♫ Les portes du pénitencier, sur elle, se sont refermées ♪ Et c'est là que certaines finiront leur vie ♪ Comme d'autres femmes l'ont finies… ♫
De la ville de Tunis, personne n'a envie d'aller faire un tour à La Manouba, la prison pour femmes, où il ne fait pas bon y être emprisonnée.
Dans les prisons, il y a des règles à respecter, propres à l'établissement et lorsqu'on est bleue, on ne les connait absolument pas, ce qui peut entraîner bien des problèmes. Heureusement, notre jeune Française, emprisonnée pour avoir manifesté, aura la chance de se faire enfermer dans le pavillon D.
Oui, de la chance ! Non pas que ce soit le Club Med, mais comparé à d'autres pavillons, celui-ci est un peu plus humain que d'autres, moins violents et notre jeune femme fera des rencontres décisives, qui lui ouvriront les yeux.
Oui, elle a eu de la chance de tomber sur des femmes pas trop méchantes, qui l'ont prises sous leurs ailes, qui lui ont expliqué les règles, qui l'ont aidées à s'en sortir, à survivre dans un univers carcéral qui n'est pas fait pour nous…
Là-bas, une jeune fille a été condamnée à plusieurs années de prison pour tricherie au bac et on en croisera une autre, qui, en plus d'avoir été violée, aura droit à l'ignominie rajoutée à l'ignominie : ou comment tripler la peine d'une victime, tout en blanchissant l'homme coupable de l'acte (et tous les autres). Terrifiant !
Sans jamais sombrer dans le pathos, l'autrice nous raconte ce qu'elle a vécu dans cette prison tunisienne, les multiples humiliations, l'enfer des transports et les règles bien souvent idiotes et illogiques : pour te doucher, tu gardes ta culotte, parce que la techa d'une femme, c'est sale (les gardiennes sont pourtant des femmes), mais ces mêmes gardiennes ne se priveront pas de vous fouiller l'anus et le vagin… Juste pour le plaisir de vous humilier.
Une fois de plus, voilà un récit qui m'a pété à la gueule et qui m'a tordu doucement les tripes, car comme l'autrice, j'ai, moi aussi, pris une leçon d'humanité. Qui aurait cru cela possible, avec des femmes incarcérées pour meurtres ou pour d'autres motifs ?
Bien qu'entre nous, j'accorderais bien une médaille à celle qui tua son mari (et son père et ses frères), vu ce qu'elle avait endurée.
Dans ce roman coup de poing, dans cette autobiographie, il n'y a pas que l'autrice, qui est l'héroïne, mais aussi toutes ces femmes enfermées avec elles, ces parias, ces femmes qui ne sentiront plus le soleil réchauffer leur peau, qui continueront de subir leur incarcération, sachant qu'une fois sortie, rien de bon ne les attendra dehors.
Sans jamais les juger (bien qu'au départ, elle le fasse), l'autrice apprendra à les connaître, à les écouter se confier, parlant de leurs fautes, de leurs crimes, de leurs erreurs, le tout avec beaucoup d'humanité aussi, balançant aux orties ses préjugés moraux.
Être une femme, dans certains pays, c'est plus qu'une épreuve, plus que marcher sur une corde raide, plus qu'une punition, plus qu'un risque de tous les jours, de toutes les heures. Dans certains pays, les hommes ont TOUS les droits, les femmes n'en ont aucun.
Dans ces sociétés patriarcales, hautement religieuses, les êtres humains font rarement preuve de mansuétude, de pardon, de gentillesse et les femmes trinquent deux fois : victimes de la violence des hommes (ou de la société) et ensuite, victimes de la violence des autres femmes (gardiennes, belle-mère, mère,….).
Un magnifique roman qui met en avant la sororité, l'humanité, la solidarité, dans un lieu où il est si facile de la perdre.
Un roman magistral et un coup de coeur !
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