Je n'avais pas encore lu
Félicité Herzog. Et je viens de refermer son livre.
J'ai trouvé que l'auteure a eu beaucoup d'imagination, même si sa vision du monde de demain est assez terrifiante et apocalyptique.
Et je n'ai pas ressenti, contrairement à ce que j'avais pu le lire dans un commentaire odieux, qu'elle avait eu la prétention de se prendre pour Orwell.
«
Gratis » est une dystopie où certaines situations narrées, pourraient devenir réelles dans un futur proche.
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Que dire sur ce roman d'anticipation ?
Un livre qui est tout de même surprenant par son originalité.
L'univers de Félicité m'a paru bien glacial. Ce n'est pas Dallas, mais il est comme cette ville ; impitoyable ! Il est d'autant plus vrai qu'il n'y a rien de poétique à voir des milliers de chiffres, ceux qui mènent le monde, qui s'alignent et défilent sur les écrans.
C'est la grande époque où le profit et l'argent sont les maîtres tous puissants. Comme des dictateurs qui soufflent un froid sidéral sur la planète, balayant les grandes valeurs humaines. Seuls les chiffres et l'argent comptent.
C'est aussi une période où des pays sont en faillite. L'Angleterre est devenue « l'Eldorado » des temps modernes. Toutes les nouvelles sociétés viennent s'installer, espérant tirer un maximum de richesse et devenir les meilleures sur le marché mondial économique.
C'est ainsi que Ali Taric avec sa nouvelle start-up, arrive lui aussi pour conquérir la planète.
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La société telle que la décrit
Félicité Herzog, n'a rien d'écologique non plus, car nous sommes à l'ère de la pleine informatique, de l'ordinateur, des milliards de données virtuelles qu'il faudra stocker et sauvegarder. Qui dit stockage, dit encore plus de « data-center » pour entreposer toutes ces données. Des centres de données qui sont implantés dans des gigantesques sites physiques. Ceux-ci, parsemés dans le monde entier, regroupent des installations informatiques chargées de stocker et de redistribuer les données.
Des sites avec ses systèmes de climatisation consommant beaucoup d'électricité, mais nécessaire pour refroidir tous les processeurs, les serveurs, les routeurs indispensables à la bonne marche du réseau Internet mondial.
A méditer. Comment paralyser tout un état ?
En lui coupant simplement l'électricité et même si les plusieurs groupes électrogènes du pays prendront le relai à des endroits stratégiques.
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Il y a peu de place pour l'amour et la tendresse dans ce roman, où les humains sont souvent à la recherche de leur réussite professionnelle et de la reconnaissance par leur hiérarchie, par leurs gourous.
Il y a ce très bon passage et une belle analyse de l'auteure, lorsqu'elle traite du sujet de la mode futuriste à travers le personnage de Léa, mannequin de profession.
L'auteure fut finalement très proche de la réalité, celle que je constate aujourd'hui dans les magazines et sur les réseaux sociaux.
Les maisons de mode cherchant à effacer de plus en plus les corps, le genre et les personnalités de leurs modèles, pour mettre seuls leurs vêtements de marque en valeur.
Effrayant de réalisme. Une inquiétude qui m'interroge de pouvoir citer des célèbres top modèles charismatiques des années 80, comme en exemple ;
Claudia Schiffer,
Cindy Crawford,
Ines de la Fressange, Linda Evangelista. Et être incapable de donner un seul nom de modèles des années 2020.
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«
Gratis » est un récit construit en deux parties. La première où j'ai eu quelques difficultés à entrer dans le monde futuriste décrit par Félicité. Et une deuxième partie qui me fut plus accessible et plus attractive.
Attention lectrices et lecteurs. Si vous êtes un peu fermés et récalcitrants ou non formés, au monde de l'économie et du marché mondial, la première partie risque d'être ardue à lire.
Félicité Herzog, qui connait parfaitement ce milieu et tous ses rouages, utilise un langage parfois très technique pour nous plonger et nous immerger dans le monde de la banque, des finances, des cabinets conseils, des sociétés de l'information et de la communication.
Et même si l'auteure s'est appliquée à donner des explications très claires sur ce monde futuriste, j'ai dû parfois rechercher sur le dico « google », pour connaitre le sens de certains mots du dialecte économique.
Malgré cette petite contrainte, le style est agréable et élégant. le roman est bien structuré et il bien écrit. Même trop bien écrit ! Il est évident que Félicité a un beau talent littéraire.
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Dans la deuxième partie,
Félicité Herzog nous embarque avec Ali Taric, un de ses personnages principaux et fantasques, dans son histoire délirante. J'ai eu la sensation de glisser vers un thriller psychologique.
L'homme qui s'était fait oublier pendant quelques années, revient en force pour créer sa propre entreprise et concept révolutionnaire ; « NewBirth », qu'il a conçu entièrement.
Ali Taric en savant en peu fou, a inventé « La transition » qui propose à toutes personnes de changer de vie du jour au lendemain.
Ce concept permet à tout humain, blasé ou insatisfait par sa présente vie de disparaitre.
Il aura la possibilité de renaitre en choisissant, à la carte, une autre identité, un autre ailleurs, une autre vie. Il pourra ainsi passer le restant de ses jours dans "le paradis" qu'il aura choisi.
Mais un tout petit grain de sable fera bientôt gripper cette belle machine. Et les ennuis commenceront...
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Cette deuxième partie me fut reçue encore plus imaginative. Pour moi, elle aurait mérité d'être beaucoup plus développée. J'aurais aimé que l'auteure donne encore plus d'épaisseur à ses personnages et pour certains qu'elle étoffe leur chemin de vie.
Mais l'ensemble du roman et de ce monde futuriste a une excellente trame.
L'auteure « très carrée » dans sa tête, s'est aussi évertuée à faire une savante narration. Elle fut précise, circoncise, où rien ne fut laissé au hasard, pour expliquer la complexité du fonctionnement de NewBirth.
Félicité se paie même le luxe de décrire les points forts de cette entreprise révolutionnaire et « idéale » en façade. Mais aussi l'auteure nous en explique scrupuleusement, ses zones d'ombre et ses failles.
Et comme une lanceuse d'alerte,
Félicité Herzog, nous place devant des questions d'éthique que soulève une telle entreprise.