— Anatole est furieux. Pour tout de bon il est furieux. Le grand Anatole, vous le connaissez bien ? Anatole de la rue Fontaine ! l’Anatole à Nana ! Mais vous ne connaissez que lui. Un grand jeune homme avec des cheveux roux et une poitrine bombée comme une cuirasse ! Anatole Jubeau, celui qui a exposé l’année dernière un tableau si drôle : le Diable dans un bénitier ! Anatole enfin !
— Connais pas du tout.
— C’est singulier. — Eh bien ! le grand Anatole est furieux. Il devait envoyer au Salon une Vénus ; et d’après les discours de Banet, son rapin, que je viens de rencontrer avec des larmes grosses comme des poires sous les yeux, il est furieux ; il ne peut pas achever sa Vénus.
— Pas possible !
— C’est comme cela. Il est furieux. Banet est renvoyé. Il ne sait plus où coucher.
— Pauvre Banet, il est donc coupable ?
— Coupable ? Oui et non. C’est comme l’utilité des corsets. Il n’a pas fait exactement son devoir, voilà tout. Mais, entre nous, il n’y a pas de sa faute. Que voulez-vous qu’il fit ? Quand une femme a quelque chose en tête, bien fort est l’homme qui la détournera de son dessein.
— Mais quelle est donc cette histoire ?
— Ah ! voilà. Jubeau, je veux dire Anatole, avait trouvé l’année dernière après le Salon, une fille superbe, un modèle à tout casser. Parfaite. Elle posait l’ensemble depuis peu de temps. Anatole, je veux dire Jubeau, la rencontra dans un atelier, chez Hangot. Vous connaissez Hangot ? Hangot de la place Pigale ! Celui qui vit avec Titine. Hangot ! vous ne connaissez que cela. Un petit, avec une barbe noire, pas de cheveux et des mains comme un bossu qui aurait confié sa bosse à Mme Delpech (de Montauban). Vous ne vous rappelez pas Hangot, toujours souriant, toujours content ?
— Connais pas.