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sur 169 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Félicité HERZOG. Un héros.

En une petite journée, j'ai lu le roman autobiographique que Félicité hERZOG consacre à son père, Maurice HERZOG, héros et grand vainqueur de l'Annapurna en 1950. Suite à cette victoire, ce dernier sera le premier ministre de la Jeunesse et des Sports sous le mandat du Général de GAULLE, Président de la République. Elle nous dépeint son géniteur et brise la carapace de ce héros. Il y a à peine un mois, j'ai lu le récit consacré à sa mère, Marie-Pierre COSSE-DE- BRISSAC, alliée aux SCHNEIDER, les sidérurgistes, « Une brève libération ».

Maurice HERZOG n'est pas le père parfait. c'est un homme volontaire, fortement imbu de lui-même, et qui présente plusieurs facettes. Un bel homme, cavaleur et qui dès le lendemain de ses noces, entame une double vie. Plusieurs femmes partageront sa couche, ayant même des enfants et il divorcera peu après la naissance de son fils, Laurent, le frère de Félicité. Cet homme, élevé sur un piédestal, suite à son ascension d'un haut sommet de l'Himalaya connaîtra les ors de la république.. Par contre, au cours de l'enfance, de l'adolescence de ses enfants, il brillera par son absence, laissant la garde, l'éducation de ses enfants à son ex-épouse.

Laurent, enfant surdoué, élevé de façon militaire afin de succéder à son père, ne peut y parvenir. C'est un être sensible, très perturbé par son éducation, qui traîne une volonté de fer afin de réussir pour donner toutes satisfactions à ce père héros, fantasque, hypocrite… Ce jeune homme va être victime de crises de paranoïa à répétitions, de bouffées délirantes. Interné, il se jettera d'un pont pour mettre fin à ses jours, ayant entendu une voix lui ordonner cette action... Sa chute sur un camion lui sauvera la vie. Il sera enfermé en asile psychiatrique puis rendu à sa famille et décédera dans la propriété des grands-parents à l'âge de 25 ans d'une mauvaise chute dans un escalier…

Pour Félicité, ce père n'a pas une conduite exemplaire. Comment un père peut-il dire à sa fille : « Tu verras, ma petite, comme toutes les femmes, c'est cela que tu aimeras, un sexe dur qui te fera bien jouir. ». Ce père qui photographie sa fille, comme Hamilton, un peu incestueux ne prend que rarement des nouvelles de ses enfants. Comment se conduit-il dans la nouvelle famille qu'il a composé ? de conquêtes en conquêtes, c'est un père inexistant. Aussi Félicité déclare : «  S'il y avait alors eu un marché d'occasion des pères, je l'aurais cédé pour un franc symbolique » ( page 185).

Porté aux nues grâce à un évènement sportif de haut niveau, cet homme n'est pas vertueux. Je comprends le raisonnement et l'attitude de Félicité et de Laurent, face à ce véritable despote. C'est un père absent et démissionnaire. Les enfants sont livrés à leur libre arbitre. Leur mère s'implique fortement dans son travail au ministère. Félicité est horrifié par les relations qui unissent son père à Jean-Marie le PEN. Cette jeune femme renverse le héros et nous offre un portrait pathétique de celui qui fut un grand héros ; elle émet même de fortes présomptions sur son rôle lors de son escalade. Elle doute de son honnêteté face à ses compagnons de cordée, dont Louis LACHENAL, Gaston REBUFFAT, etc....

Merci Félicité pour ce récit plus ou moins autobiographique ; au travers de ce livre, vous rendez un bel hommage à votre frère trop tôt disparu. Vous dissipez des brumes enveloppant l'aura de votre père et accompagnez d'amour votre mère. Je n'ai donc pas lu dans l'ordre vos deux oeuvres mais je n'ai aucun regret et cela importe peu. Bien au contraire, je connaissais déjà votre maman grâce à « Une brève libération ». Je recommande la lecture de ces deux histoires, toutes les deux, basées sur des faits réels.
( 06/11/2022).
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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N°600– Novembre 2012.
Un hérosFélicité Herzog - Grasset.

Victor Hugo voyait son père comme un héros, mais je ne suis pas bien sûr que les Vendéens de 1791 dont il mata la révolte partageaient son admiration pour son « sourire si doux ».

Je ne sais pas pourquoi, mais j'aime assez qu'on fasse tomber les mythes qui, le plus souvent sont hypocrites. La famille, à laquelle on trouve par ailleurs beaucoup de qualités et qui est aussi un pilier de la société, est un des thèmes qui se prête à ces mises au point, surtout quand elles sont nourries par ceux qui ont été les victimes innocentes et surtout impuissantes des ces potentats familiaux qui trouvent ainsi le moyen d'y étendre leur autorité malsaine tout en tissant, à leur seul bénéfice, une image forcément favorable. C'est sa fille, Félicité, qui se charge de cette tâche d'autant plus ingrate qu'elle s'attaque à la statue du commandeur, son propre père, Maurice Herzog. Pour le commun des mortels, cet homme est un ancien résistant, un alpiniste accompli, vainqueur de l'Anapurna en 1950 et même si cet exploit a été enjolivé et contesté, il reste celui dont les doigts ont été amputés par le gel dans cette aventure, l'homme de lettres aussi qui en tira un best-seller. Secrétaire d'État à la jeunesse et aux sports du général De Gaulle, il garde l'aura de ce titre qui fait de lui un homme politique respecté, grand-Croix de la Légion d'Honneur. le père devenu fasciste avec le temps, fut un séducteur impénitent, un père absent et démissionnaire, indifférent et lointain, plus impliqué dans les fonctions officielles et ses succès féminins que dans sa propre famille. Il dit d'ailleurs à Félicité «Tu es ma fille mais tu es une étrangère », un père abrupt, inattendu parfois quand il s'adresse à sa fille en la photographiant et lui déclare sans équivoque, l'avant-bras dressé « Tu verras ma petite, comme toutes les femmes, c'est cela que tu aimeras, un sexe dur qui te fera bien jouir ». Il est vrai que ce n'est pas facile d'être la fille d'un héros à ce point reconnu, un personnage public couvert d'honneurs et qui entretient, de son vivant, sa propre légende.
Face à lui, une mère, malheureusement en charge de deux enfants qui lui échappent de plus en plus, peu regardante elle-même sur la fidélité conjugale, elle est davantage faite pour l'enseignement public que pour l'éducation de ses propres enfants.

L'auteure, née en 1968, tente de se libérer par l'écriture d'un contexte familial qu'elle présente comme délétère «  Je n'étais qu'un petit garçon manqué que la familiarité libidineuse de mon père confortait dans son choix de comportement ». Il reste une « énigme insupportable », son frère aîné Laurent, schizophrène, paranoïaque, mort à trente quatre ans d'un infarctus après avoir été « vagabond des étoiles », « promeneur du monde », enfermé petit à petit dans une maladie qui fera de lui un jeune homme déstructuré qui est persuadé d'être la victime d'un complot international. Dès sa disparition, on ne parle plus de lui et son père n'ira jamais sur sa tombe peut-être parce qu'il ne sera plus jamais « l'enfant sublimé qui devait répondre par miroir aux canons parentaux ». Pour Félicité, il avait été longtemps ce frère, adulé, jalousé et craint, nanti d'un avenir brillant et chargé par avance de perpétrer la lignée alors qu'elle n'était cantonnée que dans un rôle secondaire par ses parents. le frère et la soeur, que tout oppose sont deux-écorchés vifs mais Laurent, plus violent va finir par plonger dans la marginalité puis dans la folie que personne n'avait vue venir. Face à cette famille, Laurent et Félicité sont des « manants » dont l'adolescence a été rendue infernale par un duel fratricide. Ensemble ils sont les héritiers privilégiés mais abandonnés d'une famille d'aristocrates, les grands-parents, duc et duchesse de Brissac d'un côté et la dynastie industrielle Schneider de l'autre. Ses grands-parents maternels, Vieille France, antidreyfusards et arc-boutés sur leur arbre généalogique ont pactisé avec l'Allemagne nazie, mais sa mère, Marie-Pierre, agrégée de philosophie, choisit pour premier mari un jeune inspecteur des Finances, résistant et juif. Elle épousera ensuite Maurice Herzog dont elle divorcera également.

Il reste à Félicité à entrer véritablement dans la vie. Peut-être à cause du parcours raté de son frère qu'on destinait à la banque ou peut-être parce qu'elle est enfin libérée de l'emprise de cette famille, elle entre comme analyste chez Lazard à New York. Elle connaît cet univers impitoyable de la finance internationale où tout n'est que rentabilité et déshumanisation. Pourtant cette nouvelle vie l'aide à oublier son passé, à tourner la page et à s'installer dans un nouvel univers où elle trouve sa place « Je damais le pion à mes fantômes existants ou futurs, mes faux et mes vrais héros, en m'arrachant brusquement à mon amas de mémoire putride ...J'avais obtenu une place dans une autre fratrie».

Le véritable héros de ce roman, ce n'est pas le père dont elle livre une image différente de celle que l'histoire a retenu, mais le frère qui a pour elle marqué sa vie de son existence courte mais intense comme le font généralement ceux qui meurent jeunes. Dans ce livre, l'auteure règle ses comptes avec ce père qui ne correspond pas à l'image qu'il avait lui-même tissée autour de lui. Il n'y a rien d'étonnant à cela, d'autant qu'elle le fait avec talent. Ce que je retiens aussi, c'est l'image de ce frère, alternativement surexposée ou floue qui se transforme à la fin en fantôme perpétuellement présent.

L'éditeur range, par commodité sans doute, ce livre dans la catégorie « Roman ». Ce n'en est pourtant pas un. Non seulement l'auteure a le courage de ne pas avancer masquée en offrant à son lecteur une fiction, une autobiographie qui ne voudrait pas dire son nom, mais surtout elle affronte l'hypocrisie familiale et ses trahisons autant que le lourd passé qu'elle génère, rend hommage à ce frère à la fois redouté et regretté.

J'ai bien aimé ce livre, notamment parce qu'il est bien écrit. L'écriture, pour celui qui la pratique est une libération et, pour le modeste lecteur que je suis, elle est un plaisir et c'est important.

©Hervé GAUTIER – Novembre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Excellent roman, très bien raconté dans un style littéraire très très subtil.

Félicitée Herzog relate ses premières années tout en déconstruisant le mythe du père, en décryptant les attitudes et les usages de son milieu bourgeois, en relatant avec douleurs les difficultés de son frère.

Passionnant et rapide à lire.
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J'ai démarré ce livre, avide de savoir comme l'auteur allait démolir son père. J'ai découvert une grande auteure, un style extrêmement maîtrisé, une description efficace et corrosive de la grande bourgeoise. Finalement le côté people passe au second plan. A lire absolument.
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de la même veine, découvrez "Ô dix-neuvième !" d'Elvire de Brissac, la Tante de Félicité Herzog, chronique d'une rencontre imaginaire entre Adolphe Schneider (la grande famille industrielle) et Alphonse de Lamartine
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