une nature (à l époque on n avait pas encore tout cassé et pollué)à la beauté indifférente ...
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J'ai refermé ce roman avec beaucoup d'émotion…

Ce livre dense est divisé en trois parties : la partie centrale est constituée du cahier de mémoire de la guerre 14-18 écrit par Urbain Martien (« Mon nom se prononce ‘Martine', pas ‘Martien'.C'est l'équivalent de Martinen Flamand, à vos ordres. ») et elle est entourée du récit que fait Stefan Hertmans sur la vie de son grand-père avant et après cette guerre. le carnet de souvenirs personnels a la place centrale car c'est cette guerre qui détermine toute la vie de cet homme.

Mais avant, il y a la naissance en 1891 et l'enfance dans un quartier pauvre de Gand, Céline la mère venue d'un milieu bourgeois, qui s'est « déclassée » en épousant l'homme qu'elle aime, Franciscus, le peintre de fresques à la santé délicate, employé par des institutions religieuses. le catholicisme marque profondément cette famille, Urbain en particulier, dans cette ville de Gand où on parle français (car à ‘époque, les francophones étaient dominants en Belgique, le flamand parlé dans les couches populaires n'était pas reconnu à égalité avec le français). L'enfance et l'adolescence d'Urbain sont marquées par son amour fervent pour ses parents, sa mère digne, maîtresse femme, son père avec qui il passe de longues heures à l'observer en train de peindre et dont il voit la santé se dégrader progressivement jusqu'à une mort prématurée. Ses rêves de devenir peintre à son tour s'effacent devant la nécessité du travail, très rude dans une fonderie, et finalement une formation militaire qui l'amènera aux portes de la guerre avec le grade de caporal.

Urbain raconte ensuite sa guerre : la résistance de l'armée belge démolie par la puissance de feu allemande, la déroute qui accule les Belges sur la rive gauche de l'Yser, l'inondation de la plaine et l'enterrement dans les tranchées avec toute la misère et le danger que l'on sait. Urbain est un personnage emblématique de la Belgique de l'époque : il a le sens de l'honneur et du sacrifice, des valeurs balayées par les exactions allemandes et l'horreur des tranchées ; mais le jeune homme fait obstinément son devoir, il se distingue courageusement et est blessé à trois reprises. (Il passera deux séjours de convalescence en Angleterre, où il découvrira par hasard le travail de son père lors d'un séjour à Liverpool.). Les années 1917 et 1918 sont marquées par des mouvements de rébellion dans les armées, d'autant que les « troufions » flamands sont souvent méprisés par les officiers francophones et que la bravoure flamande n'est pas reconnue à sa juste valeur. Et pourtant Urbain Martien (devenu premier sergent-major) vivra tout le reste de sa vie dans les valeurs et le sens du devoir d'avant 1914.

Après la guerre, il y a enfin la rencontre avec celle qui sera le grand amour de sa vie après sa mère, Maria Emelia elle aussi bien trop tôt partie. Et puis c'est une vie de devoir, de rigueur, de dignité, marquée notamment par le port du même costume noir strict et de la lavallière, et en même temps d'une vie intérieure, intime tellement secrète, impossible à exprimer sauf peut-être dans la peinture, dans les nombreuses copies de tableaux célèbres où Urbain excelle. Bien des années après sa mort, le petit-fils Stefan se mettra sur les traces de ce grand-père tant aimé en observant les toiles, en en trouvant de cachées, en se promenant sur les lieux où a vécu et combattu le jeune homme, en évoquant ses souvenirs les plus marquants (notamment celui de la montre du grand-père) et en leur donnant du sens.

C'est un roman de mémoire, d'amour familial, le roman d'un grand-père et de son petit-fils, le roman d'un petit homme aux yeux de l'Histoire mais qui s'y est inséré avec grandeur, le roman d'une région, la Flandre, de ses traditions sociales et religieuses, de ses combats qui marquent toujours aujourd'hui le paysage politique belge, un roman de guerre, de peinture et de musique. C'est aussi un roman magnifiquement écrit (et traduit, forcément), avec ses phrases amples, ses évocations sensibles, sa pudeur émouvante. C'est un grand roman flamand. Un grand roman belge.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Ce livre imprègne le lecteur. le temps qu'il raconte est si lointain que les jeunes générations ont peine à imaginer que cela a pu être, une telle guerre, un homme touchant, serviable et si pieux, si pudique, tellement suranné avec le Borsalino et la lavallière. Né la même année que l'auteur (1951), j'ai un peu connu mes grands-parents, beaucoup grâce aux souvenirs de mes père et mère et tout ce que l'auteur raconte de son grand-père me paraît faire partie d'une période qui m'englobe.
Le succès du récit à partir des mémoires écrites de l'aïeul Urbain Martien est assuré par la narration bien distribuée de ses différentes facettes : la vie familiale de l'enfant pauvre à l'époux, le soldat en guerre blessé trois fois qui perd les illusions et l'auteur lui-même, le petit-fils pourvu des cahiers manuscrits, de quelques toiles peintes, photos et objets-souvenirs, sur les traces le plus souvent effacées de ce qui fût le paysage d'une vie. Bouleversante plongée dans un monde révolu exceptionnellement ravivé, qui imprègne de peinture à l'huile et de la boue des tranchées.
Lien : https://christianwery.blogsp..
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Un portrait tout en sensibilité du grand père de l'auteur et la photo d'une Belgique un peu oubliée parfois pour le meilleur parfois pour le pire.
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Une de mes premières visites à Gand avait un objectif précis : j'avais demandé à ma mère de m'emmener voir la cathédrale Saint-Bavon pour découvrir le polyptique de l'Agneau Mystique peint par les frères van Eyck. J'avais 14 ou 15 ans et j'avais choisi ce chef d'oeuvre de l'art primitif flamand comme sujet d'une présentation orale à l'école. Je garde un merveilleux souvenir de cette visite. C'était sans doute une des premières fois que j'étais aussi attentif et curieux à l'histoire et aux détails d'une oeuvre d'art.
« Guerre et térébenthine (Oorlog en terpentijn) » de Stefan Hertmans m'a rappelé avec délices cette association entre la peinture et Gand, cette superbe ville flamande au confluent de la Lys et de l'Escaut. le livre, que je n'ai malheureusement pas lu dans le néerlandais original, a été directement inspiré par des carnets laissés par son grand-père à l'auteur. Il a attendu trente ans pour les ouvrir, mais le résultat est un splendide triptyque : une jeunesse pauvre avant 1914 dans un monde aujourd'hui disparu, la guerre et l'inanité de ses actes d'héroïsme, et enfin les longues années qui ont suivi, vécues dans la demi-teinte d'un amour inabouti.

Lien : http://www.lecturesdevoyage...
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